L’impossible dialogue

Ali BongoZacharie-MybotoLe Front uni de l’opposition et le pouvoir en place se sont exprimés à l’occasion des voeux de nouvel an. L’appel au dialogue lancé par la communauté internationale et quelques responsables politiques locaux n’a pas trouvé un écho favorable. Paradoxalement pour la même raison.

Le Gabon s’acheminerait-il vers l’implosion tant redoutée, avec son lot de conséquences malheureuses ? Les appels au dialogue du représentant spécial des Nations unies pour l’Afrique centrale, Abdoulaye Bathily, de la Délégation de l’Union européenne et de plusieurs partis politiques français semblent, pour l’heure, ne pas avoir retenu l’attention des protagonistes. Les discours prononcés à la Saint-Sylvestre par Zacharie Myboto, au nom du Front
uni de l’opposition pour l’alternance, et Ali Bongo Ondimba, au nom du pouvoir, ayant révélé l’existence de préalables importants pour que ce dialogue puisse se tenir. Ces préalables, paradoxalement, ont une même origine : les conditions dans lesquelles Ali Bongo Ondimba avait sollicité les suffrages des Gabonais et pris le pouvoir en 2009.
Dégainant en premier, le mercredi 31 décembre, en matinée, au siège de son parti dissous, l’Union
nationale, Zacharie Myboto a été on ne peut plus clair. Pour lui et ses pairs, «… toute solution de sortie de crise doit désormais tenir compte des révélations renforcées qui frappent le statut d’Ali Bongo Ondimba et sa présence au pouvoir d’illégalité.
Ce statut est désormais non conforme à l’article 10 de la Constitution. En effet, dans quel pays sérieux, peut-on accepter à sa tête un dirigeant qui, comme un magicien, exhibe des pièces d’état
civil aussi fausses les unes que les autres » ? En clair, si dialogue il doit y avoir entre Ali Bongo Ondimba et le Front, il n’aurait qu’un seul enjeu: mettre un terme au pouvoir usurpé par Ali Bongo Ondimba en 2009, en raison de la violation de la Constitution gabonaise et de l’usage par ce dernier au cours de cette élection d’un document de naissance qui, en tous points, apparaît commeun faux. Du côté d’Ali Bongo Ondimba, l’homme s’est dépeint comme « un homme de dialogue et d’ouverture…». Mais pour aussitôt se fermer. Car, dans son esprit, « le Président de la République ne peut pas dialoguer avec des personnes qui ne respectent, ni les institutions de la République, ni ceux qui les incarnent.Le Président de la République ne peut pas dialoguer avec des personnes qui violent délibérément les lois de la République ; posent des actes de défiance à l’autorité de l’Etat tout en mettant en péril la vie de nos concitoyens… ». Sauf qu’Ali Bongo Ondimba a oublié d’indiquer que ce comportement que lui renverraient ses principaux contradicteurs est le résultat de sa gestion politique. Il prive l’opposition de tout espace d’expression, malgré la garantie de ce droit par la Constitution. Sa prise de pouvoir est parfaitement illégale au regard des dernières révélations de Pierre Péan et de la publication de faux documents à laquelle il s’est livré maladroitement, et qui a totalement discrédité le personnage dans l’opinion. Ces éléments ont fini de convaincre l’opposition que la personne qui incarne la première institution du Gabon s’y est installée au prix de viols délibérés des lois de la République. L’accusation de faux etusage de faux au sujet de son acte de naissance, pièce maîtresse de sa déclaration de candidature. On yajoute un parjure. Car au moment de prêter serment devant la Cour constitutionnelle, le chef de l’Etat savait qu’un acte réprimé par le Code pénal gabonais, commis par lui, était un élément constitutif de son dossier de candidature. Tous ces indicateurs poussent malheureusement ses adversaires à ne plus respecter ceux qui incarnent les institutions de la République actuellement. Ce sont autant de raisons, au nom de leur droit à la liberté d’expression, qui amènent les mêmes adversaires à « braver » l’autorité de l’Etat, pour ne pas se plier à une application de loi

à géométrie variable. Elle diffère selon que l’on appartienne au pouvoir ou à l’opposition. Tant que ce contexte brumeux entourant la prise de pouvoir d’Ali Bongo ne sera pas éclairci, le Front ne considérera jamais pareille « première institution ». Tant qu’Ali Bongo Ondimba, pour sa part, considérera cette attitude comme un non-respect « des institutions et ceux qui les incarnent », il restera dans sa position jusqu’au-boutiste. Dans un tel contexte, il ne reste plus guère de place au dialogue. Mais, malheureusement à l’épreuve de force.