Assassinat de Mboulou Beka 

Mboulou Beka

La famille demande le dessaisissement du procureur de la République

 

Le procureur général près la Cour d’appel judiciaire de Libreville vient d’être saisi d’une plainte initiée par la famille de Mboulou Beka contre le procureur de la République Sidonie Flore Ouwe. Selon leur avocat, Maître Paulette Oyane Ondo « la procédure vise à dessaisir madame le procureur Sidonie Flore Ouwe du dossier de l’assassinat de Mboulou Beka pour violation de plusieurs principes de droit pénal ». Un dossier plus qu’explosif.

Mboulou Beka

Maître Paulette Oyane Ondo, le conseil de la famille de feu Mboulou Beka, vient d’introduire, à la demande de son client, une requête auprès du procureur général près la Cour d’appel de Libreville. Elle vise ni plus ni moins que le dessaisissement du procureur de la République près le tribunal de première instance de Libreville, Sidonie Flore Ouwe, et la nomination d’un autre procureur à sa place, dans l’affaire de l’assassinat de Mboulou Beka.
La plainte a été reçue par les services du procureur général le 30 janvier 2015. Pour l’avocat, cette requête se justifie amplement. « Le procureur de la République près le tribunal de première instance de Libreville, madame Sidonie Flore Ouwe n’a aucunement garanti les droits de Mboulou Beka, au contraire. Elle n’a cessé de les bafouer. Les ayants droit de Mboulou Beka, abusés n’ont plus confiance en elle et considèrent qu’elle n’a pas la crédibilité indispensable et suffisante pour remplir les prérogatives de sa fonction dans cette affaire… Maître Oyane Ondo, a axé sa requête exclusivement sur le terrain de la violation des droits notamment sur le droit à la vie qui « est le droit suprême de tous les droits fondamentaux ». Elle appuie sa démonstration sur des arguments techniques puisés dans les traités internationaux dont le Gabon est Etat partie et la jurisprudence internationale, notamment celle de Cour européenne des droits de l’homme. Celle-ci, en effet, soutien que « …le droit à la vie implique à la fois une obligation positive pour les Etats de protéger ce droit et une obligation de mener une enquête effective lorsque des personnes ont été tuées des suites d’un recours à la force… ».
A en croire la requête introduite par l’avocat à la Cour d’appel de Libreville, le procureur de la République aurait violé au moins deux textes internationaux dont le Gabon est Etat partie. Il s’agit du texte sur « Les principes internationaux pour l’indépendance de la magistrature ». En son article 6, ce texte dispose que « les magistrats ont le droit et le devoir de veiller à ce que les débats judiciaires se déroulent équitablement et à ce que les droits des parties soient respectés ». Tout le contraire de ce qu’a fait Ouwe dans cette procédure, depuis le 20 décembre. Elle s’est surtout ingéniée à vouloir sauver la mise à l’une des parties, en occurrence l’Etat. Notamment en rendant publique une version erronée des faits, en posant des actes de procédure, une autopsie en public devant les médias, sans informer ni associer la famille. Ces seuls faits « suffisent à la dessaisir de ce dossier », a indiqué l’avocat.
Le procureur s’est également rendu coupable de la violation du texte appelé « Les principes directeurs applicables au rôle des magistrats du parquet », adoptés par les Nations unies, en 1990, et bien sûr ratifié par le Gabon. D’après ce texte, indique la requête de l’avocat, le ministère public est « chargé de veiller, au nom de la société et dans l’intérêt général, à l’application de la loi, lorsqu’elle est pénalement sanctionnée, en tenant compte d’une part des droits des individus et, d’autre part, de la nécessaire efficacité du système de justice pénal ».

Ceci veut dire en des termes clairs que le procureur « doit respecter deux conditions fondamentales : les droits des personnes et l’efficacité de la justice pénale ». Or, à en croire l’avocat, Ouwe est très loin de respecter ce standard sur lequel le Gabon s’est pourtant engagé, car préoccupée exclusivement « par l’ordre public », au mépris des droits des individus. Ce qui « … vicie la justice pénale au Gabon ». Elle donne même l’impression de vouloir se substituer au ministère de l’Intérieur. Pour preuve, elle a présenté le défunt Mboulou Beka publiquement comme un malfaiteur, tué par ses comparses au cours de la casse d’un magasin, le 20 décembre pendant les manifestations.
En outre, le procureur a violé tous les textes relatifs aux droits de l’homme. Surtout dans leur exigence de rendre prompte et impartiale toute enquête relative à la privation du droit à la vie. Or, il est établi que le procureur n’avait ouvert aucune enquête, après l’assassinat de Mboulou Beka, contrairement aux contre-vérités qu’est venu débiter le chef de l’Etat devant les médias, à plusieurs reprises. Notamment quand il invoque une enquête « en cours » devant le journaliste de Rfi, Alain Foka. Alors qu’il n’en est rien. Il a fallu attendre le dépôt de la plainte de la famille auprès du doyen des juges d’instruction, pour que l’enquête démarre enfin. Soit plusieurs semaines après l’assassinat.

Ce qui est contraire au caractère « prompt » exigé par les instruments internationaux en matière d’enquête dans de telles circonstances. D’ailleurs, le procureur de la République aurait été incapable de conduire cette enquête de manière « efficace », du fait de sa soumission au chef de l’Etat. Le sms de déférence arrivé sur le portable d’un prêtre, alors que Ouwe pensait l’envoyer à Ali Bongo Ondimba en est la preuve. Ce qui l’a sans doute amenée à ne point entamer le moindre acte élémentaire de procédure, en recueillant les éléments de preuve de l’assassinat de Mboulou Beka et les témoignages visuels. Si elle l’avait fait, cela l’aurait amenée à confondre l’Etat et son mentor, Ali Bongo Ondimba.
Avec autant d’éléments militant contre le procureur de la République, la Cour d’appel ne peut que répondre favorablement à la requête de la famille du défunt. Dans tous les cas, l’avocat a averti. Toute autre issue la conduirait « à regret, … à saisir contre l’Etat gabonais, l’Association internationale des procureurs », à la Haye. Association logée non loin de la Cour pénale internationale (CPI). Un mauvais présage pour certains au sommet de l’Etat.