De la dynamique unitaire au dialogue

Désiré Éname
Désiré Éname

Cette semaine, nous traiterons de deux sujets qui ont un lien étroit : l’Union nationale au sein du Front et le débat sur le dialogue opposition-pouvoir.

 

« Pour le Gabon et les Gabonais, nous avons le devoir d’unir nos forces (…)Demain comme hier, l’Union Nationale ne ménagera aucun effort pour défendre les intérêts du Front, ceux de l’Opposition au régime PDG et partant, ceux du peuple gabonais. »
Zacharie Myboto a redit haut et fort l’ancrage de l’Union nationale(UN) au sein du Front uni. Une déclaration qui coupe court aux expectations de sa petite majesté, dont les « stratèges » ont tablé sur la réhabilitation de l’UN pour disloquer le Front uni. Ce qui, du reste, est absurde, dans la mesure où les membres de ce groupe sont liés par une charte, et que ce qui a souvent été un obstacle dans les années antérieures, à savoir la multiplicité des candidatures, a été levé.C’est à l’unanimité que les différents membres du Front ont décidé d’une candidature unique à la prochaine présidentielle. A partir de là, quel que soit le schéma qu’ils mettront en place pour le mode de désignation de leur candidat, une chose est certaine : il n’y aura qu’un seul et unique candidat.

Poser la question « Que va devenir Ping ?», comme l’a fait une des officines du Cocom tout dernièrement, est aussi incongru que loufoque. Toute chose qui révèle que la réhabilitation de l’UN, imposée par la communauté internationale à Ali Bongo, a failli être utilisée par sa petite majesté et son staff à des fins politiciennes. Le but recherché par eux était de mettre à profit cette réhabilitation pour tenter d’isoler Jean Ping. Ce qui est une tâche quasi impossible. Carl’Union nationale, en affirmant son ancrage au Front, vient incontestablement d’élargir la base de ce groupement de partis et de personnalités. Alors, comment Jean Ping peut-il être isolé lorsqu’il partage, au même titre que Zacharie Myboto, une base populaire commune aussi large ?

Que sa petite majesté cherche autre chose, car sa stratégie est vouée à l’échec, comme ce fut le cas, il y a quelques mois, lors de la naissance du Front. L’axe de communication du bord de mer, ou plutôt de La Sablière, a été de parier sur la guerre des ego. Exploiter la moindre divergence pour amplifier leurs certitudes erronées.
Pour les gens normaux, c’est-à-dire les 92% des Gabonais lucides qui n’émargent pas au PDG-émergent, il est normal que deux, trois ou quatre personnes aient les mêmes ambitions.Tout comme il est normal qu’au départ, des points de vue soient divergents. D’ailleurs, Myboto l’a dit en demandant aux autres membres du Front de continuer à se battre « pour élargir le champ de leurs convergences, toujours plus importantes » que leurs « inévitables divergences ».

Le but étant de construire une union plus forte. Comment arriver à des décisions solides sans divergences au départ ?Pour les émergents, nourrir des ambitions dans un groupe est une guerre d’ego. Malheureusement pour eux, leur mayonnaise n’a pas pris.Tout comme ils se rendront compte, dans un avenir proche, que leurs calculs actuels sur le Front renforceront davantage cette dynamique unitaire qu’ils ne l’affaibliront. Il est clair aussi que le PDG-émergent, pour conforter ses vues, s’appuie sur des voix dissonantes au sein de l’UN, entretenues par quelques personnes ; mais également dans la diaspora, qui gagneraient à clarifier leurs positions car, in fine, ces personnes apparaîtront comme des alliés du PDG-émergent.Même à ce niveau, il n’est là que des groupes résiduels dont l’action n’aura aucun impact ni sur l’UN, ni sur la dynamique unitaire que le Front représente. Pouvait-on aussi éviter ces formes de contradiction dans un contexte de lutte dans la clandestinité ? C’est pour cela qu’il est certain que les moins passionnés rassembleront tout leur sens de l’objectivité pour se remettre en phase avec le bloc. Dans tous les cas de figure, ils n’ont que cette option, s’ils veulent continuer d’exister en politique.
Une chose est sûre, la dynamique unitaire qu’est le Front est appelée à s’élargir avec de nouvelles adhésions. C’est incontestable. Dans la mesure où, tant au sein du PDG que d’autres partis de l’opposition, une base unitaire se renforce autour de la nécessité du départ d’Ali Bongo du pouvoir.

Le nécessaire dialogue

Aujourd’hui, la nécessité du dialogue est exprimée par la communauté internationale. Ce débat soulève deux questions de fond: si dialogue il y a, dans quel cadre se fera-t-il ? Et si dialogue il y a, qui l’arbitrera ? Dans la précipitation, sa petite majesté Ali Bongo Ondimba répond à la première en brandissant le Conseil national de la démocratie (CND). Or, ce cadre ne sied pas pour deux raisons. D’abord, la nouvelle configuration que sa petite majesté veut lui donner : un pot-pourri dans lequel des associations et groupements fantaisistes, souvent instrumentalisés par le pouvoir, viendront influencer les débats. Il n’y a pas, dans ce plan, une capacité réelle d’ouverture et de dialogue chez sa petite majesté. Ensuite, de l’avis d’un homme politique avisé, ce cadre ne permet pas de résoudre l’équation de l’arbitrage. Conclusion : on tombe dans « un machin » gabono-gabonais, galvaudée par la mainmise d’Ali Bongo qui en aura imposé les règles. Dans ce cas, la communauté internationale doit concilier les positions pour aboutir à un consensus sain sur le cadre approprié, puis sur l’arbitrage. C’est la condition sine qua non si l’on veut aboutir à une stabilité réelle au Gabon. Dans tous les cas, l’UN et la société civile s’expriment depuis deux ans sur l’ouverture d’une conférence nationale souveraine. Avec un arbitrage de la communauté internationale. La conférence nationale ayant l’avantage de présenter un cadre où ladite communauté internationale peut s’insérer. Ce qui n’est pas possible dans le cadre du CND. Nous en reparlerons.