
La communauté internationale a appelé les différentes parties au Gabon à se retrouver et à nouer le dialogue. Sans en proposer les contours. Nous comprenons son souci de l’apaisement, car il serait trop tard pour parler de paix si l’incendie se déclenchait chez nous.
La communauté internationale regroupe l’ensemble des institutions internationales mises en place pour prévenir les conflits et trouver des voies et moyens pour un monde plus pacifié et viable. Il s’agit, entre autres, de l’Organisation des Nations unies (Onu) représentée au Gabon par le Pnud et l’Unoca ; de l’Union africaine (UA), de l’Union européenne (UE)… Comme autres intervenants dans cette communauté internationale figurent des pays occidentaux présents dans le G8 et d’autres organismes. C’est donc plusieurs membres de cet ensemble qui ont appelé à la discussion au Gabon lorsque la crise a commencé à atteindre son paroxysme, au mois de décembre dernier. Quelles réponses lui ont été données ?
Du côté du pouvoir, sa petite majesté Ali Bongo Ondimba a répondu par sa ligne de blocage habituelle, en déclarant ne pas vouloir discuter avec des gens qui ne respectent pas les institutions. Avant de faire marche arrière, crise financière aidant, en bougeant vers des consensus mous. La réhabilitation de l’Union nationale (UN) et la levée des mesures, non écrites, d’interdiction de sortie du territoire des opposants et des membres de la société civile. Puis, le remodelage du Conseil national de la démocratie (CND), qu’il veut présenter comme le cadre du dialogue. L’opposition, elle, est quasi campée sur ses positions, en disant « oui » au dialogue, mais pas dans le cadre du CND. Elle exige un arbitrage international, qui ne pourrait agir dans le cadre d’une institution constitutionnelle. Comme autre condition posée : que sa petite majesté clarifie la situation de ses documents de naissance, dont il a reconnu le caractère faux au cours d’un entretien avec un journaliste de RFI.
Ces derniers temps, l’on apprend que l’opposition, à son tour, sous la pression – certains parlent d’injonction – de cette communauté internationale, serait en train de fléchir sa position. La communauté internationale estime que la ligne d’attaque de l’opposition a des relents de xénophobie. Pour elle, une plainte sur l’acte de naissance d’Ali Bongo s’assimilerait à ce qui s’est passé en Côte d’Ivoire sous Konan Bédié avec le concept de l’ivoirité. En plus de cela, la communauté internationale a tendance à leur imposer la participation aux élections de 2016.
En somme, à regarder tout ce tralala, certains opposants sont en train de laisser entrevoir que l’agenda politique aujourd’hui c’est la communauté internationale qui le décide. Cela pose un problème de compréhension et, à la longue, pourrait toucher la détermination de nombreuses personnes. A ce niveau, l’opposition, entendons celle réunie au sein du Front uni, a besoin de vite clarifier ses positions et donner une réponse claire et appropriée à ladite communauté internationale.
Nous reconnaissons qu’elle a parfaitement le droit et le devoir de jouer son rôle de médiateur et, au-delà, d’apaisement et de concepteur d’avenir plus serein. Puis, au vu de la situation, amener les parties à des solutions consensuelles qui arrangent non pas les personnalités politiques, mais la volonté populaire. Dans cette optique, la communauté internationale n’a pas, dans l’immédiat, à définir un agenda et à y confiner l’ensemble de l’opposition qui, à ce que nous savons, n’a fait, à ce jour, qu’exiger, au nom du peuple gabonais, la crédibilité de l’Etat.
Car on ne peut pas parler d’un Etat crédible lorsque la première institution du pays amène les citoyens à avoir des doutes sur elle. Dès lors, comment peut-elle présider à leur destin commun ? Or, c’est ce qui est à l’ordre du jour aujourd’hui. La question de l’acte de naissance du président de la République fait l’objet de sérieuses suspicions. N’est-il pas normal qu’il y ait une mobilisation autour de cette question pour exiger de ce dernier une clarification ? En quoi cela peut-il être vu comme de la xénophobie alors qu’il s’agit là d’une question de droit ? Lorsque Barack Obama s’est retrouvé dans la même situation, il s’est empressé de respecter les lois de son pays, en apportant les preuves de son américanité.
Assurément, c’est ce qui est attendu de sa petite majesté Ali Bongo Ondimba. Le peuple gabonais n’en démordra pas. La communauté internationale doit l’intégrer et savoir qu’aucun Gabonais n’acceptera ce flou artistique au sommet de l’Etat. Il n’est nullement question de xénophobie. Nul ne conteste la nationalité d’Ali Bongo. Il est Gabonais soit par la naissance ou par l’adoption. Mais en tant que première institution, il doit être le premier dans le respect de la loi et dire la vérité sur cet acte de naissance jugé frauduleux. A ce jour, l’on observe qu’il défie l’article 42 du Code de nationalité en République gabonaise. Loi qui lui impose d’apporter à ses accusateurs la preuve de l’authenticité de ses documents de naissance.
Dire ou ne pas dire la vérité aura nécessairement des conséquences, positives ou négatives. Soit cela accélèrera le processus vers plus de sérénité, soit ça entraînera au blocage, et durablement. Voilà ce qui se dessine. Et dans cet ordre des choses, sa petite majesté en a l’entière responsabilité. La communauté internationale a intérêt à démêler les fils à ce niveau de l’écheveau.
Parler de ce que des individualités d’origine étrangères ainsi que des entreprises venues d’ailleurs, inconnues des sphères de l’activité économique nationale, prospèrent au détriment des PME gabonaises et des majors traditionnelles, est un fait que même le CIAN, le réseau des majors françaises opérant en Afrique, a dénoncé récemment lors des entretiens qu’il a eus avec les ministres gabonais des Finances et des Affaires étrangères, Régis Immongault et Emmanuel Issoze Ngondet. Est-ce de la xénophobie que de dénoncer ce qui s’apparente à du pillage et à la fuite des capitaux au profit de ces personnes qui captent l’argent du Gabon pour des destinations occultes ? Comment la communauté internationale explique-t-elle que la dette intérieure du Gabon puisse s’élever à 1 500 milliards de FCFA et la dette globale à plus de 4 000 milliards, alors qu’on vient de traverser la période la plus faste, avec des profits pétroliers hors normes ?
Quant au dialogue et aux élections en 2016. Comme nous l’avions déjà dit la semaine dernière, tout est fonction du cadre. La communauté internationale qui a décidé de s’impliquer ne peut pas s’arrêter simplement aux exigences. Ce sera commencer un parcours et s’arrêter à mi-chemin. Le dialogue doit être vrai parce qu’il devra viser, demain, à ramener la sincérité dans le jeu politique au Gabon. Cela veut dire des élections sur la base d’un fichier électoral transparent, fondé sur un schéma biométrique accepté de tous ; une commission électorale indépendante et un arbitrage international consensuel. Par ailleurs, il faudra se résoudre à reconsidérer la composition de la Cour constitutionnelle. A moins simplement de mettre entre parenthèses cette institution qui a perdu sa crédibilité. C’est en cela qu’une élection sera possible en 2016 et certainement au-delà. Si la communauté internationale s’estime utile, c’est dans ces cordes qu’elle doit agir, en faisant en sorte qu’on aboutisse à un dialogue constructif pour la nation.
Une proposition de sortie de crise, impulsée par l’Observatoire national de la démocratie de Dieudonné Minlama, conjuguée à un mémorandum de la société civile résumant celui de la même société civile, il y a quelques années, remis aux officiels français par Marc Ona Essangui, Prix Goldman, sont des propositions de fond. Autrement dit, la communauté internationale n’a aucun agenda à imposer. Et tout opposant qui craint aujourd’hui la petite saute d’humeur de ladite communauté internationale est prié de regagner le confort de ses salons feutrés.
Désiré Éname