Le blues des hommes d’affaires du Gabon
Prestations impayées. Impossibilité d’obtenir réparation devant la justice gabonaise. Tel est le lot des investisseurs qui risquent leurs capitaux dans notre pays.
Il ne fait pas bon de risquer ses capitaux au Gabon depuis 2009. Le pouvoir mafieux d’Ali Bongo Ondimba a tout mis en place pour spolier les hommes d’affaires qui misent leur argent sur le risque Gabon. Deux victimes de plus viennent de se signaler dans ce registre. Il s’agit d’Alain Regourd, l’actionnaire principal, avec 49 % des parts, de la société Afric Aviation. Et Santullo Guindo, un entrepreneur italien dont les réalisations au Gabon ne sont plus à démontrer. L’un et l’autre font face à un système mafieux qui risque de mettre à mal leurs intérêts au Gabon.

Santullo Guindo a été approché par Ali Bongo Ondimba en personne, selon ses déclarations au journal « La Loupe », il y a quelques semaines. L’homme a répondu à cet appel et s’est mis à investir dans les infrastructures. Le pont sur la Banio, c’est son œuvre. Tout comme la route Ndendé–Tchibanga ou l’école de police de Fougamou. Ces investissements, que l’entrepreneur estime à près de 600 milliards de FCFA, ont été souvent préfinancés. Au moment du décompte final, malheureusement, l’Etat répond aux abonnés absents. Lors de l’inauguration du pont sur la Banio, l’entrepreneur a sollicité un entretien avec le chef de l’Etat, sans doute pour attirer son attention sur le stock d’impayés que l’Etat cumule à ses dépens. Ali Bongo Ondimba, aux dires de l’homme d’affaires, aurait accepté le principe d’une rencontre. Malheureusement, elle ne viendra point, plusieurs mois après. Ce qui n’étonne pas un haut gradé de l’armée se confiant à la rédaction. Il a affirmé qu’ « Ali n’est pas un homme de parole ». L’homme d’affaire ne sait plus à quel saint se vouer. Il n’a, selon lui, plus d’interlocuteur au niveau de l’Etat. Ni au ministère de l’Equipement, ni à l’Agence nationale des grands travaux (ANGT). Personne n’ose plus le prendre au téléphone. Les multiples courriers qu’il a adressés à ses interlocuteurs sont restés sans suite. Las, Santullo Guindo envisage très sérieusement de traîner le Gabon devant la Cour arbitrale de Paris pour défendre ses intérêts. On ne peut que lui donner raison.
Alain Regourd vit, quant à lui, une tout autre situation. Venu au Gabon pour relever la société Afric Aviation, l’homme a apporté plus de 1 milliard de FCFA en cash et un appui technique, fruit de son expertise en qualité de patron de Regourd Aviation. Il a ajouté dans la corbeille de la mariée les contrats de Regourd Aviation, pour faciliter le démarrage de l’activité d’Afric Aviation. Tout se passe bien pendant les 15 premiers mois du partenariat. La société dégage même des bénéfices, fin 2011. Malheureusement, le climat va se gâter entre les associés.
Un audit indépendant, diligenté à la demande des associés, fait apparaître un trou de 63 millions de FCFA dans les comptes. Dès cet instant, le gérant de la société, Alfred-Pierre Etouké, s’opposera à tout autre audit ou contrôle. Aidé par un autre associé, en 2013, il parviendra à convoquer une assemblée générale qui évince Alain Regourd de ses responsabilités au sein de la compagnie. Depuis plus d’un an et demi, l’intéressé a saisi le tribunal pour qu’il déclare nulles et de nul effet les résolutions de cette assemblée générale, sans le moindre résultat. Pourtant, le plaignant a démontré que « cette assemblée générale a été irrégulièrement convoquée, irrégulièrement réunie, et un associé a signé pour un autre, sans avoir reçu mandat pour cela».
Pendant ce temps, la compagnie meurt à petit feu. On parle de pertes cumulées avoisinant le milliard de FCFA. Et Alain Regourd, à cause d’une justice très partiale, risque de perdre définitivement son investissement. Ce qui lui a fait dire dans un document transmis à notre confrère Gabonreview que «(…) ce genre de situation est d’autant plus regrettable qu’il véhicule une image négative du Gabon auprès des investisseurs de bonne foi (…) ».