Ni divinisation. Ni soumission. Ni allégeance. Ali Bongo Ondimba sera traité selon ses actes. Il est comptable de la gestion calamiteuse du Gabon de ces trente dernières années.
«La présidence de la République tient à rappeler que les lois de la République doivent s’appliquer à tout le monde, et que par conséquent, la justice sera désormais systématiquement saisie, dès lors qu’il serait tenu à l’encontre du président de la République des propos diffamatoires, avilissants ou outrageants.»
En somme, sa petite majesté a décidé de porter plainte lorsque l’on chuchotera le moindre mot sur sa personne ou son entourage. A-t-il oublié que la fonction qu’il occupe l’expose de fait à la critique et même à l’insulte ? Brandir le bâton du tribunal, dans ces circonstances, n’est qu’un abus de pouvoir et d’autorité. En tant que président du conseil supérieur de la magistrature, on voit mal l’appareil judiciaire se prononcer contre l’institution présidentielle. Sinon, la plainte de Luc Bengono Nsi et d’autres Gabonais qui avaient saisi la justice au mois de novembre dernier devait prospérer. Par ailleurs, les événements de ces derniers mois ont révélé à quel point l’appareil judiciaire est instrumentalisé par le pouvoir et ses têtes de pont. Lorsqu’il a fallu régler des comptes à ceux des compatriotes qui ont décidé de refuser son diktat, c’est cet appareil qui a été mis à contribution. Pour qui le procureur de la République devait-il s’autosaisir après l’attaque de la propriété de Jean Ping ? Dans un Etat de droit, Hervé Opiangah, cité par des jeunes vandales dans l’agression contre Ping, ne devait-il pas être au moins entendu par le même procureur de la République ? Mais l’appareil judiciaire est systématiquement mis à la disposition du vandalisme politique de sa petite majesté et de ses hommes.
Ce que mijote sa petite majesté c’est une manœuvre de plus pour rétrécir davantage un droit imprescriptible du peuple gabonais : le droit à la libre expression. Zacharie Myboto, Jean Eyeghe Ndong, Casimir Oye Mba, Jean de Dieu Moukagni Iwangou, Luc Bengono Nsi et Jacques Adiahénot ont saisi nettement mieux qu’Ali Bongo la portée de ce droit fondamental. Traités de tous les noms d’oiseaux dans les journaux sous contrôle du Cocom, organe de communication de la présidence de la République, ils n’en n’ont eu cure et n’ont, à ce jour, traîné aucun journaliste devant les tribunaux. Pour eux, la presse, même d’égout, doit exister. Mieux encore, ces derniers comprennent qu’au fondement de tout Etat, il y a la liberté de dire. Et c’est ça le respect fondamental de la Constitution.

C’est ce principe de liberté d’expression qui fonde la République. En ce sens que tous les citoyens étant égaux devant la loi, ils ont d’abord un droit de regard sur la marche des institutions de leur pays. Et a ensuite le devoir et le droit de qualifier les institutions de la République selon la perception qu’ils en ont à un moment « M ». Et celui qui incarne la première institution de la République sera jugé et qualifié à l’aune des actes qu’il pose. Sans tabou. Tout comme ne s’imposera à quelqu’un de sensé la volonté de divinisation, pas du poste, mais de l’homme qui fut désigné chef de l’Etat par la Cour constitutionnelle un triste matin d’octobre 2009.
Par ailleurs, au nom du principe de la dignité du citoyen, tout Gabonais a le devoir et le droit de s’indigner devant les actes d’irresponsabilité posés par le chef de l’exécutif, Ali Bongo, depuis cinq ans. Lorsque sa petite majesté, qui a bidouillé la Constitution de la République pour s’arroger les pleins pouvoirs, autorise les forces de deuxième catégorie à occuper la rue pour empêcher le sacro-saint principe de la liberté du citoyen de s’exprimer, il y a violation de la Constitution. Lorsque le même autorise lesdites forces à tirer sur les Gabonais, tuant lâchement un jeune homme, Mboulou Beka, le 20 décembre dernier, il n’est rien d’autre qu’un vulgaire assassin. Lorsque ce chef de l’exécutif est pris en flagrant délit d’usage d’un faux acte de naissance pour sa candidature à l’élection présidentielle de 2009, nul n’a le droit de se taire devant cet acte de faux en écriture.
Et lorsqu’il lui est demandé de clarifier cette situation et qu’il refuse, il est inadmissible pour un républicain véritable de se taire devant ce refus de se soumettre au devoir de vérité. Le moins qu’on puisse attendre d’une telle institution. Dès lors, il est clair qu’on ne peut admettre un faussaire à la tête de la première institution du Gabon. Le dire fait aussi partie du devoir du citoyen et de la presse. Parce qu’en fin de compte, Ali Bongo est un justiciable comme tout citoyen. En réalité, sa toute petite majesté reproche à la presse et aux citoyens gabonais leur fidélité à la République. Que chacun se réjouisse alors de l’excès d’amour qu’il a pour ce pays.
Quant aux braiments de « l’âne » de la présidence de la République, qu’il sache que diriger sa publication depuis l’Alaska aux Etats-Unis traduit deux choses d’un tel responsable d’édition : le talent et la performance de ses équipes. Deux notions que ne connaîtra jamais cet arriviste qui doit son ascension sociale à la médisance, à l’escroquerie politique et à la félonie.
Ramses Frank