Voilà la preuve supplémentaire du manque de sincérité d’Ali Bongo, qui croit qu’il peut berner, tout le temps, ses interlocuteurs de la scène politique et l’opinion nationale.
La détermination de l’opposition, inhabituelle, depuis la mort d’Omar Bongo en 2009, fait perdre ses moyens au pouvoir. Celui-ci, un tantinet paranoïaque, cède désormais à la répression tous azimuts et recourt aux intimidations, aux menaces, y compris de mort, et à la violation flagrante des droits fondamentaux comme la liberté de mouvement. De façon arbitraire, des opposants se voient interdire de sortir du territoire national, même quand ils veulent se rendre à l’étranger pour des raisons familiales, sanitaires ou professionnelles. Il en résulte un climat délétère, qui a décidé des acteurs de la société civile, des personnalités politiques et la communauté internationale à appeler l’opposition et le pouvoir à un dialogue inclusif.

Bien qu’il dise y être favorable, Ali Bongo redoute l’issue d’une concertation dont il ne pourra pas maîtriser tous les contours, d’autant qu’il n’est pas en position de force, affaibli comme il est par un bilan calamiteux (de nombreux chantiers et réformes inachevés ou abandonnés), une conjoncture économique préjudiciable pour les finances publiques (chute vertigineuse du prix du baril de pétrole) et la grogne des syndicats auxquels il a fait de nombreuses promesses de Gascon (augmentation significative des salaires, malgré la baisse des recettes publiques). La solution consiste alors à ressusciter le CND, au préalable rendu extensible à souhait par une ordonnance. Le pouvoir pourra y introduire des acteurs politiques acquis à sa cause, même si leur « aura » ne franchit pas les cercles strictement familial et amical. La loi en vigueur, fruit d’un consensus en 1996, aux lendemains des accords de Paris, ne prévoit que ceux qui ont une certaine représentativité.
L’idée d’ouvrir le CND à des acteurs autres que les hommes politiques n’est pas mauvaise en soi. L’exécutif a choisi, à dessein, de légiférer par ordonnance, afin d’éviter un débat parlementaire dont son texte risquait de sortir retoqué. Le pouvoir pourra en outre injecter dans le CND rénové des membres de la société civile et des communautés religieuses qui lui sont proches. Le CND nouvelle formule est un organe consultatif permanent. Exit ainsi le dialogue inclusif. Voilà qui explique aussi le choix de légiférer par ordonnance. Il faut se dépêcher. Le circuit habituel d’une loi allait retarder les choses (du projet de loi au vote par les deux chambres du Parlement en des termes identiques). La manœuvre est cousue de fil blanc et représente un pied de nez à la communauté internationale.
En avril et mai 2011, davantage affecté par la contestation de son élection, elle-même alimentée par les révélations d’hommes politiques et des services secrets français sur son cuisant échec à la présidentielle de 2009, Ali Bongo réunit une partie de la classe politique, pour envisager l’introduction de la biométrie dans le processus électoral, en vue de la transparence des scrutins. Avec la bienveillance de la Cour constitutionnelle, bien qu’une loi ait été votée en septembre, il a réussi à organiser les législatives, en décembre, sans la biométrie et a ainsi remporté 114 sièges sur les 120 que compte l’Assemblée nationale. Mais le chef de l’exécutif ne semble pas se rendre compte qu’à force de ruser, les problèmes lui reviennent à la figure.Tôt ou tard, il sera obligé de regarder la réalité, toute la réalité, en face.