LETTRE AU PRESIDENT DE L’ASSEMBLEE NATIONALE

Monsieur le Président,

« Les habits somptueux ne donnent pas les bonnes habitudes »
« Les habits somptueux ne donnent pas les bonnes habitudes »

 

Avant que je ne quitte notre pays, que vos amis et vous êtes en train d’abîmer, j’ai pris connaissance d’une proposition de loi réprimant la xénophobie et le tribalisme chez nous. Le document portait votre signature. Cela me donne l’occasion de m’adresser à vous de nouveau. « Lorsque la chèvre voit un mur, son flanc démange », disait mon grand-père.
Après lecture du texte, j’ai compris que vous vous êtes fait chevalier de la famille Bongo, après son harem voulu au travers de la loi sur la polygamie, qui n’était pas passée. Heureusement ! Cette fois-ci, vous vous êtes encore investi pour légitimer l’occupation étrangère du Gabon. C’est toujours de vous que le pouvoir se sert pour faire passer des lois taillées sur mesure. Mon aïeul disait : « C’est grâce au bois de traverse que la fourmi avait rallié l’autre rive. »
Franchement, vous désolez vos concitoyens. De quelle xénophobie voulez-vous nous parler ? Où avez-vous vu le tribalisme ? Dans votre fief politique de la Lolo-Wagna ? Est-ce le simple fait que les Gabonais refusent que le Béninois Maixent Accrombessi soit le directeur de cabinet du président de la République de leur pays que vous qualifiez ainsi ? Soyez un peu patriote, malgré la méchanceté gratuite qui est un trait de caractère chez les tenants du pouvoir. « L’homme a du sang rouge, mais sa salive est blanche », me faisait remarquer mon papy.
Citez-moi un seul pays dans le monde entier où l’on voit le micmac qui se passe chez nous. Mais vous faites du Gabon un pays atypique ! Ce qui me choque, c’est que ce sont des hommes de votre génération qui parrainent et entretiennent ce désordre. Mon jugement n’est pas une sentence, mais je constate que la sagesse, le recul et l’autorité morale vous font cruellement défaut. Finalement, je donne raison à mon grand-père, qui disait : « Les habits somptueux ne donnent pas les bonnes habitudes. »
En réalité, ce ne sont pas les adolescents politiques au pouvoir qui tuent notre pays. C’est plutôt vous les apparatchiks, à cause de votre complicité, votre laisser-aller et votre nombrilisme. Comment un baron de votre trempe peut-il avaliser des conneries parce que craignant des représailles de la part d’un président qu’il a contribué à fabriquer. Celui qui dirige le Gabon – à qui je ne veux plus faire l’honneur de le citer – n’est qu’un gosse pour vous. Vous ne devez pas le craindre. «La lune ne craint pas qu’on lui lance les pierres », disait d’ailleurs mon aïeul, grand sage de son époque.
Vous vous attardez sur des vétilles, alors que le pays fait face à des problèmes importants sur lesquels l’Assemblée nationale se doit de légiférer. A quand, par exemple, la loi réprimant sévèrement les crimes rituels et celle protégeant la veuve et les orphelins, ainsi que d’autres personnes vulnérables ? Et pourtant, c’est du ressort du pouvoir législatif que vous incarnez. Si vous ne pouvez pas faire votre rôle, démissionnez avec toute votre bande de collègues incompétents et de béni-oui-oui. C’est à cause de votre immobilisme que vous êtes devenus aigris. « Si tu marches, ton pagne dure. Si tu es assis, ton pagne s’use », aimait à dire mon grand-père.
Dans tous les cas, ne fatiguez plus les Gabonais avec vos lois sans fondement. Si le président que vous avez fabriqué souffre d’un mal d’amour, ce n’est pas la faute du peuple. Il n’a qu’à s’en prendre à son destin. Cessez donc avec cette affaire de voter une loi pour lui faire plaisir. Si vous aviez le recul et la perception propres aux sages africains, vous comprendriez aisément que la loi qu’il vous a inspirée ne vise qu’à protéger son ami Accrombessi. Mon aïeul me faisait d’ailleurs remarquer que « celui qui hume ne mange pas ce qui est pourri».
Les Gabonais ne sont pas xénophobes. Sous d’autres cieux, le seuil d’immigration toléré est de 10%. Or, nous sommes à plus de 40 %. Alors, de quoi parlez-vous ? Finalement, vos collègues et vous êtes à l’Assemblée nationale rien que pour vos propres intérêts et non ceux du peuple. Vous savez bien que vous ne pouvez pas jouer votre rôle, mais vous vous plaisez à solliciter les suffrages universels. Tout compte fait, mon grand-père n’avait pas tort, lui qui disait : « La grenouille ne mange pas de riz, mais elle est bien dans la rizière. »
Vous passez le plus clair de votre temps à jouer au chantre du pouvoir et à vanter des vertus fiduciaires. Que voulez-vous que vos petits-enfants retiennent de votre passage ? Vos éloges dithyrambiques en faveur d’un régime obsolète et corrompu ? C’est nul ça ! Je vous le répète : les Gabonais ne sont pas xénophobes. Ils refusent seulement que leur pays soit bradé à travers la nomination d’expatriés à des postes de souveraineté. « Même si le batteur de tam-tam fait bien les funérailles, on ne peut pas lui donner l’héritage du défunt », aimait à me rappeler mon papy.

Jonas MOULENDA