Le directeur de la rédaction du journal « Faits Divers », récemment réfugié au Cameroun pour des raisons de sécurité, a finalement rejoindre la France. Récit d’une exfiltration à haut risque.
C’est le 22 janvier dernier que Jonas Moulenda a pris un vol Air France, au départ de Yaoundé, à destination de Paris. C’est peu avant 21 heures que le journaliste d’investigations a dit au revoir au reporter de votre journal, venu expressément de Libreville pour la circonstance. Vêtu d’un survêtement jaune à l’effigie des Lions indomptables du Cameroun, sans doute en signe de reconnaissance au peuple camerounais et à ses autorités qui ont œuvré pour ce dénouement, Jonas Moulenda s’est engouffré dans le hall de l’aéroport international de Yaoundé Sameligue. Il a redonné signe de vie, le lendemain, autour de 8h 30. Il se trouvait encore à la police de l’air et des frontières françaises. Ce départ fut jalonné de beaucoup d’embuches. Les autorités gabonaises ayant décidé d’empêcher cet exil par tous les moyens. Même à la police de l’air et des frontières (Paf) de l’aéroport de Roissy Charles de Gaule, à Paris, Jonas Moulenda s’est vu signifier un refus d’entrer sur le territoire français, au motif que quelqu’un aurait annulé la réservation de son hôtel à 23 heures, alors que le journaliste se trouvait encore à ce moment-là dans l’avion, sans possibilité de contact avec l’extérieur. Il a fallu l’intervention au plus haut niveau des autorités françaises pour mettre un terme à ce calvaire qui a duré de 6h 30 à 14 heures.

L’affaire Jonas Moulenda, pour les hautes autorités françaises, commence réellement avec la marche de Paris où plusieurs pancartes portant le nom de Jonas ont été vu et abondamment relayées par la presse française. Après cette marche, le président français François Hollande, selon des sources camerounaises bien introduites au sein du pouvoir de Yaoundé, entre en contact téléphonique avec Paul Biya. Sans doute pour lui témoigner sa solidarité face à l’agression que subit le Cameroun par les terroristes de Boko Haram. Tous se souviendraient que le chef de l’Etat camerounais n’a pas apprécié que ses homologues africains se soient précipités à Paris, sans lui témoigner la même solidarité. Au cours de cette conversation, Hollande évoquera le cas Jonas Moulenda, en indiquant à Paul Biya que le journaliste était menacé de mort par le pouvoir d’Ali Bongo Ondimba. La source poursuivra en rapportant des propos peu diplomatiques que François Hollande aurait tenus pour qualifier Ali Bongo Ondimba. Victime à ses yeux d’un double jeu qui consiste à « être Charlie » à Paris et « être charlot » au Gabon.
Le sang de Paul Biya n’a fait qu’un tour. L’homme aurait à son tour appelé Ali Bongo Ondimba. A cette occasion, il l’aurait mis ce dernier en garde contre tout ce qui pouvait arriver à Jonas Moulenda sur le territoire camerounais. Paul Biya aurait, aux dires des sources, eu ces mots en direction du chef de l’Etat gabonais : « S’il arrive quelque chose à ce journaliste sur mon territoire, vous aurez personnellement affaire à moi… ». Comme pour prévenir le pire, le chef de l’Etat camerounais a demandé à la sécurité nationale du Cameroun de veiller sur le journaliste. Une protection assez discrète, mais redoutablement efficace a été mis autour de l’intéressé par la police camerounaise. Ordre a également été donné pour que Jonas Moulenda obtienne une carte de séjour, sans laquelle le consulat de France au Cameroun ne pouvait lui délivrer un visa.
Face à cette fermeté de Paul Biya, Ali Bongo Ondimba a tenté de rassurer. Proposant même, aux dires des sources, à Paul Biya de rencontrer le journaliste lors de son déplacement à Yaoundé prévu la semaine dernière. Ce qui était une invite en direction du chef de l’Etat camerounais d’amener Jonas Moulenda à accepter de rencontrer Ali Bongo Ondimba. L’ambassadeur du Gabon au Cameroun a été mis à contribution pour obtenir aussi cette rencontre. Un journaliste en stage au Cameroun, qui connaît bien Jonas Moulenda, a été chargé de la mission. Sans succès. Au contraire, cette venue programmée d’Ali Bongo Ondimba au Cameroun va plutôt amener le journaliste et ses soutiens à accélérer le processus de départ.

Depuis Paris, Désiré Ename et bien d’autres, vont activer leurs réseaux. Le conseiller Afrique de François Hollande, sera saisi de l’urgence de la situation. Elle en réfèrera au ministère français des Affaires étrangères. Lequel va contacter les autorités consulaires du Cameroun, afin qu’elles délivrent un visa d’entrée en France à Jonas Moulenda. Le précieux sésame lui sera délivré le jeudi 22 janvier 2015 à 16 heures. Un fonctionnaire du consulat de France fera remarquer au journaliste, au moment de lui remettre le document, qu’il « donne du fil à retordre aux autorités » de son pays. Une prédiction qui va se révéler juste. Car, au moment du départ, Jonas Moulenda n’a pas été avare sur ses intentions. Une plainte sera déposée à Paris contre Alfred Edmond Nziengui Madoungou pour tentative d’assassinat, après celle en cours d’instruction par les autorités camerounaises. Un livre est annoncé très prochainement sur les crimes rituels au Gabon sous Ali Bongo Ondimba. Le journaliste promet de nombreuses révélations sur ces crimes encore sous silence.