

Oye Mba dresse un diagnostic sans complaisance
Le vice-président de l’Union nationale (UN) Casimir Oye Mba a rendu publique une analyse de la situation économique et financière du Gabon, samedi 27 février au siège de l’UN au quartier Ancienne Sobraga de Libreville. Malgré d’abondants signaux qui sont au rouge, l’ancien gouverneur de la Banque des Etats de l’Afrique centrale (BEAC) croit que le Gabon peut y faire face à condition de prendre des «mesures urgentes » dès à présent et procéder à des réformes structurelles.
Casimir Oye Mba, au nom de l’Union nationale (UN), vient de jeter un regard froid, à l’image du banquier qu’il est, sur la situation économique et financière du Gabon. Le constat fait par l’ancien gouverneur de la BEAC fait peur. Il annonce ni plus ni moins qu’en « … 2015(..), le Gabon va devoir faire face à la plus importante crise budgétaire de son histoire et que celle-ci aura des conséquences économiques et sociales que le pouvoir semble incapable de mesurer afin d’en limiter les effets ». Dans un pays où toutes les couches sociales, en dehors « des émergents », font face à des difficultés de toutes natures pour assurer leurs besoins de base, cette prédiction du banquier indique clairement que le Gabon va tout droit vers une zone de turbulences sans précédent. D’ailleurs, l’agence de notation Standard & Poor’s qui a dégradé la note souveraine du Gabon, le 13 février 2015, est sur la même position. Le silence assourdissant du ministre de l’économie, Régis Immongault, préférant organiser des « apartés » sans lendemain avec certains anciens ministres de l’économie, tend malheureusement à indiquer que le pouvoir est dépassé par les évènements et n’est plus à la hauteur de la situation pour prendre des « mesures urgentes » comme celles recommandées par Casimir Oye Mba.
Le déficit budgétaire annoncé pour 2015 est estimé à 1334,6 milliards de FCFA. C’est ce qu’a indiqué l’ancien gouverneur de la BEAC. En termes très simples, c’est le montant que le gouvernement doit trouver pour couvrir le paiement des dépenses votées par le Parlement dans le cadre de la loi des finances 2015. Ces dépenses ont été estimées à 3073,3 milliards de FCFA. Or, a poursuivi l’ancien Premier ministre, « l’Etat ne dispose que de 1738,7 milliards de FCFA de ressources propres… » Ce qui lui a fait dire : « quand on gagne 1000 FCFA et que l’on veuille dépenser 1500 FCFA, c’est qu’on se met volontairement dans les problèmes ». Ce qui, malheureusement, est le cas du Gabon actuellement.
Le pouvoir n’en serait pas arrivé là s’il avait suivi l’avis de ses services techniques, croit savoir Casimir Oye Mba. En effet, ces derniers «… ont alerté le gouvernement depuis de nombreux mois… » sur la gravité de la situation. Celui-ci, sans doute par incompétence, n’a pas réagi. Il a préféré occulter la réalité en adoptant une loi des finances qui n’était pas sincère. A l’évidence, il n’y avait aucune prudence dans l’évaluation des recettes. Les dépenses n’étaient pas non plus répertoriées de manière exhaustive. Enfin, les hypothèses macroéconomiques retenues étaient non plus pertinentes. A titre d’illustration, «… Alors que dès juin 2014 les prévisions les plus optimistes annonçaient un prix moyen du baril de pétrole Brent à 45 dollars pour 2015, le Parlement a voté en décembre 2014 une loi des finances sur la base d’un baril de pétrole à 80 dollars » a-t-il conclu. C’est là l’indicateur d’un pouvoir qui a perdu la boussole.
Cerné par la réalité et les bailleurs de fonds, le gouvernement a dû se rendre à l’évidence et proposer une loi des finances rectificative qui intégrait une forte réduction des recettes. « Sur la base prudente d’un baril du pétrole gabonais estimé à 40 dollars, les prévisions de ressources budgétaires sont de 1 738,7 milliards de FCFA contre 2 972,7 milliards dans la loi des finances rectificative 2014. Par rapport à l’année 2014, le budget de l’Etat est ainsi privé de 934 milliards de FCFA, soit une chute de 35%. Les recettes pétrolières passeraient de 1 321,9 milliards de FCFA en 2014 à 540,6 milliards de FCFA en 2015, enregistrant ainsi une perte de ressources de 781,3 milliards de FCFA, soit une chute de 59%. Les recettes non pétrolières passeraient, quant à elles, de 1 350,8 milliards de FCFA en 2014 à 1 198 milliards de FCFA en 2015, représentant une perte de ressources budgétaires de 152,8 milliards de FCFA, soit une baisse de 11% », a tenu à préciser l’ancien gouverneur de la BEAC.
Malheureusement, au regard du niveau des dépenses dont certaines sont obligatoires – dette extérieure et charges salariales des priorités qui relèvent de la fantaisie voire de l’extravagance – construction de la marina, construction du golf et palais présidentiel -, ont été retenues. À ce niveau de recette, le budget accuse un gap de 1334 milliards de FCFA. En dehors de la seule mesure liée à la suppression de la subvention sur le carburant, le gouvernement n’a pas encore indiqué de quelle manière il compte combler ce gap. C’est cette incertitude fort préjudiciable pour l’économie du Gabon qui a conduit l’UN, via son vice-président en charge des questions économiques, à tirer la sonnette d’alarme.
Jean-Michel Sylvain