René Ndemezo’o Obiang et le débat des origines
En demandant l’indulgence de l’assistance au début de son allocution pour «…. parler un peu de moi-même… », René Ndemezo’o Obiang a voulu fixer son agenda à l’endroit de ses amis du Front en intégrant ce groupe. Par là, il a tenu à faire savoir à ses anciens amis du Parti démocratique gabonais (PDG) qu’il venait de quitter, qu’ils devront compter sur lui pour les faire « disparaitre » définitivement du décor politique dans tout le département du Ntem.
Au passage, cette sorte d’autobiographie lui a permis de s’inviter dans le débat sur les origines d’Ali Bongo Ondimba. Une revanche pour celui qui n’a pas cessé d’avaler des couleuvres, depuis son choix, du reste regretté publiquement, de soutenir Ali Bongo Ondimba en 2009, contre vents et marées.
L’ancien membre du comité permanent du PDG a présenté, avec un luxe de détails sans pareil, son parcours depuis sa naissance au village Mengang, à 3 km de Bitam, en 1947, jusqu’à ce départ historique. Rien n’a été épargné à l’assistance. Son parcours scolaire commencé à l’école primaire d’Ayananga jusqu’à Mekambo où il obtint son certificat d’études primaires et élémentaires (CEPE). Ses études secondaires entièrement faites au lycée national Léon Mba, couronnées par un baccalauréat obtenu en 1967. Son cursus universitaire en France. Puis son parcours politique auprès d’Omar Bongo Ondimba de 1979 jusqu’à sa mort le 8 juin 2009.
L’orateur prenait grand soin de citer des personnes qu’il a rencontrées à cette époque, dont certaines sont toujours vivantes. Tout ceci n’était pas fortuit. En se mettant ainsi à nu, transparence totale sur ce qu’il est, René Ndemezo’o Obiang envoyait ainsi un message à Ali Bongo Ondimba qui vient de reconnaître avoir utilisé de faux documents. C’est donc une sorte d’invite que le notable de Biléosi fait à sa petite majesté. Peut-il le suivre dans cet exercice qui, pour tout acteur politique en démocratie, constitue un acte fondamental, car porteur de transparence et de confiance, deux valeurs fondatrices d’un Etat de droit. Se mouvoir dans l’arène politique entouré d’un voile de faux et de suspicion tous azimuts, comme l’est Ali Bongo Ondimba aujourd’hui, le disqualifie pour jouer un rôle politique de premier plan au Gabon, selon René Ndemezo’o Obiang. Car «… sans verser dans la xénophobie ou dans une quelconque chasse aux sorcières, il est bon, à mon avis, que chaque citoyen gabonais se soumette à l’obligation de vérité sur cette question », a-t-il indiqué. On comprend mieux pourquoi jusqu’en milieu de semaine dernière, Ali Bongo Ondimba a tenté par tous les moyens de dissuader l’élu de Bitam de quitter la maison PDG.
Le chef de l’Etat aurait, selon nos sources, appelé personnellement l’ancien ministre. Sans succès. Celui-ci se contentant de lui faire une « réponse politique » sur la substance de sa déclaration. Paul Mba Abessole qu’il a reçu au cours de cette semaine tumultueuse a sans doute dû intercéder dans ce sens. A moins qu’il ne soit venu lui suggérer «….d’aller m’asseoir sagement à la maison, m’occuper de mes enfants et petits-enfants pour éviter les foudres vengeresses du Parti au pouvoir. » Voir le persuader « …au cas où je quittais effectivement le PDG, il serait judicieux d’adopter une position centriste, intermédiaire, à égale distance entre la majorité républicaine et sociale pour l’Emergence d’une part, l’opposition dite radicale d’autre part ».
René Ndemezo’o Obiang a également voulu par cette présentation montrer sa force à ses adversaires politiques désormais au sein PDG. Car, en précisant être fils de la tribu Essandone, clan majoritaire dans la commune de Bitam et ses environs ; neveu de la tribu Effack, clan également majoritaire dans le département ; arrière petit-fils de Nkodjein et Essabeigne, les autres clans du département, René montre qu’il a l’intention de jouir pleinement de cette position pour contrôler la commune de Bitam et le reste du département du Ntem. On peut compter sur cette bête politique pour y parvenir, car il vaut mieux avoir « René avec lui que contre lui », comme l’a indiqué Jean Ping, qui est également intervenu samedi.
René Ndemezo’o Obiang a enfin fixé des préalables et invité ses amis du Front à y réfléchir « en profondeur ». Ceux-ci, pour lui, doivent trouver des solutions avant l’échéance de 2016. Il s’agit du retour à la Constitution de 1991 ; du retour à un mandat présidentiel de 5 ans renouvelable une seule fois ; de la mise à plat de la gouvernance de la Cour constitutionnelle et de la Commission électorale nationale autonome et permanente (Cenap). Pour y parvenir, l’homme s’est dit favorable à un dialogue inclusif de toutes les forces vives du Gabon, y compris la société civile et la diaspora. Mais pas dans n’importe quelle instance et en présence d’un médiateur international. Dans son esprit, ce médiateur doit être un africain. Autant dire tout ce que ne veulent pas entendre Ali Bongo Ondimba et ce qui lui reste de troupes.
SYA