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Le gouvernement dit avoir gardé le reliquat de l’emprunt 2013 à la Beac

Le gouvernement dit avoir gardé le reliquat de l’emprunt 2013 à la Beac

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C’est sans doute une première dans l’histoire de la gestion des finances publiques d’un pays. Le ministre de l’économie vient d’indiquer aux sénateurs qui l’ont auditionné le 22 mai dernier, que le solde de l’émission obligataire réalisé par le Gabon en 2013, d’un montant de 1,5 milliard de dollars sur le marché international, était logé sur un compte « séquestre » à la banque des Etats de l’Afrique centrale (Beac). Ce compte a affirmé le ministre Régis Immongault affiché un solde positif de 890 millions de dollars soit près de 480 milliards de Fcfa.

D’ordinaire lorsqu’un Etat se constitue des réserves auprès de sa banque centrale, il y verse plutôt, soit des excédents budgétaires constatés en fin d’exercice, soit des recettes exceptionnelles. Jamais de mémoire de spécialistes des finances publiques, un pays s’est endetté pour constituer des réserves. Le cas du Gabon est unique et gagnerait à être enseigné dans les meilleures écoles de gestion des finances publiques à travers le monde.

En effet, lorsqu’un Etat a recours à un emprunt, c’est généralement pour équilibrer un gap budgétaire. Le fait pour le Gabon de laissé « dormir » 890 millions de dollars à la Beac, laisse supposé que l’Etat en 2013 n’avait besoin en réalité que de 610 millions de dollars qu’il a affecté au remboursement anticipé de l’emprunt international lancé en 2007.

Or, en règle générale, lorsqu’un gouvernement décide de recourir au marché pour se financer, il le fait après avoir sollicité l’autorisation du Parlement. Celui-ci lui donne son accord pour réaliser l’opération à concurrence d’un montant équivalent au gap budgétaire constaté. C’est dire que s’il y a plus de souscripteurs par rapport au montant autorisé par le parlement, l’Etat est obligé de limiter sa souscription à la hauteur autorisée par le Parlement. Dans le cas d’espèce, si le Gabon a levé 1,5 milliard de dollars en 2013 sur les marchés, cela suppose que le parlement lui en avait donné l’autorisation. Cette autorisation suppose que le gouvernement l’a convaincu sur la pertinence de l’affectation desdites ressources pour l’équilibre de son budget 2013. Comment peut-il se retrouver avec un surplus de 890 millions de dollars ? Cela voudrait-il dire qu’il a présenté au parlement un projet différent de celui pour lequel il a réellement affecté le fruit de cette souscription ? C’est à cela que se ramène la réponse du ministre lorsqu’il révèle aux sénateurs du Gabon que le reliquat de l’emprunt serait logé dans un compte à la Beac.

Cette réponse malheureusement ne convainc pas au-delà des sénateurs PDG. Il est impensable que l’Etat puisse garder une ressource d’emprunt auprès de la Beac tout en sachant que le taux d’intérêt que la banque centrale va rémunérer ce dépôt, est nettement inférieur au taux que lui-même doit payer aux souscripteurs internationaux dudit emprunt. Surtout qu’au même moment, il ne parvient pas à financer tous les projets structurants qu’il a initié.

Le ministre de l’économie n’a pas dit la vérité au sénateur. Il faut craindre comme l’a indiqué l’ancien premier ministre Jean Eyeghe Ndong dans une tribune en début d’année, que ce reliquat ait pris une autre direction.

Jean Michel Sylvain

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