EDITORIAL: Ali Bongo Ondimba doit répondre du « faux »

Désiré-Ename
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Par: Désiré Ename

L’affaire de l’acte de naissance de sa petite majesté Ali Bongo Ondimba, malgré ce qui est sorti de Nantes, est loin de connaître son épilogue. Bien au contraire, elle entre dans un nouveau cycle où les aspects judiciaires pourraient s’étendre jusqu’au service du centre d’état civil des archives de la coloniale. Nantes avait un devoir de vérité et de crédibilité. Les faits montrent que ce service a choisi de se mettre sous pression. D’abord la pression des mouvements gabonais qui ont décidé de ne pas en démordre. Jusqu’à ce que la vérité tout entière se manifeste. Ensuite la pression judiciaire qui va s’accentuer et qui, en plus de continuer de resserrer l’étau autour de sa petite majesté, va s’intéresser au service d’état civil de Nantes qui, dans tous les cas, ne pourra pas échapper à l’obligation de livrer l’original qui a fondé l’extrait délivré par ses services.

C’est quoi un acte de naissance ? « C’est un acte juridique de l’état civil, signé par un officier d’état civil qui en assure l’authenticité. » Voilà la définition qu’on en donne. Or lorsqu’on regarde le document qui a fondé les certitudes de Nantes et paru sur le site Lemonde.fr, quelques mois plus tôt, exactement le 2 décembre 2014, l’on constate que la signature de l’officier d’état civil y est absente. Albert Bernard Bongo, qui faisait célébrer son anniversaire tous les 30 décembre, ne connaissait pas sa date de naissance exacte. Idem pour Joséphine Nkama. Dans ce document, ils sont « nés vers… » La signature de l’officier d’état civil, en l’occurrence le maire adjoint du 1er arrondissement de Brazzaville, pourtant cité dans la déclaration, n’apparaît pas. Toutes ces informations contrastent avec le « faux » produit au 3e arrondissement par Serge William Akassaga Okinda, alors maire. Dans ce document, Albert Bongo est né à une date précise : le 30 décembre 1935. Et son épouse Nkama Joséphine a vu, elle, le jour le 22 janvier 1945. Toujours dans le même document, l’enfant de sexe masculin s’appelle Ali Bongo Ondimba et non pas Alain Bongo ou Alain Bernard Bongo, et est né à 1 heures du matin ; alors que dans le document du Monde.fr, qui se retrouve à Nantes, il est né à 1 h 45. Deux personnes, plusieurs identités et différentes heures de naissance. Voilà pourquoi l’authenticité de ce document reste très contestable.

Revenons aux questions essentielles. Pourquoi, sachant qu’il était né à Brazzaville sous l’Afrique Equatoriale française (AEF), ne s’est-il pas rendu au service d’état civil de Nantes pour obtenir la copie de son extrait de naissance, et avoir préféré se faire établir un faux ? C’est le fond du problème. De là, on en déduit que, quel que soit ce que Nantes a sorti le 18 juin dernier, sa petite majesté n’est pas sorti de l’auberge. Il est plombé par le faux. Parce que, comme l’a si bien dit Jean de Dieu Moukagni Iwangou, « il y a un faux en écritures publiques, à tout le moins commis, d’une part par supposition de personnes (un Maire à la place d’un autre), d’autre part par établissement d’un acte valant titre (un acte de naissance) ».

Autre question essentielle. Comment Nantes qui, quelques mois plus tôt, disait, en guise de réponse à des tierces qui tenaient à vérifier si l’acte de naissance d’un citoyen de l’AEF nommé Alain Bongo se trouvait dans leurs archives, qu’aucune trace de ce document n’existait dans les archives de l’AEF, a pu l’y faire apparaître subitement ? A partir de là, compte tenu de tous les atermoiements qui ont émaillé cette affaire au plan judiciaire, l’observateur lambda ne peut s’empêcher de penser à une machination… à Nantes. Cela, corroboré aussi par les tâtonnements des responsables des services de l’état civil. Combien de temps faut-il pour un clic sur un clavier d’ordinateur ? Une seconde, trois, cinq ou, chose extraordinaire, deux semaines ? C’est ce qui s’est passé à Nantes. Il faut donc comprendre et admettre la défiance des Gabonais sur le profil du résultat qui a été étalé à leurs yeux.

Par ailleurs, des réticences de sa petite majesté au plan familial à fournir son document de naissance pour la liquidation de la succession ne peuvent que susciter des questions supplémentaires. Si des éléments existaient dans les archives de Nantes, ceux-ci ne seraient-ils pas en sa possession depuis belle lurette et contenus dans ses dossiers ? Autre fait, dans la déclaration de succession, il apparaît qu’Alain Bongo est né à Brazzaville, comme « le certifie le registre de naissance N°97 du dix février 1959 délivré par le centre d’état civil de Brazzaville ». Nantes aurait tout au moins indiqué le numéro dudit registre pour des questions de conformité et de clarté.

Il est important de signaler que Barack Obama, dans la même situation de contestation, a eu une démarche des plus claires, en laissant le soin à une commission qui s’est rendue à Hawaï où il est né. Une fois le document établi, en bonne et due forme, il l’a fait publier in extenso pour que les Américains sachent et voient la vérité. Ce qui n’existe ni dans la démarche de Nantes, ni dans celle de sa petite majesté. C’est cette obligation de clarté et de vérité qui devait émailler toute cette démarche. Le problème reste entier. Et sa petite majesté Ali Bongo Ondimba doit répondre du « faux ».