EDITORIAL : C’est la fin !

Désiré-Ename
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Par : Désiré Ename

La campagne de com. en Hexagone n’aura duré que le temps d’un feu de paille. Car la réalité du pouvoir de sa petite majesté Ali Bongo Ondimba est vite revenue à la surface. Avec ceci de particulier que tout lui échappe et qu’il n’a la maîtrise ni du pays, ni des hommes autour de lui, ni même du parti qui est censé le porter. S’il en avait été autrement, la sortie du député du 4e arrondissement Hugues Alexandre Barro Chambrier (HABC), à la tête de « Héritage et Modernité », n’aurait jamais eu lieu. Comment peut-on faire montre d’autant d’amateurisme ?

Cette question a une réponse simple : l’arrogance, l’aveuglement et le bluff. Sa petite majesté a implanté dans son psychique qu’il est « roi » ; qu’en dessous de lui, il y a des sujets et qu’au-dessus de lui, il n’y a même pas Dieu. Fort de cette idée totalement fausse, il s’est entouré de courtisans à l’image de ceux de Ramzan Kadyrov, le président tchéchène – à la différence que ce dernier transforme son pays -, qui croient avoir des droits absolus et exceptionnels sur tout. Au point qu’ils se sont imaginés qu’ils étaient au-dessus des institutions de la République.

Cette arrogance, ils la manifestent à tout va. Ils l’ont en partage avec leur petit roi tropical. Voilà pourquoi ces « super Gabonais », en moins de cinq ans, ont participé au siphonage des caisses de l’Etat, quand bien même ils n’auraient bénéficié que de la portion congrue, en regardant hagards les Gabonais d’adoption et d’occasion accaparer la quasi-totalité. Car lorsque le ministre Magloire Ngambia déclare, sans sourciller, devant la commission des finances de l’Assemblée nationale, que près de 150 milliards de FCFA (230 millions d’euros) ont servi à financer des études bidons, il avait l’appui du système d’impunité que sa petite majesté ABO a établi pour eux. C’est ce système d’impunité qui va permettre à d’autres super ministres et super conseillers, voire de super directeurs d’agence, d’affronter qui un ministre, qui un Premier ministre sans aucun respect pour le rang et la norme hiérarchique.

C’est en raison de cette arrogance et de cette impunité qu’un Premier ministre fera cette mise au point au DG de l’Aninf, petit-frère du président : « De façon tout à fait surprenante, le 17 septembre 2013, Monsieur Alex Bernard Bongo Ondimba, Directeur Général de l’Aninf, en violation des règles élémentaires de déontologie administrative, a saisi le Premier Ministre par lettre n° 7613/PR/ANINF/DG/PEE/CP pour lui ’’signifier le retard constaté sur la mise en œuvre du projet’’. Il m’enjoignait ensuite de prendre des dispositions pour la tenue urgente d’une séance de travail afin d’accélérer le processus d’engagement et de liquidation des offres. » Le Premier ministre en question, Raymond Ndong Sima, relevait d’ailleurs la légèreté de cette démarche. Preuve que les dix ans de cursus universitaire après le bac n’avaient pas servi à préparer les gens aux responsabilités administratives.   L’univers de sa petite majesté Ali Bongo Ondimba est ainsi truffé d’amateurs, de mystificateurs, de personnes pressées de s’enrichir. Ceux que le député ABC appelle les « forbans ». Quelle honte !

Nous pouvons aller plus loin. Ce que Alexandre Barro Chambrier et « Héritage et Modernité »  dénoncent est ce qu’a couché Raymond Ndong Sima dans son ouvrage « Quel renouveau pour le Gabon ? » (éd. Pierre Guillaume De Roux, 2015.) « Jamais, dit-il, dans le passé, des entorses aussi graves et aussi systématiques n’avaient été faites aux réglementations en vigueur. Au plan institutionnel : la mise en œuvre de la politique de la nation, contrairement aux dispositions constitutionnelles, est assurée par la présidence de la République et le rôle du gouvernement réduit de facto à un simple exercice de légitimation des actions décidées et pilotées depuis la présidence. Dans cette logique, les procédures d’adoption des textes législatifs et réglementaires sont de plus en plus violées. »

Raymond Ndong Sima faisait aussi le constat d’« une dérive généralisée des pratiques et une désinvolture permanente d’un cercle de personnes évoluant dans la galaxie présidentielle qui font le plus grand tort à la mise en œuvre d’un projet de société pourtant attrayant et même séduisant. On en vient à se demander si ce projet n’a pas été le résultat d’une construction marketing, sans plus(…) En tête de ce projet était en effet inscrite l’instauration d’un Etat de droit, mais les violations au quotidien des règles, des normes et des codes que s’autorisent les membres de cette galaxie la renvoient allègrement aux calendes grecques

Deux constats de deux personnes qui ont en commun, outre la collaboration au sein de gouvernements et dans l’administration, leur pratique de l’économie. Deux compatriotes qui, à ce qu’il semble, ne se sont guère concertées. Tous deux dépeignent, avec la même similitude, la même réalité. De là, a-t-on besoin de décrypter davantage ce qui est dit pour conclure que le septennat de sa petite majesté est un échec ?

Il est clair qu’aujourd’hui, sa petite majesté Ali Bongo Ondimba, après la sortie de « Héritage et Modernité », ne se trouve pas seulement en face d’un choix, mais en face d’une réalité : c’est la fin.