L’hebdomadaire l’Aube sous les fourches caudines d’une justice aux ordres.

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Sentiment de mépris, de haine et de violence envers le président de la République, chef d’accusation retenu contre deux journalistes de ce canard.

Hermeland Loubah, directeur de publication et Jérémie Akame, rédacteur, en été condamnés par le tribunal de première instance de Libreville le mardi 16 juin dernier à 12 mois de prison avec sursis et à des amendes allant de 500 000 FCFA à 22 millions de FCFA, notamment pour dommages et intérêts. L’on rappelle qu’à la suite de la parution du numéro 63 de L’Aube, qui titrait «Interdiction de critiquer Ali Bongo et sa légion étrangère, foutez le camp, c’est mieux !», et qui présentait Ali Bongo comme «un musulman terroriste», l’hebdomadaire avait été accusé d’«outrage au président de la République». Un délit puni par les articles 157 et 158 du Code pénal.

Les écrits de notre confrère furent jugés «effroyables» par le procureur de la République, qui avait alors juré d’avoir la peau des responsables du journal. Pour Sidonie Flore Ouwé, les écrits du journal procédaient d’une volonté d’«inciter à la haine et à la révolte», non sans considérer que les qualificatifs qui apparaissent dans l’éditorial étaient en réalité «l’expression d’un sentiment de mépris, de haine, de violence envers le président de la République».

Ali Bongo vient donc de mettre à exécution les menaces qu’il avait lancé le 16 février dernier, par la bouche de son porte parole, Alain Claude Bilié Bi Nzé, contre tout homme de média qui s’attaquerait à lui et à son entourage. Depuis la révélation sur des faux diplômes d’Ali Bongo et sur ses origines biafraises par le journaliste français Pierre Péan, le président du Gabon fait face aux critiques de l’opposition et de certains médias. Alain Claude Bilie By Nze avait déjà avertit en disant que : «La première institution de notre pays ne peut pas chaque jour, dans la presse écrite ou en ligne, faire l’objet d’attaques diffamatoires et infamantes, en toute impunité. Ceci doit s’arrêter».

Ali Bongo avait-t-il oublié qu’il était  bien fier d’indiquer, en février dernier lors d’une interview accordée au journal français Le Figaro, qu’il n’y avait pas de journaliste en prison au Gabon ? «Pas un seul à ma connaissance. L’association Reporters sans frontières est venue deux fois au Gabon. Elle a pu constater que la liberté d’expression y est respectée», indiquait alors le président de la République qui risque maintenant de faire mettre la clé sous le paillasson à un journal et d’envoyer des journalistes en prison pour un an au moins. Dire qu’il avait pris part à la marche, le 11 janvier dernier à Paris, en hommage aux victimes de l’attaque contre Charlie Hebdo, un journal des plus provocateurs, iconoclastes et irrévérencieux.

Aria Starck