Echos du Nord – Votre journal d'actualités et d'analyses du Gabon

La lecture étriquée d’Ali Bongo sur la séparation des pouvoirs

La lecture étriquée d’Ali Bongo sur la séparation des pouvoirs
Ali bongo lors de la rencontre avec les parlementaires issus du PDG au pouvoir
Ali Bongo lors de la rencontre avec les parlementaires issus du PDG au pouvoir

Le président de la République lors de sa récente rencontre avec les parlementaires du Parti Démocratique Gabonais, PDG, la formation au pouvoir, a fait une lecture erronée de la constitution. Assimilant les parlementaires à des « collaborateurs » de l’exécutif. Un signal qui note sa forte propension au despotisme.

Le « juriste » ou « géographe » Ali Bongo a fait le 1er juillet dernier, l’étalage de son ignorance des dispositions constitutionnelles. La dernière bourde en date c’est le communiqué du conseil des ministres du 23 juin dernier qui parle d’adoption « d’un projet de loi autorisant le président de la République à légiférer par ordonnance pendant la période de l’intersession parlementaire ». Contrairement aux dispositions de l’article 53 de la constitution qui reconnait l’initiative des lois aux seuls parlement et gouvernement.

La sortie du chef de l’Etat le mercredi 1er juillet, sous l’effet des coups de semonce d’Alexandre Barro Chambrier (ABC) fera date dans sa volonté de gouverner en dehors des règles. Pour Ali Bongo, il y a une « exigence de collaboration des pouvoirs », alors que la Constitution du Gabon en son article 5 dit le contraire.

Pour le constituant gabonais « la République Gabonaise est organisée selon les principes de la souveraineté nationale, de la séparation des pouvoirs exécutifs, législatif et judiciaire, de l’Etat de droit ». Cela voudrait dire que le Gabon fait sien le principe édicté au 18ème siècle par Charles Montesquieu à savoir que «… Tout serait perdu si le même homme ou le même corps […] exerçait les trois pouvoirs, celui de faire des lois, celui d’exécuter les résolutions politiques et celui de juger les crimes et les différends des particuliers ». Malheureusement c’est l’interprétation qu’a du pouvoir Ali Bongo. Une espèce de confusion entre les trois pouvoirs qui lui permettent de légiférer, de juger et de gouverner. Les députés du parti démocratique gabonais (PDG) qui voulaient s’émanciper de ce schéma, on eut droit  à une cure de rappel. Cette fois avec des mots grotesques.

Dans cette volonté de s’imposer à tous, Ali Bongo dénie d’abord au peuple son rôle de propriétaire de la souveraineté nationale consacrée l’article 3 de la Constitution.Désormais, le peuple n’exerce plus indirectement cette souveraineté au travers des députés qu’il élit. La désignation des députés apparaît désormais comme une prérogative exclusive du PDG. C’est d’ailleurs pour cela qu’Ali Bongo s’en prend à Chambrier avec virulence. « Personne ne peut adresser des injonctions au président de la République, encore moins un élu que j’ai investi dans le cadre du parti ». En d’autres termes ABC doit sa présence à l’assemblée nationale non pas à la volonté des populations du 4ème arrondissement de Libreville, mais à Ali Bongo.

Dès lors, la colère d’Ali Bongo contre les députés se comprend. Il considère que ces derniers ne sont pas une émanation de la souveraineté populaire, mais plutôt de sa propre volonté. Comme tel, les députés se doivent de lui faire allégeance en oubliant les prérogatives que leur donne le titre III de la Constitution.

Sauf qu’en tout point, le chef de l’Etat se trompe. Il donne malheureusement par cette intervention grotesque et ubuesque, une image très rétrograde du Gabon à l’extérieur. Celle de « la République très très démocratique du Gondouana » de l’humoriste « Mamane » de la radio France internationale.

Le parlementaire une fois élu, est avant tout un homme libre investi de la souveraineté nationale. Il n’agit qu’en fonction des intérêts de son mandant c’est-à-dire le peuple gabonais tout entier. Il doit s’affranchir des règles partisanes au nom des mêmes intérêts de son mandant. L’article 39 de la Constitution lui donne la force d’agir ainsi car disposant que « … tout mandat impératif est nul ».

C’est pourquoi –ça a du échapper à Ali Bongo -, le gouvernement issu d’une majorité politique, fait un discours de politique générale devant les députés de sa propre majorité. Lesquels doivent à bulletin secret se prononcer sur les mesures annoncées. Ils voteront la confiance au gouvernement s’ils estiment que l’action qui va être menée va dans le sens souhaité par leur mandant.

C’est d’ailleurs cette liberté de conscience que doit avoir chaque élu, c’est ce que Jean Christophe OwonoNguema et Paulette Oyane Ondo ont fait en 2010 en s’opposant à la révision de la Constitution initiée par le président de la République. Malgré leur appartenance au groupe parlementaire PDG. Ils l’ont fait dans le respect de leur mandat et en toute âme et conscience. Malgré le soutien du PDG à l’initiative de révision de la Constitution.

Dans les véritables démocraties, l’exécutif doit convaincre sans cesse les parlementaires pour obtenir leur soutien. Cela s’inscrit dans la logique de la séparation des pouvoirs. François Hollande en France a vu une partie des députés socialistes ne pas voter le budget de la France en 2015. Pourtant concocté par un gouvernement de gauche. Il ne lui est pas venu à l’esprit de les convoquer à l’Elysée pour les sermonner.

Ali Bongo doit intégrer cette réalité dans son fonctionnement. Les députés ne sont pas ses « collaborateurs ». Ils ont pour mission de voter la loi, consentir l’impôt et contrôler l’action du le gouvernement. Dans cette tâche, il n’y a pas de place pour des considérations partisanes.

A.P

 

Articles connexes