La peintre combattante Marina Louetchi n’est plus

Posté le 21 Juil 2015
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Marina Louetchi

Marina Louetchi, de son vivant

Reconnue sur le plan international et directeur du magazine Citymag depuis 2009, Marina Louetchi était également et surtout connue pour la singularité de son travail dans les arts plastiques. Son œuvre a notamment été exposée à Madrid, New-York, Dakar et dans bien d’autres métropoles. Elle a été  foudroyée par un cancer  le 9 juillet dernier.

Marina Louetchi était une gabonaise qui exprimait son art à travers des créations basées uniquement de collage. Elle réalisait des tableaux sans utiliser de crayon, de couteau ou des pinceaux. Cette manière de pratiquer l’art confère une beauté unique aux tableaux de cette dynamique gabonaise.

Marina Louetchi, jeune, avait milité dans le mouvement caritatif et fait des études de gestion-comptabilité. Femme battante, elle avait une allure réservée et une attitude plutôt CPFH (Collier de Perles Foulard Hermès – version féminine du BCBG) que rien  ne le laissait nullement entrevoir. Décédée le 9 juillet 2015 au Centre hospitalier universitaire (CHU) d’Agondjé à Libreville, où elle a été ramenée d’urgence à la suite d’un coma survenu à son domicile de Nzeng-Ayong dans le 6è arrondissement. Alors que, grâce à la chimiothérapie, elle avait déjà été guérie d’un cancer du sang et qu’elle avait repris ses activités artistiques après avoir vendu le magazine Citymag en 2009, la maladie a ressurgi et a fini par avoir raison d’elle.

Sans être née avec une cuillère d’or dans la bouche, Marina Louetchi était issue d’un milieu social modeste. Petite, elle était toujours préoccupée par les problèmes des autres et rêvait de devenir avocat en vue de «défendre des gens, de plaider contre l’injustice.» De même, elle a toujours dessiné et nombreux de ses collègues se souviennent des graffitis qu’elle aimait faire au tableau. Ses résultats scolaires l’ont cependant orientée vers les métiers du chiffre : gestion et comptabilité.

Alors qu’elle est encore étudiante, elle prend des cours de Design intérieur et s’engage comme bénévole dans l’action humanitaire, notamment avec l’Unicef et Caritas. Mais, sitôt revenue au Gabon, elle entre dans la vie active et pendant quelques années, traîne ses ballerines dans des entreprises locales avant de se déterminer à vivre totalement des arts plastiques.

Ne voulant pas faire comme les autres peintres, Marina, qui avait toujours admiré les mosaïques, cherche une facture personnelle. Il lui vient alors l’idée de faire de la mosaïque sur papier. Traditionnellement, la mosaïque est un art décoratif où l’on utilise des fragments de pierre, d’émail, de verre ou encore de céramique, assemblés à l’aide de mastic ou d’enduit, pour former des motifs ou des figures. Les mosaïques de Marina seront du papier sur papier. Ne se contentant pas de créer des tableaux, Marina Louetchi écrivait énormément et disposait dans ses tiroirs d’un ouvrage qui n’attendait que d’être édité.

Elle commet, en février 2000, son premier attentat au plastique en exposant ses œuvres d’art au Centre culturel français de Libreville devant un public médusé par ce travail si particulier. Depuis cette date, les œuvres de Marina ont été accrochées aux cimaises d’une dizaine d’expositions, notamment Casablanca (Maroc), Madrid (Espagne), New-York (USA) ou  Dakar (Sénégal), mais aussi au Méridien de Libreville ou au centre sportif Roger Butin de Port-Gentil.

Le succès de ses œuvres d’art lui permet de dégager des économies avec lesquelles elle lance, en octobre 2006, le magazine Citymag. Dans le tout premier éditorial signé par Marina Louetchi, elle explique alors que ce mensuel gratuit, en quadrichromie sur papier glacé, ambitionnait de «trouver les clefs qui ouvrent les portes de l’étonnement, du vertige, de l’euphorie, de l’invention, du ludique mais aussi du pratique» tandis que l’équipe rédactionnelle dont elle s’était alors entourée se proposait de «faire les poches de cette city qu’est Libreville, en ramener de l’esthétique et l’offrir gratuitement

Marina participe, en novembre 2012, à l’exposition «Regards africains croisés» à Casablanca. Et, en février 2014, elle est de l’exposition «Télégramme» à Pierrefitte-sur-Seine (France). Marina Louetchi n’a jamais cessé de se battre. Se battre pour améliorer sa technique artistique ; se battre pour le positionnement de son magazine (qu’elle a vendu à l’agence Mozaïk en mai 2009) ; se battre contre la maltraitance des enfants ; se battre pour se faire comprendre ; se battre contre le cancer. Bref, se battre encore et toujours pour la vie.

La bataille, elle l’a menée jusqu’au bout, devant la maladie. C’est à 38 ans que Marina Louetchi nous a quittés.

Aria Starck

 

 

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