
« J’appelle à une alliance patriotique (…) tous les patriotes, toutes celles et tous ceux qui rêvent d’un meilleur Gabon à se joindre à moi dans cette perspective au-delà des cercles habituels des partis et groupements politiques, au-delà des étiquettes partisanes qui parfois empêchent de penser. Nous avons le Gabon en commun et ce Gabon mérite qu’ensemble nous le redressions dans l’intérêt de tous. L’intérêt du plus grand nombre doit donc tout primer et l’union du plus grand nombre servir à tous. » Telle était la substance de l’appel de Raymond Ndong Sima (RNS).
Un appel qui a soulevé un lot de questionnements. Normal. Parce que dans un discours, tel ou tel auditeur recherche trop souvent, et avant tout, ce qu’il veut entendre et qui est dans ses cordes et qui reflète l’ambiance du moment.Situé dans une perspective autre, il en est bouleversé et déboussolé. Ce comportement est le fruit des émotions. Or, dans un schéma politique, l’émotion doit céder la place à la raison. Pourquoi le sens de la démarche de Raymond Ndong Sima ?
Elle part d’observations objectives sur l’état du pays. « Mon constat est que la situation économique, financière et sociale du pays est mauvaise et même très mauvaise.» Et d’en dresser le tableau :la baisse des recettes de l’Etat du fait de la chute du prix du pétrole ; le manque de maîtrise des dépenses de l’Etat, le déficit en augmentation, l’endettement. Le terrain de la création des emplois où l’on ne voit poindre aucune révolution,bien au contraire c’est la catastrophe. Des difficultés avérées touchent le domaine très disproportionné du petit nombre de producteurs, essentiellement le secteur de l’extraction minière et pétrolière. Ce qui fait que ces « entreprises qui travaillent dans le pays sont en difficulté».A telle enseigne, a souligné l’orateur,que ces dernières, basées pour la plupart entre Libreville et Port-Gentil, licencient vu les difficultés qu’elles traversent actuellement.
Cette réalité économique a au bout son impact sur le tissu social et notamment sur l’équilibre des familles. Dans le chômage, les premières questions qui s’imposent à un père de famille ou à une mère qui assume seule une charge familiale sont : le logement, la scolarité, l’alimentation, la santé. A ces questions basiques qui se posent déjà aujourd’hui à plusieurs personnes dans le pays, deux issues se présentent : la résignation ou la réaction. RNS appelle non pas à se résigner mais à réagir. Pas demain, mais maintenant. Cette réaction passe nécessairement par la restauration de la dignité des Gabonais. Restauration qui impose l’engagement de chaque Gabonais et qui passe par la nécessité, à l’issue d’un diagnostic cohérent, de se mettre ensemble, s’asseoir, réfléchir ensemble, concevoir ensemble, puis de mettre en marche un plan d’action propre, rigoureux et efficace afin d’aborder les échéances à venir. « Nous sommes au pied de la montagne. Après avoir observé et analysé cette montagne, il nous faut, ensemble, décider comment nous allons l’escalader. »
L’appel pour regarder cinq propositions
D’où l’appel pour une alliance patriotique. L’alliance de tous les amoureux et amoureuses du Gabon. L’alliance de ceux qui croient qu’une flamme peut encore être allumée pour éclairer les lendemains de cette terre léguée par les ancêtres. RNS a appelé les patriotes : ils sont d’abord des Gabonais de toutes les provinces du Gabon ; les jeunes, les chômeurs, les travailleurs de tous les secteurs ; les experts et spécialistes dans divers domaines : droit, économie, mathématiques, éducation, etc.; les patriotes membres des partis politiques, « tous les démocrates gabonais qui soutiennent l’organisation de l’Etat sous la forme d’une République et s’opposent aux dérives actuelles faites de confusions entre la gestion de l’Etat et la gestion des amitiés, de glissades dangereuses vers une dérive monarchique…»
Mais que faire dans une telle plateforme ? Sans perdre de vue d’autres questions sous-jacentes, RNS a posé comme postulat que : « Pour les élections présidentielles de 2016, compte tenu des difficultés que beaucoup de gens connaissent, les problèmes économiques seront au centre de la campagne. » Aussi, la plateforme à laquelle il invite les Gabonais travaillera sur cinq points fondamentaux qu’il a énoncés comme suit : « L’établissement et le respect de l’état de droit ; La Réforme de l’Etat et l’ajustement de sa taille à ses revenus durables ; La stimulation d’une croissance durable ; La clarification et l’organisation des bases d’une solidarité nationale ; L’accélération de l’intégration sous régionale. »L’Etat de droit qui passe par la révision de la Constitution, cadre de la définition consensuelle du vivre-ensemble ; la réforme de l’Etat pour une société équitable et juste ; la croissance durable qui passe par la revalorisation du travail ; l’intégration sous-régionale pour se donner des possibilités sur un marché plus vaste. Telles sont les bases fondamentales qui constitueront le socle de travail de cette alliance.
Tout construction repose sur un socle ou un sous-bassement solidifié par des valeurs. RNS le reconnaît et en a énoncé trois valeurs essentielles sans lesquelles des gens qui veulent bâtir ensemble ne le peuvent pas. La première de ces valeurs est la vérité. Car c’est d’elle que découlera aussi la « dignité du débat public ». Et si de nombreuses coalitions ont manqué à leur devoir par le passé, cela n’est tributaire que de ce que la vérité a fait défaut. La deuxième de ces valeurs est le mérite. La société gabonaise a généré des anti-valeurs axées sur des considérations subjectives et artificielles qui l’ont gangrénée et relégué le mérite au dernier plan. « Nous devons rétablir le principe de l’égalité de chance partout : à l’école, sur les lieux de travail, dans les quartiers, dans et entre les provinces. » La troisième de ces valeurs est la solidarité.
Affuter ses armes avant le combat
Raymond Ndong Sima a-t-il tourné le dos aux coalitions existantes ? Notamment le Frontou l’UFA? Ce ne semble pas être le cas. Bien au contraire, il laisse la porte grande ouverte. Au demeurant, il précise clairement qu’à l’issue des approches qu’il a eues de personnes de différentes coalitions, attaché comme beaucoup de Gabonais au redressement du pays, réalité qui justifie son engagement, il n’exclut pas « de donner une suite favorable aux appels » qui lui ont été lancés. Pour l’heure, c’est « le temps de faire le point exact de l’état de notre économie ; le temps de discuter des solutions les plus efficaces pour sortir de la mauvaise situation actuelle ; le temps où tous les Gabonais, qui ont en commun le soucide redressement du pays, doivent se mettre ensemble pour préparer une plateforme capable de proposer des solutions efficaces aux problèmes du Gabon et des Gabonais ».
Raymond Ndong Sima n’exclut donc pas les plateformes existantes. Tout comme, à suivre ses déclarations, il ne met pas en place un Front bis. Ou une UFA bis. Puisqu’il se dit disposé à répondre favorablement à l’un ou l’autre.C’est donc qu’il a compris qu’il a tout intérêt à être en coalition avec d’autres dans cette lutte. Et non pas seul. Sinon il aurait annoncé sa candidature tout de go. Election oui. Mais on y va avec des armes. Et ensemble. Sa démarche consiste donc non pas à affaiblir l’existant (Front, UFA, etc.), mais au contraire à le renforcer autour de la réflexion et de la conception d’une offre politique globale et solide qui tienne la route et à laquelle tous les Gabonais se reconnaîtront puisqu’elle aura été le fruit du travail commun. Car on affute ses armes avant d’aller au combat.
Zang Memine