17 Août 2015 : Violation des usages républicains

DISCOURS 17 AOÜT

En France, c’est le 13 juillet que le président de la République s’adresse aux Français; au Cameroun à côté, c’est le 9 mai que Paul Biya s’adresse à ses compatriotes. Et au Gabon en 1960, c’est le 16 août que le premier président, Léon Mba, s’était adressé aux Gabonais pour leur annoncer que le Gabon accédait désormais à la souveraineté internationale. Il en a été ainsi pendant cinquante quatre ans. Ces dates sont coulées dans le marbre du calendrier des Chefs d’Etat, sauf cas de crise grave. Omar Bongo, durant son long règne, n’a pas dérogé à la règle. Or, rien dans la situation actuelle du Gabon ne justifie cette entorse faite à cet usage républicain consacré : le discours du chef de l’Etat à la nation le 16 août au soir. Un report qui traduit le dysfonctionnement des institutions républicaines. Du fait de l’amateurisme de ceux qui les incarnent. Jusqu’à présent, le Gabon n’est ni en crise ni en situation de guerre ou de grave mutinerie. La grogne des militaires de retour de Bangui a, certes, mis au grand jour les problèmes de gouvernance dénoncés tous les jours par les membres de la société civile. Les détournements, par les responsables hiérarchiques des forces de sécurité et de défense, des fonds alloués par l’ONU ont été décriés sans que le ministre de la Défense, Ernest Mpouho Epigat, et le chef suprême des armées, Ali Bongo, ne s’en émeuvent.

Or, le discours à la nation du 16 août est un usage auquel doit se plier quiconque occupe la fonction de président de la République. Un usage consacré, infra constitutionnel et supra comportemental. Il est au-dessus des humeurs d’un homme et de ses croyances. Même si le report a été dicté par son maître vaudou, ce qui serait encore plus grave. Cet usage est un héritage républicain que l’occupant de la fonction présidentielle tient des pères fondateurs de la République. C’est l’instant solennel attendu par les citoyens pour connaître les orientations que le président donne sur leurs attentes légitimes, notamment la santé, l’éducation, le logement, la sécurité, sans oublier la grave crise politique que traverse le Gabon, avec les problèmes de faux documents qui accablent Ali Bongo. En tordant le coup à une tradition républicaine, Ali Bongo vient une fois de plus, de fouler aux pieds, une des valeurs qui fondent la République. Il vient de démontrer le peu d’intérêt qu’il accorde à ce pays qui l’a accueilli et lui a tout donné, y compris les plus hautes charges de l’Etat. Il vient de démontrer, si besoin est, qu’il n’a pas sa place à cette fonction. Moralité, comme le dit Daniel Mengara, Bongo doit partir.

Pierre Durand