Echos du Nord – Votre journal d'actualités et d'analyses du Gabon

AGOA : Le Gabon a-t-il les moyens de saisir sa chance ?

AGOA : Le Gabon a-t-il les moyens de saisir sa chance ?
Agoa
Le Premier ministre, Daniel Ona Ondo, visitant un stand

Depuis le lundi 24 août et ce pendant trois jours, le Gabon abrite le sommet de l’African Growth and Opportunity Act (Agoa), un accord commercial préférentiel entre les Etats-Unis et l’Afrique. Notre pays peut-il tirer son épingle du jeu ?

L’organisation du sommet de l’African Growth and Opportunity Act (Agoa), à Libreville, est incontestablement un évènement très important pour les hommes d’affaires gabonais et pour l’économie nationale. Cette rencontre, bien exploitée, pourra permettre d’ouvrir de nouvelles perspectives de marché aux entreprises gabonaises. A condition qu’elles sachent se saisir des opportunités quasi infinies qu’offre le marché américain. Cela est possible au regard de la durée qu’offre ce nouvel accord commercial : dix ans. C’est-à-dire une durée plus que suffisante à un entrepreneur pour penser, planifier et mettre en œuvre une stratégie qui lui permette de capter cette formidable opportunité. Car, «(…) Depuis 2001, les exportations dans le cadre de l’AGOA ont quadruplé. L’année dernière, les trente neuf pays éligibles ont exporté une valeur de 4,4 milliards de dollars en produits. Des pays comme le Kenya, l’Île Maurice ou Madagascar ont vu leurs exportations s’accroître de façon importante, surtout dans les secteurs du textile et de l’horticulture (…) », a indiqué Robert Jackson, le directeur Afrique du département d’Etat des Etats-Unis d’Amérique, sur les ondes de Radio France internationale (RFI), il y a quelques jours.

La marche vers cet objectif de prospérité qui fait une place importante à l’entreprenariat féminin, ne sera pas sans écueil pour les entreprises gabonaises. Elles sont mal préparées pour se lancer à l’assaut d’une telle aventure. Les différents gouvernements du Gabon ayant toujours fait peu de cas du développement d’un tissu de PME dynamique. Et tant qu’il existera une collusion fusionnelle au sommet entre les hommes politiques et les hommes d’affaires. On pourrait même dire qu’à de rares exceptions près – l’actuel ministre des PME, Gabriel Tchango a fait fortune dans le privé, avant d’embrasser une carrière politique – les hommes d’affaires du Gabon sont avant tout des hommes politiques. C’est en mettant à profit leurs positions politiques qu’ils décident assez souvent de se lancer dans les affaires. Le plus souvent pour gérer tous les projets publics liés à la fonction politique qu’ils exercent, en faisant fi du conflit d’intérêt évident. Omar Bongo Ondimba avait montré l’exemple, en créant la pieuvre Delta Synergie. En lui octroyant des pans entiers de l’économie gabonaise. Ali Bongo Ondimba a poursuivi sur ce modèle depuis six ans. La conséquence, cinquante cinq ans après, est qu’il y a très peu d’entreprises privées indépendantes du pouvoir politique au Gabon. Elles sont, pour la plupart, soit propriété d’hommes politiques, soit dépendantes d’eux pour la croissance de leurs activités et l’accès aux marchés publics

Or, le modèle prôné par l’Agoa ne peut prospérer dans un contexte qui fait la part belle à la corruption et aux délits économiques de tous acabits. Il serait impensable de voir les autorités américaines faire bénéficier à Delta Synergie des avantages d’un tel programme tout en sachant que les revenus ainsi engrangés tomberont dans l’escarcelle d’Ali Bongo Ondimba.

Heureusement pour le Gabon, il existe tout de même, malgré ce contexte général de corruption, un secteur artisanal basé sur la créativité de ses promoteurs, qui ne demande qu’à être développé. Les sculpteurs, les peintres, les décorateurs gabonais qui travaillent à partir des matériaux locaux, peuvent se saisir de ce cadre pour se développer. C’est également le cas de certains herboristes qui peuvent voir s’ouvrir à eux de nouvelles perspectives en termes d’opportunités médicales ou paramédicales. Dans la mesure où ils pourraient trouver plus facilement des partenaires aux USA capables de faire connaître aux consommateurs américains les propriétés médicinales offertes par telles ou telles herbes utilisées encore au Gabon de manière empirique pour traiter certaines affections. Enfin et surtout l’agriculture. Le Gabon dispose de très nombreux atouts en termes de produits exportables. Pour peu que l’Etat accompagne les producteurs, notamment en les aidant à mettre lesdits produits aux normes américaines.

C’est en restructurant ces petits producteurs agricoles, en organisant ces artisans, peintres, décorateurs, stylistes, sculpteurs et en identifiant clairement tous ceux qui possèdent la connaissance de la flore et de la pharmacopée du Gabon, que ce pays peut tirer profit de cet extraordinaire outil qu’est l’Agoa.

Jean Michel Silvain

 

 

Articles connexes