

Par : Désiré Ename
Et qui parlait aux Gabonais ? Oui, qui ? Un héritier d’Omar Bongo ? Le juge d’instruction des biens mal acquis ? Où un Chef d’Etat ?
Celui qui est venu se pavaner devant les écrans de télévision était l’héritier d’Omar Bongo Ondimba. Et non un président de la République. C’était sa petite majesté Ali Bongo Ondimba, montrant sa magnanimité envers ses sujets. En somme, cet homme élève le mélange des genres au rang de gouvernance. C’est navrant. Car le moment a été très mal choisi pour délivrer ce message. Visiblement, Ali Bongo Ondimba, ça ne vaut pas la peine.
La fête de l’indépendance est un instant chargé de symbole. Symboles de l’accession du Gabon à la souveraineté internationale. Symbole de la République et de sa prise en main par les Nationaux. Symbole de la Patrie. Haut lieu du souvenir de nos martyrs tombés, avant ou après, au nom de l’intégrité de la patrie. La République est le lieu de l’intérêt commun. Ce n’est pas le lieu de la division ou de la célébration des clivages par un pseudo chef qui a voulu passer pour un Robin des bois sans éthique de justice et sans soucis du pauvre autour duquel il a voulu construire un semblant d’affection pour s’attirer on ne sait quelle sympathie. Jouer lamentablement les pauvres d’aujourd’hui contre les riches d’hier est-ce tout ce qui reste à sa petite majesté ?
A aucun moment de ce discours sa toute petite majesté, en quête de gloire, n’a eu du respect pour ce moment sacré de la célébration de la souveraineté des Gabonais. Bien au contraire. Mal lui en a pris de venir pour y régler les problèmes de la succession dans lesquels il est englué de la tête aux pieds, sans possibilité de s’en sortir. Là se lit proprement la conception que ce « petit roi » attardé a de l’Etat gabonais. Non pas le sens noble que chacun d’entre nous lui voue, malgré le rappel que lui en fait « Héritage et Modernité » ; malgré celui, combien éloquent que lui ont redit d’un côté Raymond Ndong Sima, et de l’autre Jean De Dieu Moukagni Iwangou. Non. La toute petite relique d’Omar Bongo Ondimba a une conception féodale de l’Etat, où des compatriotes sont ses obligés et des sujets qu’il peut à tout instant endormir avec des annonces les plus loufoques. Pour lui, l’Etat est patrimonial et rien d’autre.
Sur ce, et fort heureusement, c’est une clameur de rejet qui est monté à l’issue de ce discours et l’a accueilli. Pour une simple raison. Les Gabonais demandent, non pas à attendre des retombées d’une fortune, du reste acquise sur le fruit de leur travail, mais à être traités en compatriote. Par ailleurs, et c’est ce que Moukagni Iwangou a rappelé en substance dans son message du 15 août, qu’il était dans l’ordre normal des choses que le Chef de l’exécutif accorde le bénéfice d’un inventaire pour que soit clairement distinguée dans cet héritage, la part des biens mal acquis et la partie de ce qui a été le fruit du travail d’Omar Bongo Ondimba légué à sa progéniture.
La jeunesse gabonaise qui le sermonne et l’affronte depuis son accession au pouvoir en lui jetant au visage toute son inconsistance, n’attend pas se voir offrir des biens mal acquis de surcroît litigieux. Elle attend la réalisation des promesses sur les constructions des universités d’Oyem, Mouila et Port Gentil. Elle ne veut en rien être complice de l’accaparement des biens de feue Edith Lucie Bongo née Sassou Nguesso, et de ses orphelins (Yacine et Denis Jr). Lorsqu’en 2009 nous parlions des « prémices d’un Etat voyou », n’en a-t-on pas la preuve six ans plus tard ?
Il y a longtemps, un planteur, patron des syndicats de cette catégorie, accédait au pouvoir dans un pays sans ressources énergétiques majeures, sans pétrole comme au Gabon, ni uranium, ni manganèse. C’était en Côte d’Ivoire. Et vous l’avez devinez, il s’agissait de Félix Houphouët-Boigny. Cet homme a pu déclarer, muni de tout le prestige dévolu aux hommes d’honneur et sincères qu’il a fait du petit planteur ivoirien un milliardaire. Et au plus fort de la crise de l’Education en Côte d’ivoire au début de la décennie 90, il clamait lors d’une adresse au corps enseignant révolté : « Je n’étais pas Président de la République, et j’ai acheté ce qu’on appelait le château de Vipel (NDR en 1947) (…). J’ai acheté la maison de Jean Gabin (François Ier – Paris), je n’étais pas président de la République de Côte-d’Ivoire. J’ai acheté un appartement dans le 11e pour mon fils Guillaume, je n’étais pas Président de la République ! » Cet homme, en plus, au soir de sa vie, avait légué à la Côte d’Ivoire des biens personnels acquis à la sueur de son front. « Pour construire Yamoussokro comme capitale, il faut des terrains supplémentaires. J’ai 2 500 ha d’ananas, de mangues et d’avocats. Je les donnerai gratuitement l’an prochain pour la construction de votre capitale. » Cet homme donnait à un Etat, entendons, à un peuple, une jeunesse à qui il n’avait rien pris, une partie de ce qu’il possédait et qui avait été le fruit de son travail et non pas des « biens et des services payés par la confiscation de la richesse et du travail d’un nombre de producteurs en diminution continuelle » dont parlait Jean D’Ormesson définissant l’Inaptocratie. Ce sont ces biens qui font parties des BMA que sa petite majesté pense léguer à la jeunesse gabonaise. Pour en faire des receleurs.