
Jean-Pierre Oyiba, le ministre de la santé et de la prévoyance sociale, vient de faire le choix d’abandonner aux mains d’apprentis sorciers l’épineuse question de santé publique, au nom d’espèces sonnantes et trébuchantes. Cette démonstration a été traduite au travers d’une batterie de quatre arrêtés et d’une décision, tous, pondus en parfaite contradiction avec la hiérarchie des lois.
Le mercredi 1er avril dernier, à l’immeuble Arambo, les opérateurs économiques du secteur santé, dans le cadre d’une réunion de sensibilisation, avaient été informés de ces nouvelles dispositions.
L’arrêté n°106/MSPS du 16 mars 2015 fixant les conditions d’exploitation des structures sanitaires privées en République gabonaise; l’arrêté n°107/MSPS du 16 mars 2015 fixant les conditions de délivrance de l’autorisation d’exercer les professions médicales; l’arrêté n°108/MSPS du 16 mars 2015 fixant les montants et modalités de paiement des redevances relatives à la délivrance de l’autorisation d’exercer, d’ouverture et d’exploitation des structures sanitaires privées; l’arrêté n°109/MSPS du 16 mars 2015 portant création, attribution et organisation du comité de suivi/évaluation de la délivrance et de la mise en œuvre des autorisations d’exercer la médecine, d’ouverture et d’exploitation des structures privées et la décision n°110/MSPS du 16 mars fixant la clé et les modalités de répartition des sommes issues du paiement des redevances relatives aux autorisations d’exercer, d’ouverture et d’exploitation des structures sanitaires privées.
L’arrêté n° 106 est pour le moins, plus révélateur de l’initiative scandaleuse du membre du gouvernement. Tant, son article 9 contraste avec le décret n°209/PR/MSP du 13 mars 2003 fixant les conditions d’habilitation et d’ouverture des établissements privés de formation professionnelle préparant aux carrières paramédicales. Celui-ci disposant que ce pan est réservé à l’inspection générale de la santé au sein de laquelle se trouve l’expertise technique. Son avis motivé nécessite une expertise de terrain en adéquation avec les normes du secteur santé. En dehors de ce que le parallélisme des formes dans l’administration n’admet pas qu’un arrêté abroge un décret.
Depuis donc la mise en vigueur de l’arrêté sus-indiqué, les dossiers y relatifs se traitent au cabinet du ministre. Une source proche du dossier a confié que les sbires du ministre arrivent souvent à l’inspection prendre des cachets qu’ils apposent sur des dossiers sans contenu physique.
Dans la nouvelle configuration, l’ouverture d’une polyclinique est passée de 1 500 000 à 5 000 000 F CFA. Alors que la clinique qui était à 1 000 000 se chiffre désormais à 3 000 000 F CFA. Le cabinet d’imagerie médicale dont l’ouverture et l’exploitation exigeaient 6 00 000 vaut aujourd’hui 2 000 000 F CFA. Dans le même temps, les cabinets d’accouchement et médicaux sont passés de 6 00 000 à 1 500 000 F CFA. Il en est de même pour le cabinet dentaire qui valait 4 00 000 F CFA. Et, la délivrance de l’autorisation d’exercer la médecine est passée de 150 000 à 500 000 FCFA.
Fait intriguant, les opérateurs économiques qui se sont acquittés desdits frais s’accordent à dire que les reçus délivrés sont à l’image de ceux d’une épicerie. Toute chose corroborant une indiscrétion de l’agence comptable du centre hospitalier de Libreville faisant état du non versement au trésor des sommes issues de ce trafic.
Tout comme la publication de l’arrêté n°109/MSPS du 16 mars 2015 est en flagrante contradiction avec le décret n°1406/PR/MSPP du 6 novembre 1982 portant attribution et réorganisation du ministère de la santé publique et de la population. La même contradiction est observée avec le décret n°1158/PR/MSPP du 4 septembre 1977 fixant les attributions et l’organisation du ministère de la santé. En somme, cet arrêté ne peut en aucune mesure abroger ou rendre contraire les dispositions prévues par les deux décrets suscités.
Et que dire de la décision n°110/MSPS du 16 mars 2015 ? Comme le prévoit les deux décrets cités plus haut, l’inspection de la santé a pour mission, sur l’ensemble du territoire national, de veiller au respect de la législation et de la réglementation en vigueur en matière de santé ; de contrôler l’application de la législation et de la règlementation technique au niveau des établissements et organismes sanitaires publics, parapublics et privés. Elle effectue toutes les missions qui lui sont confiées par le ministre.
A ce titre, un comité de suivi/évaluation ne peut, au regard des textes non abrogés, malgré leur vieillissement, se substituer au fonctionnement régulier d’une administration disposant des bases juridiques qui reposent sur les lois et décrets. Encore moins, soustraire celle-ci de ses prérogatives. Le ministre de la santé, avec un tableau aussi creux et vaseux de son projet, est appelé plus que jamais à revoir cette pâle copie.
Henri Gauthier