Libreville à rebours de l’émergence du Gabon tant chansonnée

Les chantiers de l’émergence
Libreville est en chantier depuis 6ans
Libreville est en chantier depuis 6ans

S’il y a une ville qui vit le « martyr » depuis 6 ans, c’est sans aucun doute Libreville, la capitale Gabonaise. Tout se passe comme si Ali Bongo Ondimba avait un compte particulier à régler à cette citée, symbole de la liberté. Fondée « …en 1849 par des esclaves vilis libérés du navire négrier brésilien nommé l’Elizia, arraisonné au large des côtes du royaume Mpongwè, alors que la traite négrière, formellement interdite depuis 1848, se poursuivait dans le Golfe de Guinée ». Peut – on lire dans le dictionnaire wikipédia.

Sitôt nommé président de la République gabonaise par la Cour constitutionnelle, Ali Bongo Ondimba a entrepris de « remodeler » le visage de Libreville. Non pas pour le rendre beau, mais plutôt pour qu’il devienne méconnaissable par ses habitants et surtout les générations futures. Dans cette « tartufferie », il justifiera cette œuvre destructrice par le souci de rendre la ville plus moderne. C’est ainsi qu’il va s’employer à détruire tous les lieux de mémoire. La Citée de la Démocratie, lieu symbolique du retour au multipartisme et à la liberté d’expression au Gabon sera rasé. L’homme avait promis y construire un nouveau palais présidentiel à sa gloire – il envisage lui aussi un pouvoir à vie – et un terrain de Golf de 18 trous. Les investissements promis se font toujours attendre. Il s’est par la suite employé à détruire la fondation Jean Ebori. Un hôpital ultra moderne qui fit la fierté du Gabon pendant de longues années. Ali Bongo Ondimba va évoquer la présence d’amiante dans ce bâtiment pour justifier sa démolition. Un hôpital construit par le groupe Bouygues sur le modèle des bâtiments millénaires que l’on rencontre dans plusieurs capitales du monde moderne. Ali Bongo Ondimba va substituer cet ancien édifice en béton armé, par une construction en briques avec des maçons du quartier.

Sur le front de mer, la construction de la marina est à l’arrêt
Après avoir échoué de construire des logements sociaux sur la terre ferme, Ali Bongo a vainement tenté l’aventure immobilière sur la mer. Signe des temps, l’immersion du projet de la Marina sur le front de mer

Après cette casse de tous les lieux de mémoire de Libreville, comme pour signifier à tous, que cette ville bicentenaire ne doit commencer à exister qu’à partir de 2009, Ali Bongo Ondimba va cette fois s’attaquer à l’environnement, au sens écologique, de la capitale gabonaise. Il va ressortir le projet pharaonique de construction de la marina sur le front de mer de Libreville. A l’occasion, Ali Bongo Ondimba promettait d’y engloutir 450 millions de dollars, soit un peu mois de 400 milliards de Fcfa. L’équivalent du budget d’investissement du Gabon, prévu chaque année depuis 2010. Cet investissement devait transformer radicalement le « ….vieux port, « Port Môle » en une zone futuriste qui fera connaître Libreville au même titre que la « statue de la Liberté »… », comme l’a indiqué à l’agence France presse (Afp) le 10 octobre 2012, l’ancien directeur général de l’Agence nationale des Grands travaux (ANGT), Henry Ohayon.

En effet, ce projet prévoit « d’avancer dans la mer de 600 m pour construire une île monumentale et d’agrandir la surface du port, pour passer de 4 à 44 hectares. Un centre de conférences de 10. 000 places, deux gratte-ciels, un centre culturel-musée, des centres commerciaux avec restaurants et boutiques, ainsi qu’une plage, des terrains de sports et une marina doivent aussi être construits… ». Cette « avancée » dans la mer va se faire avec beaucoup de dommage pour l’environnement de Libreville. Car, comme l’a précisé Henri Ohayon, la mise en œuvre d’une telle initiative suppose « ….outre des digues, de draguer le sable de l’estuaire de Libreville en le pompant pour le projeter et le bloquer dans la zone du port et ainsi créer une terre ferme solide à moindre coût… ». La « drague » du sable de l’estuaire de Libreville détruit totalement l’écosystème à cet endroit. Avec naturellement son lot de conséquence sur la faune et la flore qui y vivent.

Les travaux lancés à grands renfort de publicité, devaient durer 56 mois, soit 4 ans et 8 mois. Malheureusement pour Libreville, tout sera stoppé net au bout de quelque mois seulement. Le front de mer de Libreville qui devait présenter un aspect futuriste est réduit à cette grande montage de sable qui obscurcit la vue à l’horizon. Ce sable a de fortes chances de finir recyclé dans les travaux de construction des immeubles de Libreville.

Après avoir détruit l’environnement et les lieux de mémoire de Libreville pour rien, Ali Bongo Ondimba va s’attaquer avec brutalité et violence aux personnes physiques. Les seuls torts pour beaucoup d’entre-eux, sera de posséder un titre foncier. Au nom de la modernisation de la capitale, l’homme va réduire en cendre les quartiers Sotega, Boulevard, Cocotier et Nkembo. Il disait vouloir construire des immeubles modernes à la place des habitations actuelles. Il a fallu un mouvement citoyen d’ampleur inégalée pour que l’homme se ravise. Sans toutefois se décourager. Puisque quelques semaines plus tard, son ministre des travaux public d’alors le professeur Léon Nzouba, va entreprendre de détruire les habitations aux quartiers Glass, Sorbonne et la zone entre le PK5 et la ville de Kango. Soit un linéaire de 95 km. Toutes ces casses se sont faites sans respecter la moindre procédure, du moins pour ce qui concerne Libreville intramuros et sans dédommager les personnes concernées. Surtout, sans se soucier du relogement de ces populations, comme le ferait un Etat sérieux. Ali Bongo Ondimba justifiait sa croisade par la construction d’une route à 4 voies qui devait relier la capitale gabonaise à la ville de Kango. Malheureusement, à ce jour, rien de tout cela n’a été entrepris.

Dans cette folie de promettre sans retenue, le chef de l’Etat avait décidé de doter Libreville d’un cimetière digne d’une capitale, d’une nouvelle prison et surtout d’un nouvel aéroport international. Les sites de Nkoltang, Bambochine et Andem ont été retenus respectivement. Même si les premiers aménagements ont été initiés, comme partout ailleurs, tout s’est arrêté sans aucune explication. Plus que jamais Libreville doit dire « stop » à son martyr. L’échéance de 2016 est plus que propice à cette alternative.

Arthur Page