
Sidonie Flore Ouwé, le très zélé procureur de la République près le tribunal de Libreville, a été débarqué de son poste par son maître Ali Bongo Ondimba. La sentence a été prononcée lors du dernier conseil supérieur de la magistrature présidé par le chef de l’Etat. La nouvelle a sans aucun doute surpris l’intéressée elle-même. Car, elle a cru à tort que la défense contre vents et marées des intérêts d’Ali Bongo Ondimba au prix de mensonges éhontés, suffirait à lui garantir, pour longtemps, l’occupation de ce poste très stratégique pour toute République. Pied de nez supplémentaire, Ali Bongo Ondimba a « promu » cette dame dans les mêmes fonctions de procureur de la République auprès d’une juridiction d’exception : la Cour spéciale chargée de réprimer la délinquance financière. Autant dire, un panier à crabe dans lequel elle ne pourra nullement agir. Car cela reviendrait à demander la condamnation de son maître Ali Bongo Ondimba et toute sa famille, connus notoirement pour être les principaux délinquants financiers du Gabon à travers leur pieuvre familiale Delta Synergie. Chaque affaire qu’elle devra instruire la conduira inévitablement à Delta Synergie. C’est le cas de cette affaire de forage prévu à Lastoursville dans le cadre des fêtes tournantes, dans laquelle le pouvoir veut coûte que coûte impliquer Paulette Missambo. Madame Ouwé qui va désormais instruire ce dossier découvrira que la société Africa forage qui devait réaliser les ouvrages, objet dudit litige, est propriété à 26,6% de la pieuvre Delta Synergie depuis 1998. C’est son président du conseil d’administration, Egide Boundono Simangoye, qui a révélé cette information aux auditeurs de la pieuvre, le cabinet d’avocat parisien Fénéon & Delabrièrres Associés. Conduire cette information va l’amener à convoquer les bénéficiaires de ce détournement dont la pieuvre, qui a privé Lastoursville de ses forages.
Ce changement brutal et subit à la tête du parquet du Gabon a également une signification politique. Lorsqu’un régime est en perte de vitesse comme celui d’Ali Bongo Ondimba, il n’a guère d’autres choix que de négocier sa reddition pour éviter un atterrissage brutal. Pour espérer convaincre sur sa sincérité dans de telles négociations, il sacrifie les figures les plus zélés de son règne. Sidonie Flore Ouwé devenait une épine sous le pied d’Ali Bongo Ondimba qui va tôt où tard engager avec son opposition des négociations pour sa survie. Il fallait l’écarter du tribunal où elle s’est employée à instruire exclusivement à charge toutes les affaires dans lesquelles les opposants sont cités. Son comparse David Ella Mintsa a connu le même sort avant elle. L’intervieweur complaisant d’Ali Bongo Ondimba a été viré de la première chaîne pour excès de militantisme au parti démocratique gabonais (PDG). Ce soutien zélé a fini de tourner au ridicule et à la caricature le régime d’Ali Bongo Ondimba dans l’opinion aussi bien au plan national qu’international. Il devenait intenable de le maintenir à son poste de directeur général de la Gabon Télévision. La même chose a été réservée à l’ancien directeur général du budget, Yves Fernand Manfoumbi. Le porte-parole autoproclamé des membres du bureau politique du PDG pour la province de la Ngounié. L’homme a été proprement éconduit de sa forteresse du budget. Après qu’il a, lui-même, initié et achevé le regroupement des directions générales du budget, du contrôle financier et des marchés publics. Il ne pouvait pas imaginer que cette forteresse puisse lui échapper pour échoir à son rival Fidèle Otandault. Ali Bongo Ondimba en guise de compensation lui offrira une voie de garage : la coordination des invisibles projets du plan stratégique Gabon émergent. Le « singe fou » de la Ngounié est actuellement réduit à faire des « ronds » faute d’occupation précise. Son militantisme zélé au PDG lui a été fatal au moment où l’on recherche des profils qui peuvent arrondir les angles.
Les extrémistes du régime savent désormais le sort qui leur sera réservé. Ali Bongo Ondimba n’hésitera pas à s’en débarrasser pour essayer de lisser son image, avant d’engager l’inévitable dialogue pour sa survie avec son opposition. A bon entendeur !
Arthur Page