TRIBUNE LIBRE : Lettre au Chef de L’Etat

Jonas Moulenda
Jonas Moulenda

Par : Jonas Moulenda

Monsieur le Président,

Ce n’est pas de l’acharnement si je vous écris pour la deuxième fois consécutive. Les derniers développements de l’actualité dans notre pays ne me laissent pas d’autres choix que de m’adresser de nouveau à vous. « Le jour où meurt l’éléphant, on ne parle que de l’éléphant », aimait à dire mon grand-père, grand chasseur de son époque.

Ne prenez donc pas cette nouvelle philippique comme une persécution. Dans votre planète émergence-là, vous êtes si paranoïaques que vous voyez le mal partout. Même quand on vous rend service. En réfléchissant à votre cas devenu chronique, j’en suis venu à conclure que c’est parce que vous traînez des casseroles que vous développez cette paranoïa. Mon aïeul disait : « La vache qui a une plaie au dos craint que le corbeau s’y pose. »

Votre directeur de cabinet, Maixent Accrombessi Nkani devenu, par une naturalisation hâtive, a été interpellé la semaine dernière à l’aéroport Roissy Charles de Gaulles, à Paris, et placé en garde à vue par la police française. Relâché dans la soirée, il fait désormais l’objet d’une information judiciaire. Vous devez maintenant prendre vos responsabilités pour éviter que ce nouveau scandale ne ternisse, une fois de plus, l’image de l’institution que vous incarnez. « C’est une seule graine d’arachide qui gâte toute une bouchée d’arachides », me prévenait mon papy.

Lorsque Philibert Andzembé et Jean-Pierre Oyiba ont eu des démêlés similaires avec la justice, vous vous êtes empressé de leur demander de démissionner des postes qu’ils occupaient. Alors, faites preuve de courage ! Dramatiquement, nul ne peut le faire pour vous. Virez votre collaborateur pour décourager d’autres velléités. Mon grand-père disait : « Si le singe ne voit pas la peau d’un singe avec toi, il n’aura pas peur de toi. »

On ne peut pas sacrifier l’image de la première institution du pays sur l’autel de vos amitiés personnelles. Ayez une certaine morale ! Maixent Accrombessi doit se mettre à la disposition de la justice. Il n’y a même pas débat là-dessus ! La morale et le bon sens voudraient que vous le démettiez de ses fonctions, s’il ne rend pas le tablier de lui-même. « Si le bouc ne se soumet pas à vous, il faut l’attacher à un arbre », me conseillait mon grand-père à la sagesse avérée.

La nomination de Maixent Accrombessi au poste de directeur de cabinet du président de la République que vous êtes posait déjà problème. Alors, c’est l’occasion de corriger cette grave erreur de casting. Il s’agit d’un poste éminemment politique et stratégique réservé aux cadres qui ont un état des services éloquent. Dans les pays sérieux, dirigés par des gens sérieux, on ne nomme pas des gens sans vécu dans les instances décisionnelles de l’Etat, nonobstant les menus services qu’ils peuvent rendre aux dirigeants. « Même si le joueur de tam-tam fait de bonnes funérailles, on ne peut pas lui donner l’héritage du défunt », disait mon aïeul.

Si Maixent Accrombessi était réellement votre bon ami, il n’aurait pas accepté ce poste. Il aurait pu vous servir autrement, d’autant que vous êtes un président-commerçant. Mon aïeul m’a appris que « tous les amis du roi ne sont pas assis à la cour ». Du temps de votre prédécesseur, aucun compatriote d’adoption n’a cherché les honneurs d’une fonction officielle pour cracher ensuite à qui voulait l’entendre qu’il contrôlait « le corps, le cœur et l’âme du président ». Dossou Aworet gérait le pétrole, mais il n’avait aucune fonction officielle. Mme Wilson IV a servi Omar Bongo, mais en toute discrétion, par respect pour la personne qui les avait nommés.

Le vieux conseiller Pigot, qui a servi les présidents Léon Mba et Omar Bongo Ondimba, n’a été révélé au public que lors du cinquantenaire de notre indépendance, en 2010. Il en est de même de l’avocat Bernard Stasi, conseiller juridique occulte. Aucun d’entre eux ne s’était autoproclamé gourou du président de la République.

Ce n’est pas de la xénophobie. Les Béninois n’avaient-ils pas combattu le marabout malien Mohamed Cissé, que le président Mathieu Kérékou avait nommé ministre d’Etat contre la volonté du peuple ? De jour comme de nuit, les maîtres de vaudou qui font la réputation de leur pays tiraient le tapis sur lequel marchait Cissé, pour qu’il tombe. Et ils l’ont eu. Il est retourné dans son pays dans un cercueil. Cela doit vous interpeller. « Si tu vois la barbe du voisin prendre feu, il faut tremper la tienne dans l’eau. »