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TRIBUNE LIBRE : Lettre aux citoyens gabonais

TRIBUNE LIBRE : Lettre aux citoyens gabonais
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Jonas-MOULENDA

Par : Jonas MOULENDA

Mes chers compatriotes,

Notre pays a célébré, lundi dernier, le 55e anniversaire de son accession à la souveraineté nationale. Par-delà l’aspect festif, c’était l’occasion indiquée pour chacun de nous de mesurer le chemin déjà parcouru. Ceux qui ont sacrifié à cet exercice ont pu se rendre compte que nous faisons du surplace à cause de nos péchés mignons. « Le palétuvier sauvage danse mal à cause de ses nombreuses tentacules », disait mon grand-père.

Certes, il y a eu des légères avancées, mais le Gabon n’a pas connu un développement significatif alors qu’il dispose de nombreux atouts économiques majeurs. L’argent destiné à son développement a toujours été détourné par une oligarchie dénuée de tout patriotisme. Ce n’est donc pas ce régime qui fera sortir notre pays de l’ornière. Mon aïeul disait : « Si le chien doit traverser la rivière, ce n’est pas le crocodile qui sera son guide. »

Dans son discours à la nation, le président de la République, Ali Bongo Ondimba, a annoncé la cession de sa part d’héritage à l’Etat gabonais. C’est une plaisanterie de mauvais goût ! Combien de fois ne nous a-t-il pas fait ces promesses de bijoutier ? Jusqu’à ce jour, il est le seul fils d’Omar Bongo Ondimba à n’avoir pas encore fourni un acte de naissance en bonne et due forme au notaire. Il ne peut donc pas promettre un héritage qui ne lui est pas encore acquis. « On ne fait pas l’enclos pour la vache qui est encore de l’autre côté de la rivière », disait mon papy, grand éleveur de son époque.

Ce n’était qu’un discours lénifiant, parce qu’il se sait au plus bas des sondages. En réalité, il voudrait reprendre la main pour prétendre briguer un second mandat en 2016. Ne vous laissez donc pas distraire. Vous êtes assez matures pour ne pas tomber dans son piège. Depuis qu’il fait des promesses mirobolantes, on ne voit rien de concret sur le terrain. Il a promis de transformer la résidence de son défunt père en une université. Où sont d’abord les universités de Port-Gentil, Oyem, Mouila et Booué qu’il avait promises ? On ne peut donc rien attendre de lui. C’est un matamore c’est-à-dire un faux brave, un homme qui se vante d’exploits imaginaires. Mon aïeul me faisait d’ailleurs remarquer qu’« on ne cherche pas les remèdes du doigt malades chez le lépreux. »

Son bilan est très négatif. Depuis son arrivée au pouvoir, le pays est tombé de Charybde en Scylla. Les crimes rituels ont flambé. Aucun secteur d’activité ne marche. Des milliers de citoyens ne profitent toujours pas de la croissance générée par la manne pétrolière. Celle-ci fait plutôt le bonheur d’une bande de profito-situationnistes aux appétits pécuniaires boulimiques. Le chemin à parcourir est encore très long pour améliorer les indicateurs sociaux. D’ailleurs, il n’en a cure. Il préfère faire des fêtes pendant que le peuple vivote. Je donne finalement raison à mon grand-père, qui disait : « Quand ton voisin souffre du point de côté, sa douleur ne t’empêche pas de trouver le sommeil. »

Au-delà de la crise économique, il se pose le problème du mal-être de la population gabonaise ces six dernières années. La gestion d’Ali Bongo Ondimba n’a pas amélioré le quotidien des Gabonais. Le pouvoir a, certes, investi des milliards dans les infrastructures, mais les bidonvilles où s’entassent des milliers de déshérités n’ont pas disparu dans les grands centres urbains. L’accès à l’eau potable, par exemple, y demeure un luxe. Notre président par défaut préfère dilapider les fonds publics pour des prunes. Ce qui attise les rancœurs chez la piétaille. « Pour la fourmi, la rosée est une inondation », me répétait mon aïeul.

Le taux de chômage va crescendo et le fossé entre pauvres et riches se creuse davantage. Le pays, qui affiche ces dernières années des taux de croissance appréciables avance mais la démocratie pour une République sociale reste une bataille à mener.  Un Gabonais sur cinq vit en dessous du seuil de pauvreté. Pendant ce temps, Ali Bongo Ondimba gaspille les fonds pour acheter des avions, des hélicoptères, des chars, des armes, etc. Il n’œuvre pas pour l’intérêt de la nation, mais il voudrait s’accrocher au pouvoir. Mon papy n’avait pas tort, lui qui disait: « Le margouillat ne mange pas du riz, mais il se sent bien dans la rizière. »

Mes chers compatriotes, nous ne voulons pas l’hypothétique héritage d’Ali Bongo Ondimba. Notre pays engrange des milliers de milliards de francs CFA chaque année. Nous n’avons donc pas besoin de son aumône intéressée. Cet héritage est notre argent que sa famille a volé pendant des décennies. C’est pourquoi il a décidé d’en remettre une partie à l’Etat gabonais. C’est plutôt à la justice de régler ce problème. « Le savon ne se lave pas lui-même », aimait à dire mon grand-père.

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