
Par : Désiré Ename
Héritage et Modernité, via son porte-parole, Alexandre Barro Chambrier, vient de réaffirmer la nécessité urgente pour les Gabonais de se retrouver et de discuter de leur pays, afin de le sortir de la mauvaise passe actuelle. Sa petite majesté Ali Bongo Ondimba peut-il durablement garder ses œillères pour ne pas voir le degré de dégradation du pays ? Le malade Gabon appelle tous les compatriotes à son chevet. Les secteurs vitaux passent progressivement de l’orange au rouge. La croissance qu’il ressasse comme une Arlésienne n’a pas eu d’effet sur le niveau de vie des populations. Le rapport sur l’état de la pauvreté au Gabon, consigné dans la Stratégie d’investissement humain, une étude commandée par la présidence de la République en 2014, confirme cette réalité.
Sa petite majesté a vu la vérité des statistiques. Il a fait mine de comprendre. Seulement, prisonnier des effets de communication qu’il est, il n’en a rien retenu. Pour lui, parler de pauvreté se résumait à se donner l’image du président attentif aux préoccupations de ses compatriotes. Rien de plus. La volonté de modifier la donne, quant à elle, est exclue de l’agenda. Il suffit de questionner le moment où ce rapport est présenté pour s’en convaincre. Il faut se souvenir que l’on sortait de la journée terrible du 20 décembre 2014, avec des troubles occasionnés par le pouvoir en place, qui empêchait l’opposition de tenir un meeting à Rio. Ce qui s’est soldé par la mort de Mboulou Beka, dont le corps se trouve toujours à la morgue de la Société gabonaise de sépulture (Gabosep). Pour étouffer cette affaire et déporter l’attention ailleurs, au moment où une certaine communauté internationale lui lançait des appels pour dialoguer avec son opposition, ses communicants, sans mesurer les enjeux, lui ont sorti ce rapport du casier. Pourquoi n’ont-ils pas attendu un moment plus serein ?
Le chef de l’exécutif ne peut pas poursuivre la politique de l’autruche devant la réalité sociale en décrépitude ; devant le système éducatif qui a encore dit son malaise à l’issue des examens du BEPC et du baccalauréat par le fort taux d’échec. Il ne peut continuer de clamer que le Gabon se porte bien, avec un système de santé où la mortalité infantile poursuit son escalade (sources : Stratégie d’investissement humain 2014). Le bluff des infrastructures dans ce secteur n’est ni plus ni moins qu’une autre opération de com. pour masquer les grèves intempestives qui sont la texture de ce secteur depuis bientôt deux ans. Le chômage galopant attend éventuellement sa solution de la Zone économique spéciale de Nkok, à quelques encablures de Libreville. Rappelons que le pouvoir peine, depuis plus de cinq ans, à terminer le tronçon de 14 kilomètres qui la sépare du PK10. Dans le même laps de temps, la Guinée Equatoriale, à côté, a construit des centaines de kilomètres en 2×3 voies. En somme, la pauvreté est endémique. L’économie est au rouge. La crise politique, voire de régime est manifeste. Et aujourd’hui, c’est son camp qui sonne le tocsin.
Si la première sortie d’Héritage et Modernité, le 27 juin dernier, était pour dire que le climat politique était au bord du précipice du fait de l’intolérance des « phalanges profito-situationnistes » qui engluent la conscience de sa petite majesté Ali Bongo Ondimba, cette nouvelle déclaration touche, aujourd’hui, le cœur du problème. A savoir que, vu la phase de la maladie de ce « ma-la-da-li-té » appelé Gabon, comme dirait Pierre-Claver Akendengue, il est plus qu’urgent que tous ses enfants se retrouvent à son chevet pour le soigner. Pas les uns. Pas seulement quelques autres. Mais Tous.
Voilà pourquoi nous affirmons que le Conseil national de la démocratie (CND), parce que trop restrictif, n’est pas un cadre approprié pour le niveau de dialogue qu’exige la situation politique, économique et sociale du Gabon. N’en déplaise à Marie Michaëlle Eden Jean. Parce que sa petite majesté doit faire partie du débat, vu qu’il fait incontestablement partie du problème. Mieux, il est le problème. Mal élu en 2009, tout est parti de là. D’où la crispation du climat politique. Cela ajouté au refus du dialogue, demandé pourtant par l’opposition depuis 2012, sur les mécanismes fondamentaux de la désignation des gouvernants du pays. De ce fait, comment envisager une dynamique de développement sans stabilité politique ? Cela est simplement impossible.
Bien entendu, sa petite majesté peut arguer que les problèmes relatifs au PDG peuvent statutairement être réglés par le congrès extraordinaire qu’il fait mijoter en ce moment. Soit ! Mais cela ne fera rien avancer au plan national. A moins de se croire en système de parti unique, comme au bon vieux temps. Voilà pourquoi, Héritage et Modernité évoque le dialogue inclusif. Estimant que le problème ne peut trouver de solution que dans une dynamique « transpartisane ». Et dans cette logique, le cadre du CND devient on ne peut plus étroit. Voire inconsistant. Ce d’autant plus que ce dialogue inclusif doit aboutir à la révision fondamentale des institutions. Or, le CND n’a pas vocation à réformer les institutions ni même à suggérer leurs réformes. Parce que lui même étant une institution, qui plus est consultative, elle ne peut franchir la limite des prérogatives qui le définissent. Autant de raisons qui militent en faveur d’un dialogue inclusif hors du Conseil national de la démocratie.
Article publié le 8 septembre 2015