

L’histoire de la ville de Port-Gentil se confond à celle du peuple Orungu d’une part, et à celle de l’exploitation pétrolière au Gabon, d’autre part.
Mandji désigne une espèce végétale appelée encore Iroko et dont le nom scientifique est Chlorophora excelsa. Selon la tradition orale, cette plante occupait entièrement la surface de l’île, et il y avait des espèces si grandes qu’on pouvait les apercevoir de très loin. C’est d’ailleurs cette végétation qui avait servi de repère aux Portugais. C’est le clan Avandji qui aurait découvert cette île au 14ème siècle, bien avant l’arrivée des Portugais.
Avant d’atteindre l’île Mandji, les Orungu vont cohabiter avec d’autres peuples dont les Mitshogo et les Pygmées. C’est d’ailleurs un Pygmée, du nom de Bendjé, qui les guida jusqu’à la mer. Cela explique sans doute le nom Eliwa-Bendjé.
Selon Ayaminè Anguilè, les Orungu s’appelèrent tour à tour Ombekè Mombè puis Dondo et enfin Orungu. Au moment de leur arrivée à Mandji, ils trouvèrent des traces de peuplement ancien. Mais, les études n’ont pas permis jusqu’à ce jour de dire qui étaient ces populations.
Au 15ème siècle, les Portugais Capo Lopo Gonçavels et Eduardo Lopez sont les premiers à arriver sur l’île Mandji. Située à l’embouchure du fleuve Ogooué, la ville de Port-Gentil est très tôt considérée comme une région de contact, un carrefour, une porte d’entrée par où transitaient les marchandises en provenance de l’intérieur du pays vers l’Europe, et une porte d’entrée des marchandises en provenance d’Europe. C’est désormais « Capo Lopo » ou Cap Lopez.
Les premiers Français sont des prêtres qui voulaient s’installer à Sangatanga; le roi Ikonda refusa. C’était en 1850 ou 1851.
Le 1er juin 1862, par l’entremise du roi Denis Rapontchombo, le roi orungu Ndébulia (1862-1865) signe avec la France, représentée par le Baron Didelot, le traité du Cap Lopez et du Nazaré, qui donne à la France le contrôle du territoire englobant la frange littorale allant
de l’Orembogange à la Pointe Liayé.
Plus tard, en 1873, Nyanguényona, le chef orungu de l’époque, cède l’île Mandji aux Français. Celle-ci abrite alors quelques villages Mandji, Ntchènguè, Kossou, Owangaliè, Alugubuna et Ikézè.
C’est en 1880 que les portugais s’installent pour créer le Poste du cap Lopez. Les portugais qui sont toujours à Sao Tomé se retirent définitivement. C’est la naissance officielle de la ville telle que connue aujourd’hui.
Hubert Deschamps indique qu’en 1886, le poste comportait 18 hangars, une douane et deux magasins. Il végéta pendant quelques années, face à la concurrence d’autres villes. Cependant, peu à peu des maisons de commerce anglaises, allemandes et françaises s’installèrent (John Holt, Hatton & Cookson, Woermann, Daumas…) ».
En 1911, les Français construisent le phare du Cap Lopez : un monument en fer riveté, qui, à l’âge de 104 ans, est sur le point de tomber.
En 1915, par arrêté administratif, le poste fut nommé Port-Gentil, en hommage à Emile Gentil, gouverneur général de l’Afrique équatoriale française (AEF).
En 1928, la mission catholique Saint Louis voit le jour. Un bel édifice qui va lancer le développement du 1er centre-ville du Cap Lopez.
Dès le milieu des années 1930, la vie politique s’active dans cette région marquée par son métissage culturel et son activité économique. Les blancs, les métis, les aofiens s’affrontent sur le plan commercial et les autochtones en subissent les conséquences. Ils sont même ignorés. Une forme de « discrimination » s’installe. Cela a le don de susciter l’ire des Orungu qui comprennent alors que leur alliance avec les Français était en leur défaveur.
Ces années sont surtout marquées par la volonté des autochtones de sortir de cette forme de marginalisation, une conséquence de la colonisation. Ils envoient leurs enfants dans les écoles et les encouragent à faire du commerce et à s’engager dans l’administration coloniale.

En 1940, plus de 150 enfants de Port-Gentil sont enlevés pour être envoyés à la guerre. D’autres s’y engagent volontairement.
Dans ces années, un homme s’illustre par ses actions et discours anticoloniaux : Paul-Marie Indjendjet Gondjout. Un Enenga du lac Zilé, installé dans la ville depuis 1932, écrivain-interprête et marié à Rosalie Matoukou. Gondjout est « la main noire », un homme politique influent mais « anarchiste », qui va commanditer de nombreuses attaques contre les intérêts français pour dénoncer les exactions exercées à l’encontre des populations locales.
Au cours de ces années également, Port-Gentil accueille aussi les familles Ghisir, Fang, Galoa, Nkomi et Punu. Elles fondent le Cercle Amical et Mutualiste des évolués. Gondjout fréquente cette organisation qui va se révéler parmi les plus importantes organisations politiques de la région à l’époque.
En 1946, la première élection pour le conseil représentatif voit Gondjout être élu aux côtés de Jeannne Valentine Piraube. En 1949, il est sénateur avec Port-Gentil comme fief.
A ses côtés, trois hommes majeurs : Benoit Iquaqua, chef supérieur des Orungu, banni par l’administration et défenseur imperturbable des causes des autochtones, Richard Attendet et Jean-François Otando.
Jean-Hilaire Aubame milite à l’Assemblée Nationale française pour réclamer que le Gabon ait droit à ses communes de moyen exercice ou de plein exercice. C’est ainsi que le 18 novembre 1955, Port-Gentil (POG) devient une commune de plein exercice après Libreville. Etienne Makaga devient le premier maire en attendant les communales de 1956. Cette année-là, c’est Jeanne Valentine Piraube, une forestière réputée proche de Jean Hilaire Aubame et membre de l’UDSG, qui est élue après une campagne de belle facture. Elle reste 7 ans et cède sa place à Pierre Claver Divungui qui va demeurer 17 ans, donnant à Port-Gentil (POG) son visage actuel. Il est le « Bâtisseur » de Port-Gentil(POG).
Port-Gentil est une métropole également marquée par l’activité pétrolière. Elle devient la capitale économique avec les sociétés telles que SPAEF (devenu ELF) et plus tard SOGARA. Des hommes tels que Roger Butin restent dans la mémoire pour leur contribution au rayonnement de la ville. En 1960, POG a des allures de capitale politique. Ce qui explique son choix, à cette époque, comme capitale du pays. Un rêve vite oublié.
Le pétrole attire du monde et la ville devient cosmopolite. Les collèges et écoles se multiplient : les écoles Saint-Louis et Roger Butin, le collège Raponda et le collège moderne voient le jour. De là, sortira l’essentiel de l’élite port-gentillaise : Joseph Ambourouet, Ayaminè Anghilè, Nnang Nguema,etc.
Port-Gentil devient aussi, grâce à ce melting pot, une terre d’arts et de sports. Les clubs, Shell FC, AS Sogara et Pétrosport FC vont dominer le football au plan national dans les années 1980, donnant ainsi au Gabon des joueurs de talents et de métier tels que : François Amégasse, feu Germain Mendome, Guy Roger Nzamba, Samuel Raouto, Phillippe Aguékizo, Etienne Ngoma Kassa, etc. POG a aussi sa salle de cinéma, l’Ogooué et ses centres culturels.
Mais, comment oublier le rôle politique de Port-Gentil qui, lors du retour au multipartisme en 1990, est devenu avec les communes d’Oyem (Nord) et de Mouila (Sud), l’un des bastions de l’opposition au Gabon. POG, a vu nombreux de ses fils être sacrifiés sur l’autel de l’oppression politique, lors des protestations politiques contre le pouvoir Bongo, et particulièrement au moment des violences postélectorales dénonçant les hold up électoraux à l’actif des régimes d’Omar et d’Ali Bongo Ondimba. Ces traits de ville frondeuse datent de l’époque de Gondjout et Attendet, qui donnèrent, en leur temps, du fil à retordre à l’administration coloniale. Les hommes qui incarnent la résistance post-retour au pluralisme politique sont notamment: Marc Sarturin Nnang Nguema, Jules Aristide Bourdes Ogouliguendé, Marie Augustine Houangni Ambourouet, Pierre Louis Agondjo Okawe, Marc Louis Ropivia, Joseph Rendjambe Issani et bien d’autres encore. Dès 1990, l’opposition gagne toutes les élections politiques dans cette partie du pays. Mais, c’est aussi le temps où la population de POG, riche de son métissage, boude le pouvoir Bongo-PDG en saccageant et brûlant les symboles renvoyant à cette dictature.
Le peuple de POG est un peuple résistant qui a toujours su se relever des exactions du pouvoir Bongo. Ce pouvoir a souvent réprimé dans le sang les mouvements de protestation. Très près de nous, en 2009, de nombreux Port-gentillais ont péri dans les émeutes postélectorales contestant le passage en force d’Ali Bongo à la tête du pays, à la suite du décès de son père présumé, Omar Bongo Ondimba.
Imony Kombile Giowou
Article publié le 6 septembre 2015
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