
Par : Stephen Jean Landry
En 1994, alors que Mba Abessole venait de remporter l’élection présidentielle, Radio-Liberté d’être pilonnée aux mortiers de la Garde présidentielle d’Omar Bongo, Siloé assailli militairement, le journal « Le Bûcheron » déménagé de Nombakélé, après descentes annoncées de la police, et la Résistance d’être enclenchée, la France sut pertinemment que la voie dans laquelle s’engageait le Gabon n’était pas celle souhaitée par Paris. Raison pour laquelle, De Villepin, alors…directeur de cabinet d’Alain Juppé, posa la question de confiance au leader bûcheron : quel était, selon le RNB, le mécanisme qui garantirait la sécurité, au Gabon, après le démantèlement de la Garde présidentielle ? Pour ne pas avoir donné de réponse claire à cette préoccupation française, la droite au pouvoir ne contesta pas, en 1993, la proclamation des résultats par Mboumbou Miyakou ; ce qui maintint Omar Bongo à la tête du pays, avec sa Garde présidentielle.
Après la révolution éclair d’octobre 2014 au Burkina-Faso, Isaac Zida remet le pouvoir à Michel Kafhando et accepte le poste de Premier ministre. Ancien patron du Régiment de la sécurité présidentielle (RSP), il entame alors, avec le président de la transition, une purge au sein du palais. Gilbert Diendéré, ancien patron du RSP, démis de ses fonctions, en est victime. Isaac Zida veut même aller plus loin et dissoudre carrément ce régiment d’élite de 1 200 soldats dédiés à la protection d’un seul homme. En fait du seul Blaise Compaoré. La crise ouverte entre le RSP et le chef du gouvernement burkinabé s’étend, en février 2015, à des milliers de Burkinabés qui descendent dans la rue pour exiger le démantèlement de la RSP. Par ailleurs, en avril 2015, le nouveau code électoral interdit aux anciens compagnons de Blaise Compaoré de se présenter aux élections. C’en est trop pour les partisans du président déchu, des éléments de la Garde présidentielle pénètrent dans la salle du Conseil des ministres, prennent Kafhando, le chef du gouvernement et 2 ministres en otages, le 16 septembre 2015. Ecarté un an avant, Gilbert Diendéré, à la tête des insurgés, prend la tête du pays. La transition, moins de trois semaines avant la tenue des scrutins, est neutralisée.
Alors qu’à l’époque de nos sociétés gentilices – basées sur des systèmes communautaires – l’élément essentiel était le fait qu’il n’y avait, pour ainsi dire, pas de pouvoir central, pas d’instance disposant du pouvoir, du monopole de la force, ou de l’édiction de la norme. Nos sociétés étaient horizontales. Elles étaient gentilices. La cellule familiale était alors la structure de base. Dans ces sociétés-là, pour de nombreux anthropologues, il n’y pas de droit en tant que normes édictées par un Etat, mais un mythe, des récits fondateurs qui racontent comment les premiers hommes sont arrivés sur terre. Ils ont pour fonction d’énoncer ce qu’il faut faire et ne pas faire, en somme, de fixer les interdits. Ceux qui les transgressaient étaient sanctionnés. Par exemple, chez les Fang, le Ngil, société rituelle secrète, judiciaire, était censé protéger la société contre sorciers et malfaiteurs. Hormis la confession des crimes ou des ruptures d’interdits, le rite Ngil était aussi un passage, pour tous les hommes sans distinction d’ascendance ancestrale, de l’état d’enfant à l’état adulte. Les hommes initiés au « Ngil » appelés à devenir les guerriers de la communauté, nantis de pouvoirs judiciaires, s’attachaient, en fait, à réguler la vie communautaire et avaient le pouvoir, notamment de désigner les responsables d’actions nuisibles à la société et de les éliminer. C’était un détachement communautaire qui faisait régner l’ordre dans la communauté. C’était donc aussi le reflet d’un pouvoir communautaire existant dans nos sociétés précédant l’apparition de l’Etat et antinomique de ce dernier dont les intérêts colonialistes et néo-colonialistes ne pouvaient que s’opposer à ceux des populations. Raison qui amena certainement les autorités coloniales françaises à l’interdire au début du siècle dernier.
Ce Ngil, qui apparaît comme l’embryon d’une force publique au service des intérêts supérieurs de la communauté, est alors progressivement remplacé, dans nos Etats qui se mettent en place sous les pressions coloniales et néocoloniales, par des forces publiques qui ne coïncideront plus directement avec les intérêts de la communauté toute entière, mais de plus en plus avec ceux des détenteurs des nouveaux pouvoirs économique, militaire et financier. Ce sont ces forces publiques qui vont former nos Etats, se plaçant au-dessus des populations et leur devenant de plus en plus étrangères. L’État se forme donc au détriment de nos sociétés gentilices ; il se crée une force spéciale, des détachements spéciaux d’hommes armés qui servent désormais les intérêts de ceux qui détiennent le pouvoir d’Etat.
C’est ce qui se passe au Gabon depuis que les Bongo sont là, mais qui, sans garde prétorienne, ce détachement spécial, ne seraient plus là. C’est ce qui vient d’arriver au Burkina-Faso. La RSP de Gilbert Diendéré est justement aussi ce détachement spécial de 1 200 hommes surarmés qui ont, depuis près de 30 ans, servi les intérêts de Brutus Compaoré et qui se considèrent au-dessus des Burkinabés. La preuve, ils n’hésitent pas à tirer sur eux.
Et ce n’est pas faute d’avoir engagé une réflexion sur la question de la restructuration du Régiment de la sécurité présidentielle, au mois d’avril dernier, au sein d’une commission dirigée par Gilbert Diendéré lui-même. D’ailleurs, les conclusions finales de ce rapport sur une redéfinition des missions du RSP, prenant en compte le contexte marqué par le péril islamiste sont plutôt d’une grande tempérance. Les voici résumées : « Au regard de tout ce qui précède et après avoir étudié les avantages et les inconvénients qui s’attachent à chacune des trois hypothèses, la commission a estimé que le maintien du Régiment comportait beaucoup plus d’avantages au plan militaire et politique que sa dissolution. Toutefois, ce maintien devrait s’accompagner de quelques modifications organiques et structurelles, afin de prendre en compte les nouvelles réalités sur le terrain.
Au nombre de ces modifications figure le changement de dénomination du régiment dont un projet de décret est annexé au présent. Les noms proposés sont :
- Groupement des Forces d’Intervention Rapide (GFIR)
- Groupement Spécial d’Intervention Rapide (GSIR);
- Groupement des Forces Spéciales Républicaines (GFSR) ;
D’autres réajustements techniques et administratifs, comme la définition d’un nouvel organigramme (annexe II), pourraient également être opérés au sein du Régiment. Cela aurait pour objectif de tenir compte des nouvelles missions qui viendraient à lui être confiées au regard de l’environnement géostratégique du pays.
La délocalisation totale du RSP prônée par certains n’est pas souhaitable de l’avis de la commission. En effet, en conservant la mission de protection du chef de l’Etat et des institutions comme proposé, la meilleure position c’est la proximité ; ce qui permettrait une dissuasion ou une intervention rapide le cas échéant. »
Et, malgré le fait que leur dissolution n’avait pas encore été décidée, les hommes de Gilbert Diendéré ont préféré opérer un coup de force. C’est peut-être dans la nature de ces détachements spéciaux d’hommes armés dédiés à la protection d’un homme. C’est pourquoi, les Compaoré, les Eyadema, les Bongo demeurent, 30, 50 ans au pouvoir. C’est pourquoi, ils se passent le témoin de père en fils. Les gardes prétoriennes sont des inventions de Paris. Savoir ce qu’on en fait pour demain mérite d’être clarifié dès aujourd’hui. Au Gabon, la GR, c’est la GP, malgré son air républicain. Elle fut là pour OBO, elle est là pour sa petite majesté. Ce qui vient de se dérouler au Burkina-Faso, le Gabon l’a vécu et c’est encore ce qui l’attend demain. Nous apprenons curieusement de « sources proches de la médiation… que la médiation de la CEDEAO a abouti au retour au pouvoir du président de la transition Michel Kafhando, et les putschistes ont obtenu une garantie de sécurité ». Quelle est cette garantie de sécurité que l’on peut donner à des fossoyeurs de la démocratie ?
Article publié le 24 septembre 2015