

Par : Jonas MOULENDA
Cher confrère,
J’ai choisi de m’adresser à vous en qualité de confrère, parce que cela me sied et me rapproche de vous. J’espère que vous comprendrez ma réaction, consécutive au dossier que vous avez publié, la semaine dernière, sur mon pays. Le faux procès que faites aux Gabonais ne peut que susciter mon indignation, même si je suis un partisan de la liberté d’expression. « La vipère te mord lorsque tu la piétines », me prévenait mon grand-père.
Mon jugement n’est pas une sentence, mais je constate que vos dossiers sur le Gabon et les autres pays d’Afrique subsaharienne sont souvent capillotractés et dégueulatoires. Cela quel que soit le manteau sous lequel vous vous présentez : griot servile d’un régime dictatorial, détracteurs stériles de l’opposition, journal corrodé par le kouign-amann du pouvoir, avocat d’un potentat en disgrâce. Votre mercantilisme vous conduit à une dégaine. Mon aïeul disait : « Le lécheur de cul ne récolte que des pets. »
Vos articles incriminés témoignent, au mieux, de votre méconnaissance des réalités évidentes du Gabon, et dans le pire des cas, de votre myopie intellectuelle causée par vos appétits pécuniaires boulimiques. Les Gabonais ne sont ni xénophobes ni racistes. Libreville, sa capitale administrative, fut fondée par des esclaves libérés venus d’autres horizons. Depuis lors, tous les expatriés y vivent en parfaite harmonie avec les autochtones. Cette coquecigrue vous a été inspirée par le régime en place. Je vous comprends dans une moindre mesure. « Les esclaves se battent pour le bois qu’ils ramènent à leur maître», disait mon papy.
Vous êtes loin d’être le journal idéal pour favoriser de tels dérapages. Votre longue expérience de la pratique du journalisme devait vous rendre exempt de ces insanités malodorantes et nauséabondes. Vous auriez pu nous faire l’économie de ces articles dignes d’une véritable bouillie pour les chats, fussent-ils inspirés par ceux qui vous donnent des friandises. Celles-ci ne feront pas que vous n’ayez plus le gousset vide. Mon grand-père me faisait d’ailleurs remarquer qu’« on ne gave pas un chameau en le nourrissant à la cuiller ».
Vous ne pouvez pas prêcher la fraternité et distiller des idées de nature à enflammer les passions et aiguiser la colère de ceux qui sont censés être les bénéficiaires de ces valeurs ataviques. C’est faire preuve de petitesse morale et de roublardise. Vous êtes un nain qui refuse de grandir. N’oubliez pas que l’histoire est têtue, cher confrère. Sa roue tourne sans arrêt. Parfois, elle peut vous broyer si vous vous mettez sur sa trajectoire. « Le buisson dans lequel tu cherches du bois de chauffage ne manque pas d’épines », me prévenait encore mon papy, grand sage de son époque.
Trouvez-vous normal que des postes de souveraineté soient occupés par des individus qui n’ont d’attaches ni avec la patrie ni avec les ancêtres et qui pillent continuellement les deniers publics ? Cela vous fait-il plaisir de voir le peuple gabonais croupir dans le sous-développement et la misère pendant que cette oligarchie se la coule douce ? Est-il normal que le président fasse la part belle aux métèques au détriment des nationaux ? Non, cher confrère ! C’est une iniquité frustrante. D’ailleurs, mon grand-père disait : « Qui nourrit les chiens des voisins mécontente les siens. »
Au Gabon, il suffit à un citoyen de réclamer sa part du gâteau donnée à un métèque pour qu’il soit taxé de xénophobie. Dans quel pays avez-vous vu la présidence de la République être dirigée rien que par des expatriés ? Le pire dans tout cela est qu’il s’agit de personnes incompétentes, qui tirent le pays par le bas. Ce qui les intéresse, c’est mettre le grappin sur l’argent du contribuable. Elles salivent à la vue du moindre billet de banque. Leur comportement ne m’étonne pas. Car mon aïeul m’expliquait que « quand la chèvre voit un mur, son flanc le démange ».
Cher confrère, laissez les Gabonais combattre les bancroches qui empêchent leur pays d’avancer. Je ne peux pas vous interdire d’aller biturer chez eux. Ce qui me gêne, c’est que lors de vos gueuletons avec ces satrapes fabriqués par des forces occultes et des multinationales, vous faites souvent la babouine tombante, tel un babouin dénutri, avant de changer d’humeur à la vue des espèces sonnantes et trébuchantes. Tout le monde connaît désormais vos modes d’intervention. Vous ne pourrez plus gruger les Gabonais. « C’est au village des aveugles que le lépreux vend les beignets », aimait à dire mon papy.
Article publié le 8 septembre 2015