TRIBUNE LIBRE : Lettre au Président de la République

Posté le 22 Sep 2015
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Jonas MOULENDA

Jonas MOULENDA

Par : Jonas MOULENDA

Monsieur le Président,

Au fur et à mesure que j’adresse des philippiques aux gouvernants, je me prends à espérer que ces efforts pour sensibiliser, informer et former pourront changer vraiment les mentalités un jour. Que chacun de nous se glisse dans ses propres rêves, les plus bizarres ou les plus répétitifs. Qu’il remonte ensuite à la surface et écoute ceux qui parlent, marchent, entendent, regardent et agissent. «Ne regarde pas où tu es tombé. Regarde plutôt où tu as trébuché», me conseillait mon grand-père.

Personnellement, je ne vous demanderai jamais d’aller jusqu’à toucher du doigt les blessures des Gabonais. Je sais d’avance que cela vous répugnera et que vous avez d’autres chats à fouetter. Je ne m’appuierai pas non plus sur votre sainteté pour vous demander la guérison des maux dont souffre le peuple gabonais dont je fais partie. Je préfère donc éviter de m’en remettre à la pureté de votre âme pour espérer trouver les solutions idoines aux problèmes qui turlupinent mes semblables. Mon aïeul me faisait remarquer qu’«on ne cherche pas les remèdes du doigt malade chez le lépreux ».

Si vous pouviez toutefois vous contenter de comprendre que le Gabon n’est ni votre titre foncier ni votre héritage familial, des mondes nouveaux s’ouvriront alors à notre écoute, douloureux ou enchantés, ni normaux ni handicapés, éclosions de surprises, des mondes en train de devenir polyphonie, résonances différentes, et cependant compatibles, des mondes enfin rendus à leur pluralité. Ne me dites pas que je rêve. D’ailleurs, vous m’avez toujours empêché de rêver. C’est la raison pour laquelle je vous empêcherai toujours de dormir. « Tant que le chat ne dort pas, la souris n’aura pas d’endroit où se coucher», disait mon papy.

La formation de votre fameux gouvernement m’a donné l’occasion de me rendre compte que votre système de gouvernance n’est qu’une longue marche à reculons. Vous ne deviendrez point un grand président aussi longtemps que vous vous jucherez sur des échasses. Comme sous le parti unique, vous avez ramené le système de vice-Premiers ministres et de ministres d’État, entraînant ainsi la déplétion des pouvoirs du Premier ministre, chef du gouvernement. Cette démarche procède de votre volonté de concentrer tous les pouvoirs sur vous. C’est votre nombrilisme qui causera votre chute. « Qui mange seul s’étrangle seul », me prévenait mon papy.

Vous avez renvoyé à la face du monde l’image d’un petit dirigeant. Comment avez-vous fait publier l’entretien avec l’opposant Jean de Dieu Moukagni Iwangou, qui aurait pu rester secret ? Votre prédécesseur de père, Omar Bongo Ondimba, recevait souvent ses adversaires en tapinois. Combien de fois l’avez-vous vu divulguer ces entrevues, même au plus fort de grandes joutes électorales ? Combien de fois avez-vous vu votre devancier dénigrer ses challengers ? Vous avez montré la petitesse de votre esprit masquée par vos fonctions. Finalement, mon grand-père avait raison, lui qui disait : «Les plumes cachent la maigreur de la poule.»

Votre politique consiste à imposer des avanies à vos concitoyens, avant de les promouvoir, pour qu’ils vous soient soumis. Après avoir humilié Flavien Nzengui Nzoundou et Léon Nzouba, vous les avez ramenés au gouvernement. La nouvelle victime que vous avez trouvée est Serge Maurice Mabiala, parce qu’il fait partie de vos contradicteurs. Vous vous êtes subitement souvenu qu’il avait « détourné » des fonds publics lorsqu’il était encore à la direction générale des impôts. Entre-temps, vous l’aviez promu à votre cabinet, puis au gouvernement. Vous êtes vraiment pitoyable ! Ce sont là les signes d’un dirigeant en fin de règne. «L’homme qui se noie s’accroche à tout, même à un serpent», m’expliquait mon grand-père.

Serge Maurice Mabiala est ce pauvre chêne que vous voulez abattre pour le bûcher d’Hercule. En réalité, vous préparez l’opinion à l’arrestation prochaine des opposants. Vous avez commencé par un homme de votre parti politique pour que le peuple ne crie pas à l’injustice. Vous visez plutôt les opposants qui vous rendent insomniaque aujourd’hui. Pour les blackbouler, vous vous servez de la justice pour leur régler des comptes. Vos manœuvres déloyales aux desseins inavoués contribuent davantage à vous discréditer. Un président de la République ne s’abaisse pas à pourchasser des citoyens qui ne sont pas dans la même arène que lui. Mon aïeul me prévenait que «celui qui poursuit le poussin finit par tomber ».

Si vous voulez lutter contre les détournements des fonds publics, commencez par incarcérer les membres de votre famille qui sont reconnus comme des voleurs aux cols blancs. Quand vous aurez terminé de les faire poursuivre, pensez à vous livrer vous aussi à la justice, en même temps que votre alter ego, Maixent Acrombessi, avec qui vous pillez le pays. Vous ne pouvez pas traiter les autres de voleurs, alors que vous faites pire qu’eux. Pourquoi votre ami personnel est-il poursuivi par la justice française, s’il est un agneau sans taches ? Pourquoi êtes-vous venu vous apitoyer sur son sort à Paris auprès du président François Hollande ? Vous êtes mal placé pour ouvrir ce dossier des détournements de fonds. Tous ceux que vous accusez aujourd’hui finiront par vous éclabousser. «Deux animaux à écailles savent où se mordre», disait mon grand-père, grand sage de son époque.

Article publié le 22 septembre 2015

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