EDITORIAL :la Nation avant le parti

Désiré Ename
                      Désiré Ename

Par : Désiré Ename

Nous avons été inspirés par deux personnes cette semaine. Un jeune Gabonais résidant en France, X.N.S., et un internaute dont le nom ou le pseudo est Sergy Moure. Le premier, attirant en même temps notre attention sur la déclaration de politique générale du Premier ministre reconduit à la tête du gouvernement, a posé la question pertinente ci-après : « Quel sera le sens du vote de H&M, la confiance ou la défiance ? » Le jeune homme a motivé sa question par l’intervention musclée d’une de ces figures de proue à l’Assemblée nationale, dans laquelle il démontrait techniquement les ratés des six années du plan économique en vogue. Dès lors, il estime que Héritage et Modernité va jouer sa crédibilité selon le sens de son vote.

L’autre, Sergy Moure, dit ce qu’il suit dans un post sur Facebook : « Une bonne fois pour toute qu’ils (les députés) sachent où s’arrêtent les pouvoirs d’un parti et où prennent effet ceux de la nation. Un individu est le représentant d’un parti jusqu’au moment de l’élection. A partir de l’instant où les résultats sont connus et validés, il se met entièrement au service exclusif du peuple qui l’a élu et n’en réfère qu’à lui. » Il ajoute : «… Respectons le vote des citoyens sinon écrivons clairement dans nos textes que l’élection d’un élu du peuple se fait exclusivement sur présentation de la carte d’adhésion d’un parti et non de pièces nationales d’identité. »

Il est clair qu’il est fait appel ici aux députés qui doivent intégrer qu’il y a une ligne de démarcation entre le parti et la nation dont l’identifiant est le peuple qu’ils représentent. C’est en cela que les députés regroupés au sein de H&M, qui ont décidé de jouer la partition nationaliste, ont fort à faire dans quelques jours. Au-delà de leurs discours, des constats graves ont été faits et portés à leur connaissance. Il en est ainsi de la déclaration du premier questeur de l’Assemblée nationale, qui a dit ne pas avoir vu un seul budget depuis 2013. A côté de cela, les mêmes constats effarants ont été relevés sur les agences qui continuent d’avoir pignon sur rue et d’agir en doublon du gouvernement. Tout dernièrement, lors de sa sortie, Jean François Ntoutoume Emane a dénoncé la cacophonie ambiante où les règles de la finance publique sont mises en pièces au profit de bricolages financiers. Il mettait en exergue le cas du directeur général du Budget qui est à la fois ordonnateur des crédits et son propre contrôleur. Où a-t-on vu ça ?

A ce jour, aucun député n’a mis le doigt sur ces dysfonctionnements, comme d’autres par le passé. C’est dans cet hémicycle que Magloire Ngambia, alors ministre des Infrastructures, avait déclaré que plus de 150 milliards de FCFA avaient été gaspillés dans des études fictives. Ce ne sont là que des cas, peut-être pas isolés, mais qui se fondent dans une multitude d’autres que les parlementaires ont clairement identifiés. Et ont en leur possession. A la pratique, la forme même du nouveau gouvernement ne répond pas à une volonté de reconnaître l’évidence de la période économique cruciale dans laquelle se trouve le Gabon. Ali Bongo Ondimba et son Premier ministre ont répondu aux besoins de leur enracinement politique et non pas au besoin d’assainissement économique qu’impose la conjoncture morose actuelle. Encore moins à celui de réduire la fracture sociale. La nécessité a été de mettre en place un dispositif pour les élections de 2016. Et non de se demander comment, après 55 ans d’indépendance, il n’a pas été possible de donner une solution définitive aux besoins primaires des Gabonais : le travail, les voies de communication, le logement, l’alimentation, la santé et l’éducation. A partir de là, on ne sait pas quelle innovation et quelle dynamique pourra impulser le Premier ministre. Tout au plus, il lira un discours creux, pompeux et vaseux.

Il est donc clair que, d’ores et déjà, on ne peut pas s’attendre à ce qu’il développe « une stratégie de croissance et un nouveau modèle social destiné à réduire notablement les inégalités par la lutte contre le chômage de masse, la pauvreté et l’exclusion dans lesquelles notre pays est encalminé». C’est ce que déclarait Alexandre Barro Chambrier de H&M.

Au-delà de ces points, il y a des aspects politiques fondamentaux où la liberté d’expression est sévèrement punie par l’usage du fouet judiciaire. Le cas Serge Maurice Mabiala de H&M est là pour le montrer. La justice est, pour le pouvoir en place, un instrument de règlement de comptes. Quant aux forces de sécurité, elles sont entraînées pour réprimer les citoyens alors que, parallèlement, l’insécurité est galopante. Tout dernièrement, une gamine a été dépecée en plein jour dans une maison à Nkembo. Une jeune femme a été décapitée à la cité Pompidou. Sa tête a été retrouvée à la décharge publique de Mindoube. Un citoyen peut ainsi traverser la ville avec dans un sachet la tête d’un autre être humain et passer allègrement des contrôles policiers, pourtant multiples et intempestifs.

Sur un tout autre volet, la reprise des cours ne se fait pas toujours sereinement au point que le président de la République et son épouse sont en train d’encourager, au vu et au su de tous, un système éducatif inégalitaire. Au lycée Ruban Vert, on accorde une exonération d’impôts du fait du coût de l’investissement, soit 21 milliards de FCFA. Quant à d’autres établissements, toutes formes de pression fiscale sont exercées.

Eu égard à ce tableau, comment les députés, élus du peuple, vont-ils accorder leur confiance à un gouvernement pléthorique, voué d’avance à faire du surplace ? C’est à ce niveau que va se jouer la crédibilité de H&M. Sur ce, il appartient aussi à chaque député de comprendre qu’il n’a pas d’autre choix que de s’embarquer avec H&M. C’est soit s’arrimer à l’élan patriotique, soit mourir. Il n’y a pas d’autre choix. C’est la Nation qui vous portera et non plus le parti.

Article publié le 20 octobre 2015

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