Les avocats d’Ali Bongo Ondimba demandent à la France de rendre le jugement sur son faux acte de naissance

Ali Bongo
C’est tout anxieux qu’Ali Bongo attend d’être fixé sur son sort

Envoyé spécial à Nantes :Ramses Frank

Après plusieurs renvois, la plainte d’Onaida Maisha Bongo Ondimba contre Ali Bongo Ondimba a finalement prospéré. L’audience a eu lieu au tribunal de première instance de Nantes, jeudi 22 octobre dernier, à 14 heures.

Dans la pièce, étaient présents, outre le juge de séance, l’avocat d’Onaida, Eric Moutet, l’avocat de la défense, Me Dumont Benghi, mais aussi Me Relongoué, flanquée de son avocat, Me Patrice Moundoubou, avocat au barreau. La vindicative et suffisante Dumont-Benghi contestera sa présence dans la salle (voir boîte), tout comme elle s’organisera pour exclure du jeu l’avocat gabonais Me Gisèle Eyue, qui avait fait le déplacement de Nantes et que l’égo surdimensionné de Dumont-Benghi empêchera de se présenter à ce procès. L’on apprendra, par la suite, que cette dernière s’est déconstituée via une lettre adressée à son client dès ce jeudi-là. Tout cela a annoncé une ambiance exceptionnelle. Et ça n’a pas loupé.

Dumont-Benghi dévie l’axe du droit

La ligne de défense de l’avocat d’ABO a consisté à rendre le parquet de Nantes incompétent. Dans un premier temps, Me Dumont Benghi a cherché à dévier l’axe de cette affaire, en voulant amener le tribunal à opérer un choix distinct entre le litige successoral et la « spécificité » de la juridiction. Une ligne habile qui laissait déjà entrevoir le point de chute de cet avocat. A savoir démontrer l’incompétence de la juridiction, qui ne saurait juger ni la succession ni la filiation ; voulant ainsi s’écarter de l’objet de la plainte d’Onaida, qui se limite à l’accès à l’acte de naissance. Car pour elle, au regard de la loi, Onaida n’est pas fondée à demander au juge de l’état civil l’acte de naissance de son client. Sauf que Me Dumont Benghi quittera les sentiers du droit pour porter le débat sur le champ politique. Pour elle, Onaida « est instrumentalisée par sa mère ». Qu’elle s’est fiée à des « torchons gabonais », au « torchon de Péan » et à des « torchons sur internet » pour asseoir sa plainte. Pour elle, Onaida « faisant feu de tout bois, n’avait aucun intérêt légitime à demander l’acte de naissance avec filiation de son client ». Par ailleurs, « les actes de notoriété ne pouvant être établis qu’après la production de toutes les pièces», elle a déclaré avoir cet acte de naissance et qu’il se trouve avec le notaire Me Brahim qu’elle « a fait désigner ». Ce qu’elle a réitéré sur Radio France International samedi dernier.

Pourquoi, pourquoi et pourquoi ?

La déclaration de Me Dumont-Benghi suscite de fait une interrogation : en faisant désigner Me Brahim, l’a-t-elle fait avec le consentement de tous les héritiers ? Tout comme elle soulève d’autres questions de fond, au regard des démarches entreprises par Me Eric Moutet. Démarches antérieures qui ont conduit à cette audience de référé. Si Me Dumont-Benghi confirme que l’acte de naissance est entre les mains du notaire, pourquoi cette dernière ne l’a pas produit quand Me Moutet l’a saisi ? Pourquoi à toutes les demandes adressées, dont la plus récente, le 8 octobre dernier, aucune n’a eu de suite ? Et pourquoi, à cette audience, après cette déclaration, Me Dumont Benghi n’a pas simplement sorti cet acte de naissance, pour convaincre le parquet qu’Onaida était effectivement « victime de son environnement », le présenter à son avocat, quitte à rechigner à ne pas lui donner physiquement le document. Et cela à l’appréciation du juge de l’état civil qui, lui, devra rendre son jugement en se fondant sur la plainte ? Car ce qu’Onaida veut, c’est cet acte et sortir sereinement de l’indivision de la succession d’OBO.

Plus cocasse sera l’intervention de l’avocat de Relongoué, Me Patrice Moundoubou. Rappelons que Me Relongoué, notaire de la succession déchue, a été appelé à comparaître par Me Eric Moutet, vu ses affirmations dans l’acte de notoriété, à savoir que le légataire universel Ali Bongo Ondimba pouvait présenter ses documents ultérieurement. Et en définitive par la réplique de Me Moundoubou à Dumont Benghi qui contestait la présence de sa clientedans le box des témoins, lui disant que  « Maitre Brahim (qu’elle a fait désigner sans le consentement de tous les héritiers NDLR) n’a pas dressé d’acte de notoriété mais Maitre Relongoué. Elle sait qui a fait quoi et qui a présenté quoi».

Alors que dans la salle on s’attend à ce qu’enfin éclate la vérité, Me Moundoubou botte en touche et rejoint Me Dumont Benghi, d’abord, pour attaquer la légitimité d’Onaida à demander l’accès à cette pièce d’état civil ; ensuite, pour rappeler au président de séance que « nous sommes devant les tribunaux contre un président de la République ». Il demandera sa disculpation. Non sans rappeler que le même président de la République est devant les tribunaux gabonais contre sa cliente et lui réclame 10 millions d’euros. Mais que leur attitude ne consiste qu’à « apporter leur part de vérité ».

Que savait Relongoué ?

Dans la poursuite de son témoignage, qui se muera en plaidoirie, l’avocat de Relongoué va alors étonner l’assistance : « Nous sommes venus sans l’acte de naissance. » Puis patatras ! Le procès va prendre une tournure politique. Me Dumont Benghi aura préalablement donné le ton, en disant en substance qu’Onaida, « instrumentalisée » par un environnement qui a d’autres desseins, est en train de troubler la quiétude du chef de l’Etat gabonais. Me Moundoubou renchérira, et ira plus loin. Evoquant, pêle-mêle, le cas ivoirien, le cas de Koffi Yamegnane au Togo, ajoutant même le massacre rwandais, comme s’il avait été causé par le fait d’un acte de naissance. Pour dire ensuite que, s’agissant de tous ces cas, l’opinion «a accusé la France. On veut que vous siffliez le début du match ». Entendez, que la France siffle le début des massacres au Gabon. Qui d’Onaida ou de la défense ferait-il feu de tout bois, comme l’a si bien avancé Me Dumont-Benghi ? Par la suite, Me Moundoubou reviendra sur la légitimité de la plaignante à formuler sa demande. La liant sans cesse au fait politique. Reconnaissant de fait la légitimité d’Ali Bongo Ondimba sur le patrimoine et que ce qui lui revient c’est « d’assurer les frais des droits réservataires ». Puis, il demandera au président de séance « d’empêcher d’ouvrir la boîte de Nantes ». L’on a tout compris. Mais on le cernera encore mieux lorsque le procureur de la République viendra dire que « la demande est juridiquement recevable, mais qu’elle est mal fondée »,et que, ce faisant, la bonne juridiction est le Gabon. Car, dira-t-il, « le parquet de Nantes n’est pas le juge de la filiation, mais le juge de l’état civil ». Il poussera plus loin en parlant « d’éléments de contexte » liés au développement de Me Patrice Moundoubou, et qui montrerait « l’Etat d’esprit d’Onaida ». « Faux », dira Me Moutet, « nous ne demandons pas de trancher sur la filiation, mais sur l’accès à l’acte de naissance ». Et c’est à ce niveau que tout devient intéressant.

Le secret du Prince

Car, au mois de février, le procureur, qui ne se déclare pas incompétent, demande à la plaignante de se référer au notaire, seul habilité à obtenir l’acte de naissance complet. Le procureur reconnaîtra que « la demande est juridiquement recevable » et qu’en mars il s’était « opposé » parce qu’« il ne voyait pas l’intérêt légitime de cette demande ». Or, il se trouve que c’est ce même procureur qui ouvrira à Onaida le chemin de Nantes. C’est pour cette raison que son argument de la plainte « mal fondée » participe d’un autre « élément de contexte » qui est la personnalité qui fait l’objet de la plainte. Aussi, Me Eric Moutet, avocat d’Onaida, s’est-il demandé « en quoi le décret 02/62 autorise-t-il une exclusivité » ? L’article 9 du décret n°02/1962 prévoit que les héritiers peuvent solliciter un acte complet. Et sur cette base, à juste titre, il posera une autre question de taille : « Comment le tribunal de Libreville peut-il prendre une décision qui s’impose au chef d’état civil de Nantes ? » Là est toute la question.

A l’audience, Dumont-Benghi et son soutien de circonstance, Me Patrice Moundoubou, avocat de Relongoué, resteront curieusement bouche cousue lorsque Me Eric Moutet souligne « l’impossibilité physiologique absolue» d’Omar Bongo et Joséphine Kama de donner naissance à deux enfants en l’espace de quatre mois et quatre jours. Sur l’incohérence des dates de naissance d’Annick Ngozi Okwonko (4/06/59) et Ali Bongo Ondimba (9/02/59), qu’il souligne avec insistance, aucun des adversaires n’a osé répliquer, ni même le procureur. D’où la conclusion de Me Eric Moutet, avocat d’Onaida :« Si on nous alignait autant d’efforts et d’avocats pour nous refuser l’accès à un simple acte d’état civil, c’est bien qu’il y a derrière tout cela un important secret, le secret du Prince... »

Article publié le 27 octobre 2015

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