

Par: Jonas MOULENDA
Mesdames et Messieurs,
J’ai pu constater, ces derniers temps, que l’idée que vous vous faisiez d’Ali Bongo Ondimba avait beaucoup évolué en fonction des actes qu’il pose depuis son arrivée au pouvoir par la force en 2009. Maintenant que vous êtes suffisamment édifiés sur sa personnalité, il vous appartient de vous désolidariser de lui, comme vient de le faire l’ancien Premier ministre Jean-François Ntoutoume Emane. C’est vous qui avez fabriqué ce monstre. C’est à vous de le neutraliser pour limiter les dégâts. « La clé qui ouvre la porte est la même qui ferme la porte », disait mon grand-père.
La participation d’Ali Bongo Ondimba dans le pillage de notre pays, son hypocrisie dans la lutte contre les crimes rituels et son recours à un cénacle composé des métèques restent des points de friction dans la société gabonaise. Si vous êtes des patriotes, choisissez le camp du peuple et non celui de l’oppresseur. Vous êtes appelés au secours de votre pays pris en otage par une bande de profito-situationnistes. Certes, le peuple seul peut venir à bout de cette nomenklatura, mais il faut une synergie à l’intérieur de laquelle vous jouerez un rôle déterminant. Mon aïeul me faisait remarquer que « c’est ensemble que les singes ramassent les fruits ».
Avec Ali Bongo Ondimba, le Gabon est tombé de Charybde en Scylla. Il vous faut un sursaut patriotique pour relever notre pays. Ne restez pas accrochés à vos privilèges sous le fallacieux prétexte d’une fidélité à un homme qui vous méprise, alors que c’est vous qui l’avez fabriqué. Vos acquis, vous les devez à la nation et non à lui. L’argent dont vous disposez n’a pas été puisé dans les caisses de sa famille. D’ailleurs, celle-ci n’était pas riche avant d’arriver aux affaires. Ne soyez donc pas bourrelés des remords. Quittez sa barque au creux de la vague pour ne pas couler avec lui. C’est vraiment le moment où jamais. Les choix les plus importants doivent se faire avant le temps où l’expérience éclaire le jugement. « C’est lorsque l’eau est encore au niveau de la cheville qu’on doit quitter la rivière qui entre en crue », me prévenait mon papy.
En 2009, Ali Bongo Ondimba s’était présenté à la candidature au sein du PDG parce qu’il a toujours estimé que ce parti est la propriété exclusive de sa famille. Abandonnez-le seul dans son navire qui prend l’eau. Vous lui avez maintes fois indiqué la direction à prendre pour arriver à bon port, mais il ne vous a pas écoutés. Laissez-le couler avec ses inconditionnels. Ouvrez une nouvelle page de l’histoire de notre pays. Remplaçons cet adolescent politique par un vrai homme d’Etat, qui nous fera vite oublier son mauvais souvenir. « Les traces de l’éléphant effacent celle de l’antilope. »
Avec de faux-semblants, comme à son habitude, Ali Bongo Ondimba a toujours réitéré sa volonté de combattre fermement les maux qui minent la société gabonaise. Mais au fil du temps, il a plutôt contribué à les aggraver, s’érigeant en protecteur des bourreaux sanguinaires tant décriés par le peuple. On ne peut pas continuer à garder un tel individu à la tête de notre pays. Il est devenu un danger et une réelle menace pour la paix sociale. Réveillez-vous et ouvrez les yeux ! L’heure est grave. Ne lui donnez plus une quelconque assise. « L’oiseau qui aime manger les petits de ses voisins ne fait pas son nid auprès d’eux », disait mon papy.
On doit le considérer comme un féroce tortionnaire, tant il rechigne à rendre justice à toutes les familles de ces actes effroyables. Formation de groupes de trafiquants d’organes humains, crimes contre ses concitoyens, banalisation des crimes. Tout cela s’est inscrit dans un contexte d’impunité qui ne peut prétendre à une absolution sous son règne. De plus, les six années du règne d’Ali Bongo Ondimba nous ont rappelé qu’il pouvait être président de la République tout en tuant et torturant ses concitoyens. C’est un facteur d’inquiétude. «Celui qui égorge la poule fait peur au canard», me faisait observer mon papy.
Les investigations menées sur l’ensemble du territoire national établissent une corrélation entre les réseaux criminels et la présidence de la République. En tant que président de la République, Ali Bongo Ondimba a le devoir de garantir la sécurité de ses compatriotes. Mais tel n’est pas le cas. C’est ce qui fait qu’il soit désormais l’homme le plus détesté et méprisé par les Gabonais. Il est l’auteur de sa propre déchéance. Il ne doit s’en prendre qu’à lui-même. Malheureusement, il cherche des boucs émissaires. Je le comprends dans une moindre mesure. «Lorsque la tortue est dépassée par la marche, elle accuse la route de marcher», m’apprenait mon grand-père.
Vous avez longtemps péché par votre laisser-aller et votre caution des visées monarchiques. Les Gabonais sont terrorisés à chaque fait divers, priant que ce ne soit pas un des leurs qui a été zigouillé, mais vous ne faites rien pour mettre fin à l’hégémonie du cénacle qui en est à l’origine. Vous êtes donc en partie responsables de cette situation. C’est vous qui avez jeté votre dévolu sur un homme insaisissable. Pourtant, vous l’avez vu grandir et connaissez bien son idiosyncrasie. « La panthère que tu aides à traverser la rivière à l’aide de ton radeau finit par te dévorer », m’avertissait mon aïeul.
Chaque semaine, les réseaux criminels protégés par la présidence de la République défraient la chronique et alimentent les ressentiments des citoyens à l’égard des gouvernants. Sans ressentir la moindre pitié, ils décapitent à vif de paisibles citoyens. N’en avez-vous pas marre ? Vous avez la grande responsabilité de neutraliser les petits monstres que vous avez fabriqués à cause de votre égoïsme. Ali Bongo Ondimba vous malmène parce que vous lui avez donné l’occasion de croire qu’il est supérieur à vous. « Si tu appelles ton fils commandant, il reviendra plus tard te demander l’impôt », disait mon grand-père.
Quelle mouche vous avait piqués pour investir Ali Bongo candidat à l’élection présidentielle de 2009 ? Au nom de quelle fidélité des pères de famille comme vous aviez plié l’échine devant un gosse qui pourtant n’avait fait aucune preuve de ses qualités d’homme d’Etat ? Au nom de quelle préservation des acquis vous avez cautionné la violation de l’article 10 de la Constitution, qui ne permet pas à un enfant adopté de briguer la magistrature suprême ? C’est une erreur gravissime que vous avez commise ! Reconnaissez-le. Vous auriez dû porter votre choix sur l’un des dignes fils du pays qui se bousculaient au portillon. « On ne tresse pas une corde en présence d’une liane », m’expliquait mon papy, grand tisserand de son époque.
Aujourd’hui, c’est tout un pays qui paie un lourd tribut pour votre bêtise. Vous avez donc intérêt à corriger au plus vite cette erreur de casting. C’est la condition sine qua non pour que le peuple gabonais vous pardonne. Ali Bongo Ondimba est doté d’un esprit fielleux. Si vous n’y prenez garde, il peut ab irato sacrifier la paix sociale de tout un pays sur l’autel de ses appétits politiques boulimiques. Il faut donc le stopper dans ses élans. Démissionnez en masse du parti qu’il considère comme un héritage familial. Montrez-lui que vous n’êtes pas d’accord avec lui dans ses bêtises et ses vilenies qui n’honorent pas notre pays. Renvoyez-lui une réponse à son mépris. Mon grand-père disait : « Si quelqu’un t’a mordu, il t’a rappelé que tu as des dents. »
Malgré nos efforts pour soigner notre bonne image, pour développer de bonnes relations entre chaque citoyen, tout est remis en cause par les comportements déviants de nos gouvernants. Celui qui préside aux destinées de notre pays doit être exemplaire, irréprochable et en capacité de respecter nos us et coutumes qui interdisent les crimes et le vol. Il doit être l’ambassadeur de la culture gabonaise. Puisqu’il s’est foutu de vous, piliers politiques, il est urgent de lui rappeler qu’il a eu tort de se moquer de vous, alors qu’il a encore besoin de votre soutien. « On ne dit pas au caïman qu’il a une sale gueule avant d’avoir traversé la rivière », me conseillait mon aïeul.
Article publié le 06 octobre 2015