
Par: Désire Ename
Il sera impossible d’aborder l’affaire autrement qu’en s’employant à constater les dégâts. La maison PDG s’effondre. C’est progressivement que les failles se sont dessinées, puis élargies. En six ans, ce ne sont pas des cadres de moindre envergure qui ont préféré quitter la maison que certains esprits, à bout d’arguments, estiment leur avoir tout donné. Mais ceux-là n’ont clairement rien compris au devoir qu’a tout individu de se prononcer lorsque sa liberté est en danger ; lorsque les valeurs ayant servi de socle aux ententes se sont fragilisées ; mais surtout lorsque le minimum exigible dans les rapports humains, à savoir le respect et la loyauté, n’y a plus cours.
Quoiqu’en disent les contempteurs, c’est d’abord en toute liberté que ces hiérarques qui ont été poussés à la porte, sans ménagement, de diverses manières, se sont engagés. Et que c’est par loyauté que, des années durant, ils ont joué le jeu au sein de cet appareil politique. Loyauté à des convictions qu’ils ont estimées justes. Loyauté à un homme : Omar Bongo Ondimba, avec qui, bon an mal an, ils ont donné au Gabon une destination. L’œuvre humaine aura toujours l’avantage d’être confrontée à la critique, même la plus acerbe, car c’est à elle qu’elle devra toujours sa perfection. Enfin, loyauté à un système. Bon nombre d’entre nous n’étions plus d’accord avec ce système, c’est ce qui explique et justifie le tournant de 1990. Mais malgré cette réalité, les caciques, dans leur majorité, ont exprimé leur liberté ; respecté leurs engagements et sont restés fidèles et loyaux vis-à-vis d’Omar Bongo et du système PDG qu’ils ont servi. Méritaient-ils d’être classés aux oubliettes ?
A quel moment les premières lézardes surgissent-elles ? Nombre de hiérarques du PDG n’ont guère apprécié la manière dont le choix du candidat à la présidentielle s’est opéré en 2009. Un seul s’est exprimé sur la question en marquant sa désapprobation : Jacques Adiahénot. Les autres ont choisi simplement de le manifester en présentant leur candidature aux élections cette année-là. L’on a cru que sa petite majesté Ali Bongo Ondimba tirerait les leçons de ces premières sorties. Il n’en fut rien. Les jeunes loups étaient aux commandes. Entourés de la horde de « profito-situationnistes », ils se disaient prêts à construire leur village d’imberbes. Pas de « vieux avec du neuf » deviendra un des articles du code qu’ils se sont taillé. La meilleure gifle au clan fut le dernier congrès du PDG où les jeunes loups et assimilés, dont les « profito-situationnistes », leur ont clairement exprimé leur inutilité, en les casant dans un comité de sages sans définition et sans ouverture. Ces « vieux », plutôt que de respecter leur poids de tant d’années passées aux affaires et à affronter des épreuves de toute nature, cumul d’expérience et de sagesse, ils les réduiront très vite à des souffre-douleur. Pour peu que l’un d’entre eux se risque à donner son point de vue, pourtant juste, sur la vie communautaire, il est décrié, via des journaux à la solde, pour sa « sénilité ». Ainsi ont été les années Ali Bongo Ondimba.
Des années marquées par la sortie de trois anciens Premiers ministres de feu Omar Bongo Ondimba. Casimir Oye Mba, Jean Eyeghe Ndong et aujourd’hui Jean-François Ntoutoume Emane. Avec ceci de particulier qu’ils sont tous de l’Estuaire. Plusieurs anciens ministres dont Jacques Adiahénot, également de l’Estuaire. Chacun d’eux a un poids politique considérable. Sur ce, Jean-François Ntoutoume Emane n’est plus à conter.
On ne peut logiquement pas parler du séisme au sein du PDG sans mentionner Héritage et Modernité (H&M). Pour une raison fondamentale : ils sont ceux qui, de l’intérieur, ont dit et continuent de dire, à haute et intelligible voix, que la gangrène finira par prendre tout le corps. Et c’est désormais le cas. Pour l’illustrer, le départ de Ntoutoume Emane équivaut à l’amputation d’un membre de ce corps.
Ce que sa petite majesté aurait dû faire, il y a quelques mois, lorsque H&M tirait la sonnette d’alarme, était de se mettre à l’écoute totale de ce mouvement. Il a choisi le contraire : le défier et le brutaliser. A la suite de Jean-François Ntoutoume Emane, sa petite majesté Ali Bongo Ondimba force à conclure qu’en définitive, il est absolument autiste. Cette attitude doit en susciter une autre de la part de H&M, et d’autres : mesurer la capacité de réponse qui, jusque-là, a été donnée à leur revendication. A toutes les revendications. Pour conclure simplement que sa petite majesté a affûté ses armes et qu’il rendra coup pour coup. Et donnera même plus de coups qu’il n’en aura reçus. C’est soit il triomphe, soit il part. Ceux qui espèrent qu’ils seront épargnés parce qu’ils auraient fait montre de peu de zèle se trompent. A l’Assemblée nationale comme au Sénat, il a signé le pacte d’agression tous azimuts. Tous sont à abattre. C’est ce à quoi il va s’employer dans les tout prochains jours. La théorie du « vieux sans le neuf » battra son plein et sera la norme. Penser qu’il faut reculer est un leurre et un grossier tort. Que les uns et les autres, notamment H&M aux avant-postes de cette bataille au sein du PDG, sachent que même dans la résignation, le sort sera le même.
Toutefois, une chose est certaine : intégrer que le séisme au sein du PDG est désormais inéluctable. Là est probablement l’issue de sortie pour tous ceux qui auront bataillé et résisté.
Article publié le 06 octobre 2015