TRIBUNE LIBRE : Hollande, Sassouffit comme ça !

hollande sassou
Complicité Sassou-Hollande

Par : Stephen Jean Landry

Dès le 27 septembre dernier, le Front pour l’ordre constitutionnel et l’alternance démocratique (FROCAD) et l’Union pour la démocratie congolaise (UDC) se sont opposés au référendum qui peut permettre à Denis Sassou Nguesso, à plus 70 ans, de briguer un nouveau mandat, après 30 ans de pouvoir, deux coups d’Etats, et une guerre civile à son passif. À 71 ans, Denis Sassou Nguesso, qui, depuis 1979, est resté au pouvoir, à l’exception de cinq années, ne peut, en vertu de la Constitution, briguer un nouveau mandat. Mais le référendum de dimanche portant sur des amendements constitutionnels est de nature à englober un relèvement de l’âge maximum des candidats à la présidentielle et la suppression de la limitation à deux mandats. Vindicatif, à la veille de la tenue de ce scrutin référendaire, Guy Romain Kinfoussia, porte-parole du FROCAD, appelle au boycott : «  Pour qu’une élection se réalise, il faut des urnes, des bulletins, des bureaux de vote, mais aussi des électeurs. Or, nos électeurs n’iront pas voter ».

Il y a maintenant 6 ans, au micro de Marc Perelman de France 24, Sassou Nguesso, à la question de savoir s’il comptait rempiler en 2016, répondit ceci : « (…) on devrait laisser les peuples se prononcer, choisir s’ils doivent garder un président, le faire partir ou en prendre un autre ». En déclenchant le débat sur la modification de la Constitution, en vue notamment de faire sauter le verrou de l’âge, 70 ans étant l’âge limite pour prétendre briguer un mandat présidentiel, ainsi que la limitation des mandats, tout le monde saisit bien que les mots de Sassou sur France 24 prédisaient donc sa volonté de se maintenir à la tête du pays.

Et, avec des accents de légitimation, François Hollande, sans tourner sa langue, s’est risqué à un soutien public : « Le président Sassou peut consulter son peuple, ça fait partie de son droit et le peuple doit répondre. Une fois que le peuple a été consulté – et cela vaut pour tous les chefs d’État de la planète – il faut veiller à rassembler, à respecter, et à apaiser« , un discours aux antipodes de celui, qu’il avait tenu à Dakar, en novembre 2014, où étaient à l’honneur les « belles démonstrations» et « belles illustrations » – les expressions sont de F. Hollande- des transitions burkinabé et tunisienne, alors en cours. Pour Elizabeth Pineau de Reuters France, ces cas, notamment le Burkina-Faso, étaient destinés à « (…) faire réfléchir, dixit François Hollande, ceux qui voudraient se maintenir à la tête de leur pays, en violant l’ordre constitutionnel, car ce sont les peuples qui décident (…) qui est légitime et qui ne l’est pas ». Un message compris par la journaliste de Reuters « comme un avertissement à plusieurs dirigeants assis devant lui dans le Centre de conférence Abdou Diouf de Dakar, tels le Congolais Denis Sassou N’Guesso ou le président de la République démocratique du Congo, Joseph Kabila, soupçonnés de vouloir changer la loi fondamentale dans leurs pays respectifs. »

Hollande, qui aurait finalement gagné à demeurer en mode no comment sur la question du référendum de dimanche au Congo Brazzaville, s’est vu, la semaine dernière, contredit par des manifestations sanglantes qui ont retenti comme une condamnation populaire de la position française et une méfiance toujours plus accrue des Congolais face à cette consultation qui, pour eux, n’est qu’une voie légale, qui n’est qu’un « coup d’État constitutionnel » pour l’opposition, visant à retoucher la Loi fondamentale, afin de maintenir le septuagénaire Sassou au pouvoir qu’il exerce, avec sa famille, depuis 30 ans.

Raison d’une colère qui peut expliquer que le Président français ait été contraint d’appeler les autorités congolaises à l’apaisement. Mieux, qu’il ait même opéré un retournement. Aujourd’hui, comme pour reprendre ses distances avec Sassou Nguesso, le chef de l’Etat français, dans un communiqué de la Présidence, « condamne toute violence, soutient la liberté d’expression et rappelle qu’il a souhaité, lors de son discours prononcé à Dakar le 29 novembre 2014, que les Constitutions soient respectées ».

Ces nuances d’importance qui précisent la position de la France, donnent à rappeler qu’en juillet dernier, François Hollande avait reçu à l’Elysée le même Denis Sassou-N’guesso, à la demande de ce dernier. Et à cette occasion, il s’était dit, par communiqué, attaché au fait que les référendums constitutionnels soient fondés sur « un consensus ». L’ébullition brazzavilloise démontre le contraire. Et tout le monde sait bien qu’aucun consensus ne peut se faire autour des deux verrous que Sassou Nguesso souhaite voir sauter : l’âge et le nombre de mandats. En outre, il est plus qu’évident que ce que F. Hollande a su dégager comme directions démocratiques à Dakar, en novembre 2014, lui a permis de mesurer, avant le déclenchement du scrutin, qu’au Congo Brazza, Denis Sassou Nguesso n’en prenait pas le chemin.

Ce qui, pour Antoine Glaser, spécialiste de l’Afrique, sur le plateau de France 24, ne change rien au fait qu’en tant que: « (…) ancienne puissance coloniale, vous êtes toujours dans l’ambigüité (…) La France, poursuit-il, a évidemment des intérêts stratégiques et économiques en Afrique. Entre les discours sur la démocratie et les principes, et de l’autre côté la real-politique, elle a du mal à se défaire de ces ambivalences« . Golfe de Guinée, quand tu nous tiens !

Et il se dessine, pour de nombreux observateurs, que la voie pacifique de l’alternance au Congo Brazza ne dépendra que d’une seule chose : que les deux verrous de l’âge et du nombre de mandats ne sautent pas. Dans le cas contraire, le pays, conduit sur les rives de la désobéissance civile, comme y a déjà fait appel l’opposition congolaise, pourrait replonger dans une guerre civile. Autrement dit, sur un terrain bien connu de Sassou Nguesso. Guerre civile et intérêts stratégiques et économiques dans le Golfe de Guinée ne riment pas. La solution consiste peut-être à se mettre à l’écoute de tous les peuples et de les accompagner. Et, rêvons un peu, aller jusqu’à dire avec le peuple congolais : SASSOUFFIT COMME ÇA !