

Par : Jonas MOULENDA
Cher Monsieur,
La semaine dernière, vous avez démissionné du Parti démocratique gabonais (PDG), au pouvoir, dont votre cadet Ali Bongo Ondimba est président. Un tel acte de bravoure, qui fait désormais de vous un héros cornélien, ne peut qu’être salué par le journal républicain qu’est « Echos du Nord ». « La meilleure preuve d’amour qu’on puisse apporter à une girafe est de lui tricoter un foulard », disait mon grand-père.
Vous avez ipso facto choisi la patrie et non vos intérêts personnels. Il faut savoir prendre des décisions qui font l’heur du plus grand nombre et le malheur d’un groupuscule mû par un nombrilisme démesuré. On ne doit pas rester dans un parti politique qui précipite le pays dans l’abîme. Ceux qui s’y accrochent à cause de leurs intérêts égoïstes se fourvoient. Mon grand-père disait : « Si tu aimes trop la bonne chair, un jour tu mangeras les os du cadavre de ta mère. »
Vous êtes appelé au secours de votre nation, prise en otage par un groupe de profito-situationnistes. Il vous faudra donc aller jusqu’au bout de votre logique. D’autres patriotes attendent de vous que vous leviez enfin les ambiguïtés de votre famille au pouvoir depuis cinq décennies déjà. Vous êtes la personne la mieux indiquée pour lever le voile sur la filiation d’Ali Bongo Ondimba. « C’est celui qui s’était assis près du feu qui avait écouté le bouillonnement de la marmite », m’expliquait mon papy.
Notre pays a trop souffert des ambigüités de votre famille, la famille régnante. Il est vraiment grand temps qu’on y mette le holà. Nous n’allons pas sacrifier l’avenir de tout un pays sur l’autel des appétits politiques boulimiques d’un seul homme qui, à travers la magistrature suprême, veut réaliser tous ses rêves d’enfant gâté. Non ! La patrie passe avant tout. Ni Dieu, ni nos ancêtres ne nous pardonneront cette passivité. Dites-nous la vérité, même si vous êtes de cette famille régnante. Mon grand-père disait : « Même la poule noire pond des œufs blancs. »
Vous devez donc capitaliser votre démission du PDG. Aujourd’hui, plus que par le passé, vous avez un devoir de dédouanement moral. Rendez féconde la paix que votre famille a entre ses mains. L’acte que vous avez posé vous met en rupture de ban avec une bonne partie de votre fratrie, mais ne reculez pas pour autant. Foncez ! Si vous vous rétractez, vous êtes un homme mort, parce qu’Ali Bongo Ondimba ne vous fera pas de cadeau. « Qui tue un lion, en mange. Qui le blesse est mangé », disait mon aïeul, grand chasseur de son époque.
Vous avez longtemps géré le service des renseignements. Vous connaissez donc la vérité sur la filiation de votre cadet, devenu par défaut président de la République. Le peuple gabonais attend de vous cette vérité qui libérera définitivement notre pays. Rassemblez votre courage et brisez les chaînes de la peur. La nation vous en sera reconnaissante. Démolissez ce château de mensonge bâti depuis cinq décennies déjà. Vous en êtes capable. Mon papy disait : « Le petit taureau qui décime le troupeau de vaches naît dans ce troupeau. »
Ce que vous direz sera crédible aux yeux de l’opinion nationale et internationale, du reste prise à témoin par votre oncle après votre démission. Votre famille tremble. Elle sait que vous contribuerez à faire bouger les lignes. Qui d’autre est mieux placé que vous pour nous dire la vérité sur Ali Bongo Ondimba ? Même si ce dernier ne laisse pas apparaître des signes de panique, il ne dort plus du sommeil du juste puisque vous connaissez ses secrets. « Deux tortues savent où se mordre », me faisait remarquer mon grand-père.
Cher Monsieur, vous serez calomnié, mais ne considérez pas les attaques et les coups bas de vos détracteurs comme des blessures à soigner. Il faut réagir par la manifestation de la vérité. Ralliez la cause grandissante des patriotes avides du changement dans notre pays. Engagez-vous aux côtés de ceux qui veulent, contre vents et marées, construire un Gabon nouveau. C’est une noble cause. Intégrez la synergie des patriotes. Ne restez pas seul pour ne pas être vulnérable. « La panthère ne dévore pas les serpents en groupe », me rappelait mon aïeul.