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FORUM : ABO, GO BACK HOME * !

FORUM : ABO, GO BACK HOME * !

Ali Bongo appellePar : Stephen Jean Landry

 « ALI, RENTRE CHEZ TOI » *

 And leave us in peace! Alors que la communauté internationale travaille à ce que la classe politique gabonaise remplisse les travées de la négociation avec le pouvoir, les doutes des Gabonais sur les ascendances de sa petite majesté n’ont fait que se renforcer ces derniers mois. Et Nantes qui n’a pas encore officiellement communiqué l’acte de naissance querellé à Onaïda Maïsha Bongo accentue, par ce silence et ce retard, le sentiment, déjà nourri par le livre de Pierre Péan, « Nouvelles Affaires Africaines », que les origines de sa petite majesté sont, en fait, nigérianes.

Pierre Péan assure, en effet, que « des officiers généraux des Forces armées nigérianes, notamment deux anciens chefs d’Etat, Ibrahim Badamasi Babangida et Sani Abacha, connaissent l’histoire d’Ali, un Ibo issu d’une famille catholique de l’ex-Biafra. » PP cite les noms de « Pierre Fanguinovény » et de son fils « Michel » chez qui auraient séjourné deux petits nigérians qui « ne parlaient pas alors un mot de français » jusqu’à ce qu’ « une voiture de la présidence » vienne les chercher. Le petit Nigérian va devenir Alain Bongo. » Et, pour ce faire, Albert-Bernard Bongo et son épouse, selon PP, entameront les démarches pour une adoption, fin 1969. Certes, Sani Abacha est mort. Mais, I.B. Babanguida, les autres officiers témoins de ces épisodes historiques de leurs pays, et la famille biologique des « deux petits Nigérians », eux, sont toujours vivants. Même si, alors que paraissait son ouvrage, PP prévenait déjà que, depuis plusieurs mois, « … tous sont l’objet de fortes pressions, notamment de la part de hauts dignitaires de la Grande Loge nationale de France et de la Grande Loge du Gabon, pour qu’ils ne fassent pas état publiquement des origines réelles d’Ali. » Mais, loin de s’étouffer, comme souhaité par le pouvoir, cette affaire a pris, au Gabon, des proportions telles qu’un spectre toujours plus grand de Gabonais, à travers ses partis, ses organisations de la société civile, ses chômeurs, ses commerçants, ses pasteurs, etc. fait de plus en plus, du départ de sa petite majesté un objectif principal, une sorte de base minimale pour le plus grand nombre.

Or, les négociations dont tout le monde subodore les préparations, et qui, depuis la fin des assises du Conseil national de la démocratie (CND), ont plutôt tendance à se confirmer et auxquelles ont été étroitement associés Me Mayila et Ogouliguende, comporte quelques inconnues. Ces négociations seront-elles nationales, inclusives et sans tabou ? Cette préoccupation, tout ce qu’il y a de plus légitime, vise, bien évidemment, la situation administrative d’Ali Bongo Ondimba. La question de l’acte de naissance est-il un sujet qui pourra figurer dans l’ordre du jour ? D’autant que, c’est sur la base d’un décret présidentiel que serait convoqué, comme annoncé dans le quotidien « l’Union », ce dialogue national. Au regard de l’état d’esprit qui règne actuellement chez les Gabonais, surtout les jeunes, il faut bien se dire qu’éluder ces questions engagera fortement la crédibilité de ce forum.

La Conférence Nationale et les Accords de Paris furent, respectivement en mars 1990 et novembre 1994, entourés d’un seul et même tabou : ne pas toucher à la famille Bongo, surtout pas à Omar Bongo lui-même. Il ne devait s’agir, à cette époque-là, que d’un espace à concéder, contre mauvaise fortune bon cœur, dans l’Etat-Bongo à quelques nouveaux prétendants. Il n’était nullement question de refonder cet Etat. Ont suivi la mise en place de gouvernements élargis aux opposants. Nombreux, en 1990, même avant, et encore après, avaient pensé qu’en acceptant d’intégrer l’Etat, il était possible de le réformer, mieux, de le refonder. 50 ans après, on en est toujours au même point, si ce n’est pire. Refonder ce type d’Etat, et les échecs de Mba Abessole, de Mba Obame nous l’enseignent, consiste, en tout premier lieu, à débrancher les Bongo de toutes les prises qui leur ont toujours permis une alimentation en continu en pétro-CFA, une appropriation privée sans fin des biens publics. Jusqu’aujourd’hui, les Bongo, au pouvoir, n’ont jamais accepté, et pour cause, d’être débranchés, malgré le semblant de « mea culpa » d’Omar Bongo, au soir de sa vie de dictateur et de prédateur des deniers publics. Un « mea culpa » qui ne sera, d’ailleurs, suivi d’aucune mesure concrète visant à retirer aux Bongo le loisir non seulement de faire ce que « Dieu [ne leur a jamais] pas donné le droit de faire », mais également de « s’amuser » comme spm sait si bien le faire. Bien au contraire, les Gabonais ont eu droit à un coup d’Etat électoral en 2009, maintenant ainsi la famille au pouvoir.

Un dialogue national supérieurement différent de la Conférence de 90 et des Accords de Paris en 94, devrait, pour ne pas courir le risque d’un nouvel échec, pouvoir s’autoriser un droit d’inventaire sur les 50 ans de bongoïsme et, pour cela, être donc suivi, lors de son annonce, des qualificatifs suivants : inclusif et sans tabou. Par ailleurs, une question corollaire mérite sa réponse : quel sera le statut des deux chambres parlementaires pendant la tenue de ce fameux dialogue national ? Les décisions de ce nouveau sommet « démocratique » auront-elles un caractère impératif, donc potentiellement anti-Bongo, ou, alors, ne seront-elles que des recommandations auxquelles pourra être opposé, une nouvelle fois, le célèbre « fait majoritaire », c’est-à-dire le « fait du prince »  comme en 1990 et en 1994 ?

Le niveau de gravité atteint au Gabon, ces dernières années, par la fracture entre le pays officiel et le pays réel porte à penser que des Gabonais, peu convaincus que de nouvelles assises nationales – si elles ne sont pas inclusives et sans tabou et si elles continuent de protéger spm – permettront de débrancher ABO et ses émergents de l’Etat, se mettront à la recherche d’un « disjoncteur » en vue de provoquer une coupure générale de l’alimentation de la famille Bongo.

La communauté internationale, qui le sent bien, fait feu de tout bois pour que les acteurs politiques gabonais s’asseyent et se parlent le plus rapidement possible. Elle sait qu’ABO n’a plus la main. Il a perdu l’initiative en 2012, justement en n’en prenant aucune, et en se refusant obstinément aux conseils avisés de l’époque appelant à un dialogue national de toutes les forces vives de la nation sans exclusive.

Entre-temps, les Gabonais se sont fait leur religion de ce monarque qui n’écoute pas son peuple, préfère le réprimer dans le sang, l’emprisonner, l’humilier, lui préférant des criminels étrangers à qui sont assurées protection et impunité. Personne n’a oublié que Jean-Pierre Oyiba avait dû démissionner, en direct à la télé, de son poste de directeur de cabinet du Président de la République, parce que cité dans le scandale des détournements à la BEAC, mais, finalement, disculpé par la justice française, le 13 décembre 2009. Maixent Accrombessi, quant à lui, impliqué dans une affaire de malversations financières, et arrêté à Paris pour blanchiment et corruption d’agent public, a regagné triomphalement son poste de directeur de cabinet auprès d’ABO. Pourtant, jusqu’aujourd’hui, son affaire court, en France.

La communauté internationale a su désavouer officiellement Nkurunziza au Burundi dès le mois de mai 2015 suite à l’affaire de son troisième mandat et de sa réélection. A la différence du Burundi, le Gabon offre à la CI la chance d’être écoutée tant par le pouvoir que par l’opposition. Un climat politique qu’il sera pourtant difficile de maintenir très longtemps si le peuple a le sentiment que tout ce beau monde ne l’écoute pas et ne l’intègre pas comme une des composantes essentielles de tout dialogue digne de ce nom concernant le Gabon. Et surtout, si la question de la situation administrative d’ABO n’est pas sur la table et qu’en perspective ne pointe à l’horizon de ce dialogue qu’un énième gouvernement de large consensus dont la seule garantie serait offerte à spm : survivre et perdurer. Le Gabon en est là. Mais les Gabonais, eux, en sont las. La rue gabonaise parle, pour le moment, d’ABO comme d’un chef d’Etat gabonais qui a usurpé le pouvoir en 2009 en présentant de faux papiers. Ne pas lever le black-out sur sa situation administrative pourrait la pousser à lancer à « l’étranger » du bord de mer : « ALI, GO HOME » *.

 Article publié le 30 Novembre 2015

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