A Bujumbura, les choses ne font que s’empirer. Dans un communiqué, le 18 novembre dernier, au nom de la Fédération africaine des journalistes (FAJ), Mari Luisa Rogerio, présidente de la FAJ a apporté son soutien aux journalistes burundais et demandé « à toutes les organisations des médias et des droits de l’homme de les assister en ces moments difficiles. Par ailleurs, poursuit-elle, nous demandons au Président Pierre Nkurunziza d’ordonner la fin du harcèlement contre les journalistes travaillant dans le pays ». Et ces journalistes ont des noms : Antoine Kaburahe, soupçonné d’être lié au coup d’Etat de mai dernier ; Blaise Célestin Ndihokuwayo de la radio Isanganiro, arrêté alors qu’il était en reportage ; Bernard Bankukira. Egide Mwemero, de la Radio publique africaine, a été appréhendé à Goma, en RDC, à la demande du pouvoir burundais. Aucune charge précise n’étant portée contre lui, la FAJ a exigé des autorités congolaises la libération immédiates de ce journaliste. « La situation s’aggrave de jour en jour, assène le Président de l’Union Burundaise des Journalistes, tant pour les journalistes burundais en exil que pour ceux restés au pays. Leurs organes de presse étant détruits, ils se sont organisés pour s’occuper et travailler en ligne, mais malheureusement sont interdits d’aller sur le terrain et se font continuellement harceler, arrêter, et accuser de travailler avec la rébellion ». Plus de 100 journalistes ont fui le pays. De son côté, la Conférence Internationale pour la Région des Grands Lacs s’est vue contrainte de déménager de la capitale burundaise pour Lusaka, en Zambie, en raison de l’aggravation de la crise au Burundi, qui risque de « devenir irrémédiable » selon le secrétaire exécutif de la CIRGL, le congolais Ntumba Louaba, dans une lettre aux ministres des Affaires étrangères des pays membres, datée du 18 novembre et reçue vendredi par l’AFP. « Mon personnel et moi-même ne nous sentons pas en sécurité à Bujumbura, où se trouve le siège de notre organisation« , précise, dans cette lettre, M. Louaba
Tirs à l’arme automatique, plusieurs explosions à la grenade, scènes de guérilla urbaine, on parle même de mortiers. Des insurgés ont pris les armes pour chasser du pouvoir le président Pierre Nkurunziza et ont revendiqué le tir de « deux obus de mortier. Ces obus « visaient le palais présidentiel mais sont tombés un peu plus loin malheureusement », ont-ils expliqué. L’AFP nous apprend qu’en octobre dernier, « des sources diplomatiques avaient signalé des tirs d’obus de mortier dans le même secteur, les premiers depuis le début de la contestation déclenchée fin avril par la candidature de Nkurunziza ». Par ailleurs, des mutins qui avaient participé au putsch raté de mai dernier ont décidé également d’en finir avec Nkurunziza par les armes
La répression dans le sang des manifestations de contestation, l’écrasement des putschistes, et le coup d’Etat électoral de M. Nkurunziza, en juillet, ont, de fait, accru et durci la résistance populaire. De démocratique et pacifique, la résistance est en train de passer à une étape supérieure. Elle est désormais armée.
La communauté internationale s’émeut de la situation un peu tard
Louis Michel, député belge de l’UE, affirme : « La situation est gravissime » en parlant du Burundi. La Belgique a conseillé à ses citoyens de quitter ce pays, en raison de l’escalade de la violence politique. Le Burundi a accusé la Belgique de liens avec des groupes de l’opposition. Ce jeudi, 19 novembre, le premier vice-président de la République burundaise s’est entretenu avec Scott Campbell, représentant de l’ONU pour l’Afrique, en ce qui concerne les droits de l’homme. L’entretien a porté, bien évidemment, sur la situation des droits de l’homme au Burundi et de la Commission nationale de dialogue interburundais (CNDI). Le Conseil de Paix et de Sécurité de l’Union africaine (UA) vient de décider d’ouvrir une enquête sur les violations des droits humains commises au Burundi et d’envisager des mesures pour garantir la protection des populations civiles. La FIDH, la ligue ITEKA et la LDGL, pour qui « L’ampleur et la gravité des actes de violence qui continuent d’être perpétrés au Burundi nécessitaient une action d’urgence et d’envergure, en particulier de la part de l’Union africaine (…) », saluent « cette reprise en main, par l’UA, de la gestion de la crise politique et sécuritaire que connaît le Burundi (…) », et appellent « à ce que l’enquête soit menée dans les plus brefs délais et les observateurs (…) déployés rapidement. ». Sur place, Richard Veerman de Médecins Sans Frontières (MSF) nous donne ici une description de la situation médicale et sanitaire : « Lundi matin, nous avons soigné, en très peu de temps, près de 60 personnes blessées dans notre salle réservée aux urgences ». Signe de l’aggravation des tensions, depuis l’ouverture du centre de MSF en juillet dernier, pas moins de 630 blessés y ont été soignés. 400 hospitalisés. Une situation médicale et sanitaire inquiétante. Sans oublier que plus de 200 personnes ont été tuées depuis avril, quand le président Pierre Nkurunziza a annoncé sa candidature à un troisième mandat. Décompte macabre.
Il faut croire que l’émoi de la communauté internationale est déterminé par le niveau de dégradation de la situation atteint au Burundi.
Se préparer à résister, comme au Burundi, à l’inacceptable
Les chiens ne faisant pas de chats, tout le monde savait bien, sauf tartufferies, que la dictature Nkurunziza préférera tirer sur son peuple plutôt que de céder sur la question du troisième mandat. Les Burundais le savaient et, apparemment, s’y sont préparés.
L’exemple burundais, à quelques nuances près, est un enseignement. Car, comme on dit, cela n’arrive pas qu’aux autres. Pour les peuples africains. Pour le peuple gabonais. Il faut résister aux dictatures. Et pour résister, il faut des résistants. Et ce n’est pas en attendant bien sagement que 2016 s’impose à nous. C’est en résistant dès aujourd’hui que l’on s’y prépare le mieux. Notamment en étant de plus en plus nombreux à s’opposer à une nouvelle candidature de sa petite majesté. A bon entendeur !
Article publié le 24 Novembre 2015