INDIGNATION : Pour ces femmes contre qui le procureur de la République a d’abord requis 4 mois fermes et une amende de 500 000 FCFA à chacune, mais pour lesquelles le juge, plus clément, a donné 3 mois avec sursis et ramené l’amende à 50 000 FCFA. Le regard indigné des Gabonais et du monde sont certainement la cause de cette tempérance du tribunal. Même la torpeur du Médiateur de la République, Mme Laure Gondjout, qui a du s’offusquer officiellement, a été troublée. Sous la houlette d’Aminata Ondo du Front gabonais des indignés, une marche allant du Rond Point de la Démocratie à l’entrée de l’Assemblée Nationale avait été prévue afin d’alerter la chambre des députés sur le comportement ignoble des policiers. Sans notification officielle, le pouvoir a interdit cette marche pacifique, pourtant désarmée, et mains nues. Face aux indignés, 3 camions Iveco remplis de matraques, de bottes, de boucliers, de casques et de grenades lacrymogènes destinés à revêtir des hommes et des femmes indignes d’avoir en charge la sécurité des biens et des personnes. 2 à l’entrée de l’Assemblée Nationale et 1 au RPD. Après le calvaire infligé aux femmes dénudées, battues et humiliées, les mêmes assistent – passifs ?- au supplice du feu qu’a subi ce jeune Gabonais de 30 ans, Bérenger Obame Ndoutoume. Et, la précision est de taille, dans les locaux de la préfecture de police. Pour finalement en mourir quelques jours plus tard. En guise d’explication, ce sont deux brefs articles dans « l’Union », le quotidien gouvernemental des 4 et 7 novembre qui accréditent la thèse de l’immolation par le feu. Que dit le Ministre de l’Intérieur ? S’est-on rapproché des parents ? Ces derniers adhèrent-ils à la thèse de l’immolation ? En tous cas, les premiers propos du père nourricier de Béranger, Daniel Younga, sont loin d’être bienveillants à l’endroit du commissariat central « J’ai demandé à l’hôpital militaire de prendre cet enfant et de le remettre au commissariat central pour qu’ils mangent leur méchoui». Nous apprenons par ailleurs que le père biologique de Béranger serait à Libreville.
Tout le monde ne s’est pas indigné de ces deux situations. Ni sa petite majesté, ni Sylvia Bongo, ni le Premier ministre. Ils se sont indignés pour Charlie Hebdo. Mais des travailleuses gabonaises maltraitées et offensées par des voyous en uniformes, ou ce jeune entrepreneur gabonais, aspergé de carburant et se consumant devant ces loubards déguisés en policiers, c’est somme toute chose normale au pays des chiens que l’on peut faire ministres. Au pays des chiens qui aboient devant une caravane qui passe.
LA CRAINTE DU PIRE : Ces choses qui semblent si normales au Gabon, les arrestations arbitraires, les crimes déguisés, les procès préfabriqués, l’interdiction de revendiquer pacifiquement, la culpabilisation ethnique, fait tourner les regards vers le Burundi. Dans ce pays, l’Etat parle. Il dit ceci : « Aujourd’hui, les policiers tirent dans les jambes pour éviter de tuer quand ils sont la cible de grenades dans vos quartiers […] mais, le jour où on va leur dire de « travailler », ne venez pas pleurer ! » dixit le président du Sénat burundais, Révérien Ndikuriyo. Chez les hutus du Rwanda, « Travailler » signifiait, en 1994, massacrer les Tutsis. En organisant, il y a deux ans, à Franceville, une fête de l’apologie du repli identitaire des ethnies du Haut-Ogooué, Ali Bongo continue de semer un mauvais vent dont les principales victimes, les Gabonais, récolteront la tempête. Il faut craindre le pire. Car, l’Etat-Bongo ne dit que des choses convenables à entendre : émergence, croissance, paix, stabilité, lutte contre la xénophobie, la défense de l’environnement etc. Il fait donc du bruit à l’Ouest et se prépare activement à l’Est pour conserver le graal. Et, sa petite majesté est consciente que cette question du faux acte de naissance présenté en 2009 ne peut que l’obliger à passer en force à la CENAP. Quel est le patriote Gabonais qui l’acceptera ? Le pire est inévitablement au bout du chemin. Il faut donc s’y préparer.
LES VOIES SANS ISSUE : La fin de la deuxième session plénière du Conseil National de la Démocratie où des visages de l’opposition se sont affichés préfigure un sentier qui ne mène nulle part tant que les institutions gabonaises restent incapables de poser la question à spm de savoir ce qu’elle a voulu dire quand elle a, elle-même, dit à Focca de Radio France International que tous ces papiers sont faux. On voit mal le CND, à usage consultatif, s’appesantir sur l’inéligibilité d’Ali Bongo Ondimba. Or s’il est une question préjudicielle, c’est bien celle-là. La prochaine présidentielle au Gabon devrait se tenir sans ABO. Comment les assises d’un dialogue national convoqué sur décret par ABO et se tenant au sein du CND pourrait-il aborder la question ?
Indignation, crainte du pire et voies sans issue sont devenues les seules perspectives que le pouvoir de spm offre au peuple gabonais. Qui doit s’attendre à ce que les actes d’indignation s’amplifient et se multiplient, que le pire ne fasse que se rapprocher de nous et, enfin, que ce pouvoir ne nous propose que des voies sans issue pour demeurer.
Article publié le 9 Novembre 2015