TRIBUNE LIBRE : Lettre au ministre de la défense nationale

Jonas MOULENDA
Jonas MOULENDA

Par : Jonas MOULENDA

Monsieur le Ministre,

Permettez-moi de prendre la respectueuse liberté de vous dire, sans fioriture, ce que j’ai sur le cœur. C’est ma contribution à votre redressement. Car je constate que vous êtes tordu et enivré par le pouvoir. « Quel que soit le goût du repas, n’avale pas ta langue », me conseillait mon grand-père.

Après ma publication sur les réseaux sociaux au sujet du coup de pouce que vous a donné le Génie militaire dans la construction de votre résidence privée à Okondja, le chef-lieu du département de la Sébé-Brikolo, la semaine dernière, vos sbires et vous-même avez fait la goule sur la toile. Votre réaction péremptoire prouve à suffisance que vous aviez quelque chose à cacher. Mon aïeul disait: « C’est le voleur de miel qui se lèche les doigts. »

Le matériel du Génie militaire a été acheté avec l’argent du contribuable. Vous ne pouvez donc pas vous en servir gracioso, sans que cela n’indigne les autres compatriotes qui paient les impôts. Vous auriez donc dû nous faire l’économie de votre coup de gueule digne d’un profito-situationniste gêné aux entournures. Après vous être gobergé avec les équipements de l’Etat, il fallait vous attendre à recevoir des estocades. « Si tu mets le doigt dans le mortier, ne crains pas le pilon », me faisait observer mon papy.

Mon jugement n’est pas une sentence, mais je constate que vous continuez à vous comporter comme un gone, alors que vous occupez désormais des fonctions importantes dans la sphère décisionnelle de l’Etat. Rassurez-vous, les Gabonais ne sauraient encore accepter que le gouvernement de leur pays ne soit composé que de gougnafiers. Vous avez donc intérêt à rompre avec l’adolescence. « Le cou du serpent s’arrête où commence sa queue », m’expliquait mon grand-père.

Depuis que vous étrennez le costume trop ample de ministre de la Défense nationale — que vous croyez, à tort, cousu intuitu personae –, vous vous illustrez par des frasques qui donnent du grain à moudre à vos détracteurs. Vous prenant pour le nouveau maestro de la Sébé-Brikolo, vous jurez que les opposants à votre régime corrompu et obsolète n’y mettront plus les pieds. Mais vous confondez les époques ! Mettez à jour votre logiciel mental. Nous ne sommes plus au monopartisme, bon sang ! Le jeu auquel vous voulez vous livrer vous causera du tort. Mon aïeul me prévenait: « Le buisson dans lequel tu cherches du bois de chauffage ne manque pas d’épines. »

Vous voulez faire d’Okondja votre chasse gardée, à l’image de votre village d’Ayenabo. Mais pour qui vous prenez-vous ? Cette ville est-elle votre propriété foncière ? Est-ce vous qui l’avez créée ? Je constate avec tristesse que vous confondez votre rôle. Vous êtes ministre de la Défense nationale et non ministre pour défendre Ali Bongo Ondimba. Vous voulez vous servir de vos fonctions pour nuire à vos compatriotes. Finalement, je donne raison à Al Mutanabbi, qui disait : « Chaque fois que le temps à fait croître un bâton, au bout du bâton, l’homme a mis la lance. »

Mais Otounga, voulez-vous aiguiser la lance ? Pour l’enfoncer aux altogovéens qui se rebelleraient contre le pouvoir d’Ali Bongo ? N’avez-vous pas honte de vous comporter de la sorte ? Vous tirez ipso facto le président de la République par le bas, et non par le haut. Croyez-vous lui rendre service avec vos agissements dignes d’un blanc-bec ? Finalement, vous êtes une autre erreur de casting dans ce gouvernement digne d’une olla-podrida. Seuls les mochards comme vous y font du barouf pour se faire remarquer par le distributeur de strapontins. Finalement, mon papy n’avait pas tort, lui qui disait: « Les esclaves se battent pour du bois qu’ils ramènent à leur chef. »

Vous ne serez pas jugé à l’aune de votre excès de zèle, mais plutôt sur la base de votre travail à la tête du ministère de la Défense. Les fonctionnaires de ce département attendent de vous de bonnes réformes. Avant vous, il y a eu des ministres charismatiques. Après vous, il y en aura. De même, le département de la Sébé-Brikolo a eu des piliers qui tenaient solidement ses rênes. Ne faites pas comme si vous étiez son premier porte-flambeau. D’ailleurs, mon grand-père s’interrogeait :« Si le cafard dit qu’il était le premier à manger les arachides, que dirait la souris ? »

Monsieur le Ministre, j’ai voulu attirer votre attention sur vos agissements rétrogrades à même de gâcher votre bonheur personnel. Le poste de ministre n’est pas une fin en soi. C’est une fonction républicaine que vous devez assumer avec humilité, abnégation et courage. Quelles que soient les prébendes, ne faites pas l’esbroufe, parce que lorsque vous serez viré du gouvernement, vous deviendrez la risée des personnes que vous narguiez. « Lorsque la pluie te mouille, les crapauds se comparent à toi », disait mon aïeul, grand sage de son époque.

Article publié le 24 Novembre 2015

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