CHRONIQUE POLITIQUE : Bongo II fait main basse sur les libertés publiques

Les marches pacifiques contre l’arbitraire sont systématiquement et aveuglement réprimées par la force publique
Par : Paul Davy
La marche pacifique, moyen légal de protestation contre l’arbitraire et l’intolérable, est désormais bannie au Gabon. Les initiatives du genre organisées ces derniers jours à Libreville par la société civile libre et les partis politiques de l’opposition ont été violemment mises à mal par le pouvoir Bongo II, qui a mis à contribution la force publique, en dépit du respect par les manifestants des procédures légales en la matière.
L’espace public est passé sous contrôle du pouvoir Bongo-PDG qui, comme à l’époque du parti-Etat, du temps du règne du PDG en parti unique, versait dans les confusions des genres entre l’Etat et le chef de l’Etat. Du coup, le déni de citoyenneté prend le pas sur les libertés publiques, au point de mettre entre parenthèse la latitude de chaque gabonais de jouir pleinement de ses droits, notamment de revendiquer dans le respect de l’ordre public.
Dans cette honteuse manœuvre de mutation du Gabon en Bongoland, seul le parti démocratique gabonais, PDG au pouvoir et affidés, ainsi que la société civile de service ont droit au chapitre. A l’opposé, rien et absolument rien n’est cédé au reste du peuple, vraisemblablement rangé dans la catégorie de citoyens de seconde zone, pour son refus tacite ou manifeste de faire allégeance au fils Bongo, digne héritier des leviers d’accession à la tête du pays par le hold up électoral. D’où l’entêtement aveugle des ministres de l’intérieur qui se sont succédé, à faire parler le canon, à la moindre occasion de mise en œuvre de projet de marche pacifique à l’initiative des ‘’affranchis’’.
Une main basse sur les libertés publiques qui a coûté la vie le 20 décembre dernier à l’étudiant Mboulou Beka, dont le corps reste séquestré jusqu’à ce jour dans une morgue à Libreville, en raison du refus du pouvoir Bongo d’accéder à une autopsie indépendante, visant à édifier l’opinion sur les réelles raisons de sa mort et sur les auteurs de son assassinat perpétré par des hommes encagoulés, dissimulés à dessein dans les rangs des forces de défense. Autre martyr dernièrement enregistré, Bérenger Obame Ntoutoume, jeune étudiant, commerçant à ses heures creuses, qui s’est immolé par le feu à la préfecture de police de Libreville, outré au plus point par les rackets policiers. Auréole du martyr également aux femmes commerçantes de la gare routière, victimes de violences policières d’un autre âge, sous le silence complice des tenants du pouvoir et des frères d’armes des bourreaux qui bénéficient d’une impunité ahurissante.
Des morts et des victimes de châtiments de tout ordre, dont les mémoires restent bafouées par des oppositions musclées aux initiatives de la société civile libre visant à dénoncer ces actes de barbarie. Sans autre forme de procès, des contingents de policiers et militaires sont systématiquement déployés contre ces actions citoyennes visant à barrer la route à l’intolérable par le biais de la marche pacifique.
Une prise en otage de l’espace public et des libertés citoyennes qui confine les gabonais, à user d’autres moyens pour se faire entendre. Reste donc à réinventer par tous les moyens des canaux d’expression des libertés citoyennes, visant à restaurer l’Etat de droit.
Paul Davy
Article publié le 1 Décembre 2015