CHRONIQUE POLITIQUE : dialogue national, non aux changements en trompe-l’œil
Les grand-messes politiques jusqu’ici organisées en vue de penser l’avenir du Gabon, et dont les plus emblématiques restent, la conférence nationale non souveraine de 1990, dictée par les ondes sismiques du vent de l’Est et les accords de Paris, nés du hold up électoral de Bongo I, à l’issue de la première élection présidentielle pluraliste de 1993, n’ont été que des espaces de dialogue sans d’incidences réelles sur la marche qualitative du pays. Des volontés de changement neutralisées net par le clan Bongo, et qui renseignent à plus d’un titre sur la malice viscérale du système Bongo-PDG à nager aisément dans les eaux troubles du maintien de la monarchie en place, quitte à dilapider les Bongo-Cfa pour réduire au silence les poches de résistance.
Un regard dans le rétroviseur nous permet de faire un diagnostic à froid des mobiles à l’origine des ces échecs cuisants, qui ont maintenu le Gabon durant 25 ans supplémentaires dans les griffes de la tyrannie Bongo, après près de 30 ans de parti unique et son cortège liberticide imposé par le règne de la pensée unique. Le mal à l’origine de ce raté de passer à la guillotine la tête du monstre PDG, a un nom : le caractère non souverain de la conférence nationale, qui a fini par renforcer les bases pourtant vacillantes du régime PDG d’alors, en parvenant par ailleurs à transformer en mirage les espoirs d’alternance politique et de reconfiguration du paysage politique. Un pari historique pourtant gagné par le Bénin, quelques mois plutôt, en parvenant à organiser une conférence nationale souveraine aux recommandations ayant force de loi. Résultat des courses, les envolées lyriques et autres réflexions de haut vol engagées durant un mois de discussion, ont tourné au verbiage et à de l’argent du contribuable jeté par la fenêtre. La suite on la connaît, les lignes n’ont pas véritablement bougé, le pluralisme d’opinion enfanté de ces travaux est quasiment resté prisonnier des conclusions plombées de ces assises, avec la séquestration à ce jour des médias publics, le déni du droit de vote, douloureusement expérimenté dès l’organisation de la présidentielle de 1993, qui a été soldée par le vol à ciel ouvert de la victoire acquise dans les urnes par Paul Mba Abessole, à l’époque leader charismatique de l’opposition et candidat du Rassemblement National des Bûcherons, RNB.
C’est de ce scandale politique qui a illégalement tourné à l’avantage d’Omar Bongo, avec le soutien de la satanée main noire du ministre de l’intérieur de l’époque, Antoine Depadou Mboumbou Miyakou, que le Gabon démocratique rêvé, a été frappé en plein cœur. Pour éviter l’embrasement dont le spectre se dessinait avec la radicalisation des positions et la mise en place par Mba Abessole, président élu et autoproclamé comme tel en dehors des honteux résultats officiels validés par la Cour constitutionnelle, feu Pierre Louis Agondjo Okawe, président du Parti gabonais du progrès, PGP, invita avec succès à la paix des braves, qui déboucha sur les accords de Paris de 1994. Des discussions à nouveau pilotées par Bongo I, qui n’a pas effectué le déplacement de Paris en usurpant les attributs de juge de la classe politique, comme ça semble se dessiner avec Bongo II dans le cadre du dialogue national à venir, qui ont, ces discussions, accouché de changements en trompe-l’œil, comme la mise en place d’une commission nationale électorale sous contrôle de magistrats aux ordres du pouvoir, la mutation en institution républicaine de la garde présidentielle de l’époque, affectée à la sécurité du Chef de l’Etat et de sa famille, pour donner naissance à la « garde républicaine ». Un jeu de mots qui a simplement permis de changer la vitrine, sans bouger le moindre du monde le fond de la boutique. La mise en place du conseil national de la démocratie, CND, a participé de cette opération de politique cosmétique, puisqu’en réalité, l’institution n’avait jamais fonctionné au sortir des pompeux accords de Paris, officiellement faute de budget. Le clan Bongo, maître du jeu politique et de la finance publique, n’a pas trouvé bon de doter d’âme le CDN, première version, respectivement présidée, d’abord par Jules Aristide Bourdes Ogoulinguende, puis Pierre Claver Maganga Moussavou. Des cas de saupoudrage politique qui ont été soutenus par un achat de conscience à grande échelle des leaders d’opinion.
L’unique péché a été en somme, le fait d’avoir laissé le soin aux Bongo de suppléer la souveraineté du peuple. D’où l’impérieux devoir d’arracher à tous les prix le caractère souverain du dialogue national en gestation, histoire de faire échec en amont, à une conférence nationale bis, dont les recommandations non souveraines ont tué dans l’œuf les aspirations de changements réels. « On ne tue pas le même taureau deux fois, nous renseigne une sagesse africaine ».
Article publié le 15 Décembre 2015