

Le Conseil national de la démocratie (CND) vient de proposer aux acteurs politiques gabonais d’organiser un dialogue inclusif. Ce processus a été préparé depuis longtemps. Louis Gaston Mayila, Jules Aristide Bourdès Ogouliguéndé et, bien sûr, le président de cette institution, Séraphin Ndaot, étaient à la manœuvre pour aboutir à cette initiative. Le CND a, dans ce cadre, demandé au chef de l’Etat d’en fixer la date lors de son allocution de fin d’année. On parle du mois de février 2016 pour une durée de 46 jours.
Une partie de l’opposition a posé des conditions pour prendre part à cette rencontre. Notamment que tous les sujets soient mis sur la table et sans tabou. Que les résolutions qui en sortiraient aient force de loi. D’autres partis du même bord politique sont pour le moment silencieux. Ils attendent, sans doute, d’être mieux édifiés pour se prononcer. Du côté du pouvoir, notamment du Parti démocratique gabonais (PDG) et ses satellites, la cause était entendue depuis fort longtemps. Le PDG ayant préconisé qu’un tel dialogue se fasse dans le cadre du CND.
La communauté internationale qui, en réalité, n’a pas beaucoup de moyens de pression sur un Etat souverain, a dû se résoudre à convaincre l’opposition, qui ne voulait à aucun prix débattre au sein du CND, de l’accepter. Michaëlle Jean, la secrétaire générale de l’Organisation internationale de la francophonie, lors de sa dernière visite officielle au Gabon, a ainsi « recommandé » aux acteurs politiques d’engager le dialogue dans le cadre institutionnel prévu.
Faut-il aller à cette rencontre ? La question se pose encore dans les rangs de l’opposition. Un pan de celle-ci récuse le cadre. Arguant, comme l’a fait René Ndemezo’o Obiang, le 14 février 2014, lors de sa démission du PDG, que « le CND est taillé pour servir les intérêts d’Ali Bongo Ondimba ». Pour ce groupe, le dialogue est nécessaire, mais exclusivement sous l’égide« de l’Onu, de l’Union européenne et l’Union africaine ». Sauf que le pragmatisme recommande à tous d’y aller. Pour éviter de mettre le Gabon à feu et sang.
Pour que ce dialogue soit productif, il doit être sans tabou. C’est-à-dire qu’au-delà des questions politiques liées à la transparence électorale – révision de la composition de la Commission nationale électorale, question de la Cour constitutionnelle et gestion des élections par le ministère de l’Intérieur –, ce dialogue doit déborder sur les questions économiques et sociales. Notamment la captation d’une bonne partie de la richesse du Gabon par la famille Bongo au travers de la pieuvre Delta Synergie. Cela doit être mis sur la table et trouver une solution. La question du statut d’Ali Bongo Ondimba qui a commis un parjure en se présentant à la présidentielle de 2009 avec un faux acte de naissance, alors qu’il aurait dû se pointer à Nantes, s’il savait qu’il y existait un acte de naissance à son nom, comme le disent ses soutiens, pour s’en faire délivrer une copie et l’introduire dans son dossier de candidature. La question des détournements massifs des deniers publics et de la corruption. Ainsi que celle des biens mal acquis, objets des informations judiciaires ouvertes en France en ce moment. Sans qu’à aucun moment, la justice gabonaise ne s’en saisisse. Enfin, la question des crimes rituels qui restent pour l’heure impunis, alors que plusieurs commanditaires sont connus et officient aux côtés du chef de l’Etat.
Ce dialogue, nécessaire, ne peut donc plus être un simple face à face opposition et majorité. Au regard de l’agenda, il doit nécessairement déborder du cadre politique et s’ouvrir à tous les leaders d’opinion, communautés religieuses, ONG, journalistes. Car ce qui est en jeu dépasse le simple fait des élections.
Naturellement, il doit s’inspirer de ce qu’a fait l’Afrique du Sud à travers sa commission vérité et réconciliation. Il ne pourrait pas être question d’absoudre les personnes qui se seraient rendues coupables de forfaits en dehors de toute intervention de la justice. Sinon, cela se fera au détriment du peuple. Il ne saurait être question, par exemple, de marchander les conditions d’une transparence électorale en échange d’une candidature d’Ali Bongo Ondimba auteur de faux et usage de faux. Sinon, cela reviendrait à trahir une fois de plus le peuple.
C’est à ces conditions que ce dialogue sera refondateur pour le Gabon. Tout autre calcul sera vain et conduirait le Gabon au chaos.
Arthur Page
Article publié le 14 Décembre 2015