

Par : Désiré Ename
Sans vergogne, les limiers du pouvoir, appuyé par des réseaux judiciaires, viennent de montrer aux yeux de tous que non seulement ce pouvoir est par essence violent, qu’il en détient le monopole, mais de surcroit qu’il peut et va s’en servir sans limite contre les Gabonais. C’est la démonstration qu’il vient de faire sur la dépouille de Mboulou Beka, froidement abattu le 20 décembre 2014, par des forces militaires dissuasives. Et dans le cas de Léon Paul Ngoulakia.
Depuis un an, la famille réclame la vérité à l’Etat sur les circonstances de cette mort. Dans l’oraison funèbre à Mboulou Beka, Monseigneur Jean Bernard a eu ces propos forts : « Nous avons voulu croire au Gabon, à ses institutions et à l’Etat. Nous ne réclamions que deux choses : la vérité et la justice. Et nous avions cru que nous appartenions à une nation, à un pays, qui pouvait sentir que, son devoir était de rétablir la lumière, la vérité et de rendre justice. Hélas ! Nous avions cru aux institutions et à la justice gabonaise. Elle n’a pas fait que nous décevoir, elle nous a montré le revers. Avons-nous eu tort d’avoir accordé à l’Etat notre mérite et notre confiance ? » La réponse est non.
La famille a fait son devoir, en rappelant à l’Etat ses devoirs. A elle se sont joints des défenseurs des droits de l’homme, en tête desquelles leur figure de proue, Paulette Oyane Ondo, avocate de renom. A la douleur de la famille cohabite celle de nombreux Gabonais effarés par l’indifférence et l’irresponsabilité d’un pouvoir qui démissionne de ses missions fondamentales dont la protection et la sécurité des citoyens quelles que soient leurs appartenances politiques. Mais aussi l’équité qui se manifeste dans le cadre de l’action judiciaire. A quel type de justice a donc été vouée l’affaire Mboulou Beka ? A celle de SPM qui fuit lâchement les évidences pour se calfeutrer dans le non-droit.
Le cas de Mboulou Beka n’interpelle pas nos émotions, mais notre lucidité. Notre intelligence. Il faut plus qu’avant, intégrer que chaque fois qu’au plan du droit et du reste, sur toute autre juste revendication qui acculerait le pouvoir, celui-ci imposera sa lecture et sa conception des Lois. Quitte à en bafouer les principes. Quitte à piétiner la morale. A se résoudre au cynisme. Cherchant ainsi à orienter les consciences vers l’accessoire, pour que les questions qui dérangent ne soient pas posées. Dans le cas de Mboulou Beka, on a vite fait de distraire sur le ou les « enveloppes ». Mais la question de fond que le peuple soulève depuis le 20 décembre, et sur laquelle le pouvoir de sa petite majesté Ali Bongo Ondimba affiche une parfaite indifférence est de dire dans quelles circonstances Mboulou Beka est mort ; et qui tenait l’arme ? C’est ce que le peuple gabonais a attendu et attend toujours. Le pouvoir s’est enferré dans sa logique de mépris et d’arrogance. Mieux, il a utilisé la terreur pour contraindre la mère du défunt à se soumettre à leur diktat.
La violence d’Etat ne sert donc pas la cause du Citoyen. Elle est devenue un instrument contre lui. Elle s’exerce par la répression militaire ; en bâillonnant la liberté d’expression et de la presse ; par la terreur comme à Akébé ; par des manipulations des décrets comme pour les déguerpissements qui ont cour dans la commune d’Akanda, etc. En sous main, on la déguise et lui revêt du costume de voyou drogué, commis à de sales besognes comme ce fut le cas, samedi dernier, dans une salle au quartier Akébé où Léon Paul Ngoulakia donnait une conférence. A cela une question : faut-il continuer de croire à la République ?
Oui. Les Gabonais doivent y croire. A raison. Parce que la République est le champ des normes. La République définit notre espace commun ; et normalise les relations humaines au sein de cet espace. Nous y avons des droits et des devoirs. Ceux-ci sont contenus dans la Loi fondamentale et soutenus par elle. Plus hier qu’aujourd’hui, se battre pour la République vaut la peine.
Il est regrettable qu’en six ans de pouvoir, sa petite majesté Ali Bongo Ondimba ait fait de la République l’espace de la futilité. Un PRÉSIDENT de la REPUBLIQUE peut ainsi aller inaugurer l’annexe d’un centre commercial (Centre commercial CKDO dans la commune d’Owendo). Un exercice privé relevant du directeur des établissements Ceca Cadis et auquel pour la circonstance, il aurait tout au plus convié le Maire de ladite commune. Dans la République de sa petite majesté, les bandits sont commis officiellement à des actes de voyoutisme par des commanditaires bien identifiés, mais qui ne sont pas inquiétés. Les voyous en col blanc qui ont dirigés l’opération contre Léon Paul Ngoulakia n’ont pas été interpellés. Ils ne seront donc pas poursuivis. L’agressé passera probablement à la barre comme ce fut le cas de Ping. De victime lors des faits, il sera désigné bourreau par la justice de sa petite majesté. C’est aussi cela six ans d’Etat de sa petite majesté Ali Bongo Ondimba.
Article publié le 21 Décembre 2015