EDITORIAL : Piètre septennat… et du ménage à faire !
Par : Désiré Ename
Nous avons eu raison trop tôt, lorsque, dans une de nos éditions d’octobre 2009, nous parlions « des prémices d’un Etat voyou ». Cela nous a valu, du Conseil national de la communication, trois mois de suspension. Sa petite majesté, non seulement via son instrument de censure, confirmait nos affirmations, mais en plus il nous dévoilait clairement que c’est par le bâton qu’il contraindrait.
Durant sept ans, les Gabonais ont eu droit à un Etat-gangster quasiment sans foi ni loi. Lorsque des lois sont taillées à la petite mesure du censeur et selon ses desiderata, on ne peut parler de lois. Et des faits sont là pour le dire. Janvier 2011, une Constitution qui donne les pleins pouvoirs au monarque sans couronne est adoptée. Il peut, sur ordre, demander à son gouvernement de prolonger son mandat. La Cour constitutionnelle, la gardienne de la Loi fondamentale qui a adoubé cette disposition inique, n’aura qu’à constater. Il peut engager le Gabon dans une guerre, comme il vient de le faire aux côtés de la coalition menée par les Etats émiratis pour la lutte contre l’Etat-islamique. Dans ce cas de figure, il n’a qu’une information à communiquer au Parlement qu’il peut réunir en Congrès. Il n’a même pas jugé utile de le faire. La loi électorale a été modifiée dans l’optique de perpétuer le règne d’un parti à l’Assemblée nationale. Empêchant toute possibilité pour ses députés d’exprimer leur liberté de quitter le bateau quand ils ne seront plus d’accord avec son itinéraire. La tentative de toiletter cette loi électorale a été brisée à coups d’intimidations, de menaces et de corruption tout dernièrement. Last but not least, pour régler des comptes à des personnes mues par la liberté, il a tenté une déconstruction du système judiciaire par la création de Cours spéciales. Il ira plus loin en modifiant par ordonnance l’article 425 du Code pénal, afin d’avoir la tranquillité sur le débat incessant visant sa situation administrative. Dans un Etat, quand la loi est au service d’un individu, quand elle est commise exclusivement à sa protection et non à celle des citoyens, l’Etat de droit perd ses ressorts et ne se justifie plus.
Au cours des sept dernières années, il a fait du Gabon un « Game-land ». Une grande aire de jeu. On peut y pratiquer du motonautique à coup de milliards du contribuable ; y visiter des exhibitions de motocross ; importer des danseuses et travelos du Brésil pour un carnaval sur le boulevard du bord de mer ; organiser des méga-concerts avec R-Kelly, Chris Ross, Stromae, etc. ; se distraire avec des marathons ; rivaliser d’adresse avec des bambins, en construisant des méga-châteaux de sable ; faire rêver en arborant des murets de maquettes géantes… On ne peut continuer avec l’Etat-concupiscent.
Dans son intervention sur la chaîne France 24 en avril 2014, Robert Bourgi disait en substance d’Ali Bongo Ondimba qu’il ne voyait pas le défunt Omar Bongo en lui. Il ne retrouvait pas chez lui des qualités reconnues à son père. Notamment le sens de l’écoute. Le qualifiant « d’autiste » à mots à peine voilés. Comment peut-on conduire un peuple si on ne peut pas prêter une oreille attentive à ses plaintes ou à ses revendications ? Comment le conduire et se fermer à tout dialogue avec lui et surtout quand la nécessité se manifeste ? C’est bien ce que sa petite majesté a démontré ces sept dernières années. A la juste revendication, il a répondu par la répression militaire. Bâillonnement de la presse si elle ose. Emprisonnement en cas de désapprobation, etc. Au point de mettre en péril le vivre ensemble. Que dire aussi de la vérité de son statut administratif ? Des révélations autour ? Des nombreuses plaintes ? Celui qui a clamé « le droit rien que le droit » ou encore que « le Gabon était un Etat de droit » a été le premier à fuir le champ du droit, en lui substituant la coercition et la manipulation.
En sept ans, la gouvernance économique se résume à : augmentation de la dette intérieure et extérieure ; précarité des ménages ; chômage (30 %). Sept ans de sa petite majesté ont conduit le Gabon au bord du gouffre.
Au-delà du « jeu »
Eu égard à ce tableau succinct, une seule option s’impose : la rupture définitive avec un système dangereux pour l’avenir du Gabon. Et non pas une alternance molle ou une restauration, comme le préconise la firme.
D’aucuns voient le salut dans la parole d’un « gourou blanc ». Il ne fera jamais notre lit. Parlant de ses semblables, un françafricain donnait quelques qualificatifs de ce type de « Blanc » : cupide, intéressé… manipulateur. Nous ajouterons : fidèle à ses intérêts… du ventre. Il est l’homme sans bord. Il feindra la rupture, mais celle-ci ne sera jamais totale au nom des intérêts. Tout son jeu va consister à user de subtilités de langage ; revendiquant un relationnel à qui il s’ouvrira toujours. C’est le « jeu ». Pour lui, c’est le « jeu ». Mais le drame gabonais est au-delà du « jeu ».
Dès lors, il appartient aux Gabonais de forger leur destin. De comprendre que celui-ci est dans leur main. D’en trouver la méthode et de se doter des moyens pour y parvenir. Dans cette optique, il est regrettable que certains n’aient pas compris que toute notre intelligence doit être mobilisée pour mener des batailles essentielles. Le diagnostic est fait. Dès 2011, la société civile avait déjà tiré la sonnette d’alarme dans un mémorandum. Emboîtant le pas aux partis de l’opposition lors de leur rencontre avec Nicolas Sarkozy, alors président de la République française. Le Gabon était en crise. Société civile et opposition prévoyaient son durcissement. Et c’est le cas aujourd’hui. Au sein du PDG, des voix, solitaires d’abord et organisées ensuite (Héritage et Modernité), ont révélé toute l’évidence de cette crise au cours de cette année 2015. Les uns et les autres ont appelé à l’urgence d’un dialogue. C’est une question de responsabilité. Mais pas n’importe quel dialogue.
Tous les processus de dialogue antérieurs ont abouti sur des consensus mous, dont des gouvernements de « large majorité » ou de « large consensus », selon le vocable. Nul n’en veut plus. Il est désormais question d’un dialogue qui débouche sur la redéfinition de notre vivre ensemble. Régi par des règles : des lois qui servent et protègent le citoyen ; une gouvernance politique qui soit le levier de ce « vivre ensemble » ; une gouvernance économique soutenue par un mode de production qui permette la croissance réelle et qui débouche sur une saine redistribution des ressources. Et pour les règles du jeu électoral, que toutes concourent à des élections crédibles et que les Gabonais puissent enfin se choisir leurs dirigeants. Cela doit s’imposer à sa petite majesté Ali Bongo Ondimba. C’est dans son intérêt « d’accepter une révolution pacifique… »
Le septennat de sa petite majesté est une catastrophe. L’état des lieux dit même qu’il ne peut prétendre à un autre. Et qu’il y a sérieusement du ménage à faire. Qu’il le comprenne. Pendant qu’il est encore temps.
Article publié le 28 Décembre 2015