

Par : Stephen Jean Landry
C’est Edgar Faure qui disait que ce n’est pas (PMA) la girouette, mais le vent qui tourne. L’abstention de Paul Mba Abessole lors du vote de la loi de finances 2016 et ses dernières déclarations au cours de la rentrée politique de son parti, ce 5 décembre 2015, à Petit-Paris, laissent penser que le vent tourne. Des déclarations qui tirent à boulets rouges non seulement la majorité républicaine et sociale pour l’émergence et, tout particulièrement, le Parti démocratique gabonais (PDG), mais aussi ces messieurs de l’opposition qui auraient des comptes bien garnis à l’étranger.
Mais quittons la surface de l’eau et plongeons plus en profondeur dans l’univers Mba Abessole. Il n’est un secret pour personne que c’est avec la bienveillance de Paris que, dans les années 90, le curé de Makokou revient au Gabon, après de longues tractations sur le sol français avec des émissaires du pouvoir Omar Bongo dont certains sont encore vivants, à commencer par celui qui occupe illégalement le bord de mer. Sans oublier Ananie Bindji. Le représentant de la fraction parisienne du Morena, Mba Abessole, atterrit donc en toute sécurité sur le tarmac de Libreville. En vue de la mise en place du Rassemblement social démocrate gabonais (RSDG). Grosso modo, une alliance avec Omar Bongo qui demeurerait à la tête du pays et un gouvernement issu de la Conférence nationale qui agirait comme une sorte de constituante, car souveraine et conduirait une transition « débongoïsante » du pays. Omar et les siens s’étant absolument opposés à ce que la Conférence fût souveraine, les Gabonais ont alors perçu le RSDG comme une entourloupe conservatrice de l’ordre Bongo, vieux de vingt-deux ans et l’ont donc rejeté. Omar, resté seul maître à bord, put ainsi sasser, à loisir, les orientations de la Conférence nationale en recommandations acceptables et inacceptables. Ce que le communiqué final confirmera : « les conclusions de la conférence nationale ne sont pas des injonctions, mais de simples recommandations ».
Cette transition ratée conduisit à une profonde rupture entre le Gabon officiel et le Gabon réel et aboutit à l’explosion sociale de 1993 dont les conséquences sont connues, au point qu’elles ont entraîné sa classe politique vers de nouvelles négociations dans l’Hexagone, pour de nouveaux accords… de Paris.
En 1996, Paul Mba Abessole devient maire de Libreville, malgré une annulation officielle des résultats des urnes qui le donnaient vainqueur. On dut recommencer. Et, c’est le père Paul Mba Abessole, lui-même, qui, au cours d’une interview à l’hôtel Intercontinental de l’époque, révélera que c’est grâce à l’intervention de la France qu’il est devenu maire de la capitale gabonaise.
Quant au fond, en politique, pour le premier bûcheron, après Dieu, c’est Paris. Et en s’inclinant pour parapher les accords de Paris, PMA démontrait son allégeance. Une contrainte qu’il s’était donnée, depuis son retour au Gabon, en 1989 : suivre, en dernière instance, les orientations de Paris. Certains n’hésitent pas à affirmer qu’en 2010, le départ du Rassemblement pour le Gabon (RPG) de la Coalition des partis et personnalités de l’opposition pour rejoindre ABO est à mettre au crédit de certains réseaux français.
Mais, certains analystes gabonais préfèrent mettre en avant le fait que Paul Mba Abessole se plaigne d’être marginalisé et qu’il ne cesse de « ruminer sa colère après que son parti eut hérité, lors du dernier remaniement ministériel, d’un poste de ministre délégué qu’il avait vite fait de décliner ». Malgré sa présence, à Mouila, aux côtés d’Ali Bongo, ce qui expliquerait donc, selon eux, son abstention à l’Assemblée nationale et ses attaques tous azimuts contre la classe politique gabonaise. Le ressentiment, même à prendre en compte, demeure toutefois un facteur trop aléatoire pour fonder et décoder le comportement politique de PMA.
Paul Mba Abessole, et ce n’est pas un sacrilège que de l’écrire, est politiquement francophile. Son histoire politique le prouve, ses propres déclarations également. A partir de cette donnée, on peut suggérer que PMA ne parle et n’agit qu’après concertation. Et qu’il y a peut-être un nouveau plan pour le Gabon. Et lorsqu’un pro-français comme lui décide de dénoncer à la fois et la majorité à laquelle il est structurellement lié et l’opposition, qui, selon lui, en aurait plein le ventre et plein la bouche, on peut bien se demander ce qui motive, aujourd’hui, le leader historique des années de braise.
Depuis les assises du Conseil national de la démocratie, il est de plus en plus question de dialogue national qui ouvrirait une période transitoire, avant de procéder à de nouvelles élections. Surtout la présidentielle. PMA le sait. Quand il concentre ses coups contre sa propre majorité et contre l’opposition, c’est parce qu’il souhaite se positionner comme l’alternative face aux pro-ABO et face aux anciens collaborateurs d’OBO devenus opposants. Mais, le quasi-septennat passé dans la majorité de sa petite majesté et cette indécente vénération à Omar Bongo Ondimba, huit ans durant, les genoux à terre, ne l’en ont-ils pas totalement disqualifié ?
Par ailleurs, la récente contre-performance d’Héritage et Modernité (H&M) à l’Assemblée vient, entre autres, de démontrer que finalement les véritables alternatives démocratiques se trouvent en dehors des outils contrôlés par sa petite majesté : la présidence, l’administration civile et militaire, la Cour constitutionnelle, etc. H&M devrait d’ailleurs en tirer les leçons. Paul Mba Abessole aussi. Que fait-il encore dans la majorité ? Et au bureau de l’Assemblée nationale ?
En 2010, à la question de Gabon Matin : « Est-ce à dire que la Majorité présidentielle n’a pas véritablement fonctionné ? », Mba Abessole répondit : « Vous avez parfaitement raison, la Majorité présidentielle n’a pas fonctionné comme il fallait. Nous avons toujours dit qu’on a signé un texte et qu’il fallait aller plus loin. Le président Bongo était président de cette Majorité, j’allais en être, en tant que président du RPG, le Vice-président. A ce propos, le président pouvait demander qu’on me nomme Premier ministre, en tant que leader du parti le plus important après le PDG. C’est ce qui explique les blocages observés ici et là. Vous avez signé un contrat avec quelqu’un qui n’est plus. Que faites-vous ? Pour celui qui est doté d’un peu de bon sens, le contrat devient automatiquement caduc. »
Qu’attendait Mba Abessole de sa petite majesté ?
Article publié le 7 Décembre 2015