Silence coupable de la Commission nationale des droits de l’Homme face au déni du droit à la vie
C’est par un modus bouche cousue que la Commission nationale des droits de l’Homme a décidé de briller au Gabon, face à la recrudescence des atteintes aux droits de la personne humaine. Assassinats et animalisation de la personne se multiplient sous ses yeux, sans mot dire. Dans une tentative vraisemblablement avortée d’enfin briser le silence, une folklorique conférence-débat, placée sur le thème du « droit à la vie », a été animée à la faveur de la célébration le 10 décembre en cours, de la journée internationale des droits de l’Homme.
En prenant le pari d’oser se féliciter d’absence d’exécutions publiques au Gabon depuis ces vingt dernières années, lors de cette conférence-débat organisée dans les locaux de l’institution à Libreville, Maître Bertrand Homa Moussavou, président de la Commission nationale des droits de l’Homme, a visiblement choisi de vouloir cacher le soleil avec le doigt. Car, si l’abolition de la peine de mort au Gabon a le mérite d’avoir permis de tourner la page du funeste « Hollando », théâtre en son temps d’exécutions publiques, il n’en demeure pas moins que vingt ans après, les exécutions d’empêcheurs de tourner en rond ont simplement changé de visage. Disons qu’ils sont passés du mode « guichets ouverts» à celui de « guichets fermés ». Et ce n’est certainement pas le président de la commission nationale des droits de l’Homme qui remettrait en cause le phénomène des crimes dits rituels, moyens par lesquels des hommes, femmes et enfants sont ces derniers temps comme menés à la boucherie, tels du cheptel, avec prélèvement d’organes humains, appelés dans le jargon des bourreaux, « les pièces détachées ». Lors de l’exécution quasi publique le 20 décembre 2014 à Libreville, du jeune étudiant Mboulou Beka, l’institution vitrine des droits de l’Homme au Gabon, n’a dit mot. Restons dans l’intervalle de ces vingt dernières années pour ajouter à cette liste non exhaustive, et toujours sous le regard coupable de la Commisssion nationale des droits de l’Homme, pourtant indépendante sur le papier, une série de liquidations politiques dont les plus emblématiques restent les éliminations physiques non élucidées de Joseph Rendjembe, Pierre Mamboundou et André Mba Obame. Aucun éclat de voix venu de la Commission nationale des droits de l’Homme n’a perturbé les pleures et lamentations de la société gabonaise, victime du traumatisme engendré à cette désacralisation à dessein de la vie, qui s’est accompagné d’une amputation inacceptable de ses dignes fils, sacrifiés sur l’autel de la barbarie. Même le convoyage, en tenue d’Adam par des policiers en novembre dernier, de femmes commerçantes exerçant sur le site de l’ancienne gare routière à Libreville, à l’arrière d’un camion d’hommes de troupes, n’a visiblement pas a été suffisant pour sortir la Commission nationale des droits de l’homme de sa réserve puante. Et ce, en dépit des vagues d’indignation suscitées dans l’opinion.
Interrogé sur la persistance de ce silence coupable, Maître Bertrand Homa Moussavou n’a pas mieux fait que de botter en touche. Morceau choisi : « Je ne suis pas complice de quelque silence que se soit, et le silence n’est pas lui-même complice de moi. Je pense simplement que nous ne sommes pas des faucons, encore moins des colombes. Nous considérons, pour notre part, que l’Etat souhaite apparemment faire changer les choses et nous attendons que ça change. Mais nous ne pouvons pas aller au devant de la scène pour faire quoi que se soit ».
Qui dit mieux, en termes de fuite en avant aussi claire que de l’eau de roche ?
Paul Davy
Article publié le 11 Décembre 2015