
Par : Jonas MOULENDA
Mes chers compatriotes,
Notre pays est aujourd’hui à la croisée des chemins. Il nous appartient désormais de choisir la direction à prendre. Le dialogue politique réclamé à cor et à cri par les forces vives de la nation apparaît comme l’occasion idéale pour définir les fondamentaux d’une nouvelle République. « C’est sur la vieille corde qu’on tisse la nouvelle », m’apprenait mon grand-père.
Nous devons utiliser toutes les voies de recours qui nous feraient faire l’économie de nos vies fragiles. Pour cela, il faut choisir les assises politiques prévues au début de l’année prochaine. Ce qu’il convient de faire, c’est de mettre la pression sur les autorités pour que le cadre des discussions réponde aux exigences de toutes les parties concernées, afin que les décisions qui seront prises soient appliquées. Il faut savoir raison garder. « Si tu perds ton pouce, tu n’enlèveras plus le maïs de son épi », observait mon aïeul.
Les Accords de Paris tenus en 1994 avaient permis de décrisper le climat dans le pays et d’y éviter une catastrophe. Nous pouvons donc utiliser le dialogue pour assainir les bases démocratiques faussées par le nombrilisme de nos gouvernants. Nous devons faire prévaloir la sagesse pour sortir notre pays du bourbier dans lequel il est empêtré. Si le pouvoir a accepté ce dialogue, c’est qu’il a compris qu’il ne peut pas régler tout problème avec violence. « On ne repousse pas d’une chiquenaude le moustique qui se pose sur les testicules », me prévenait mon papy.
Si le dialogue échoue, il faudra envisager d’autres voies. Car, depuis cinquante ans, nous avons fait preuve d’un sens hautement soutenu de stoïcisme. Certains d’entre nous, nés au soir de l’indépendance, ont enduré les pires humiliations de la part du régime qui a pris notre pays en otage. La misère nous ronge pendant que l’oligarchie se la coule douce, dans une opulence extravagante et révoltante. Il n’y a que nous-mêmes pour mettre fin à l’hégémonie de ce cénacle. Mon grand-père disait : « Quand les fesses se lèvent, le cache-sexe ne peut pas rester assis. »
Certains d’entre nous ont connu la prison de façon arbitraire. Depuis le règne cauchemardesque d’Ali Bongo Ondimba, certains, comme moi, ont connu la moulinette du couloir d’exil. A la veille du rendez-vous électoral de l’année prochaine, vous vous devez de déclencher le compte à rebours de la fin du règne de ce régime. Cela doit même être un réflexe de survie. Nous n’avons pas besoin d’un mot d’ordre venant de l’extérieur pour nous mobiliser. « On ne montre pas à l’œil le sommeil », observait mon aïeul.
Certains d’entre nous nourrissent l’espoir que la force des urnes le boutera dehors en 2016. Mais, Ali Bongo Ondimba et ses amis ont décidé de rester aux commandes de notre nation par tous les moyens, y compris par la force. C’est dans cette perspective qu’ils se sont entourés d’une milice devenue une force choyée, entretenue et entraînée plus que l’armée régulière. Ils ont donc développé des réflexes dangereux pour la paix sociale. Finalement, Al Mutanabbi n’avait pas tort de dire que « chaque fois que le temps a fait croître un bâton, au bout du bâton, l’homme a mis la lance ».
A côté de la milice, le président Ali Bongo Ondimba et son petit club ont mis en place une Commission électorale nationale à leur solde. Ainsi, cet organe décidera de l’inéligibilité de certains acteurs politiques de l’opposition. La Cour constitutionnelle n’ira pas avec le dos de la cuillère pour confirmer le contre-feu de l’organe en charge des élections. Prenez donc la mesure du problème. « Si tu es averti qu’un malheur va t’arriver, il faut t’accroupir », aimait à dire mon aïeul.
Le troisième moyen que ce régime obsolète et corrompu a mis en place pour se maintenir au pouvoir de force, c’est la constitution d’un fichier électoral par ses seuls sujets de la Commission électorale susmentionnée. Dans cette perspective, la carte d’identité et le passeport sont désormais octroyés aux expatriés par les fidèles du président pour leur permettre de voter à la place des nationaux réfractaires au régime. Celui-ci est d’ailleurs réputé pour ses manœuvres dolosives. Mon papy m’expliquait que « celui qui pète tard dans la nuit répand sa renommée de péteur ».
Le pays traverse donc un moment crucial, celui de faire un choix entre la soumission à la dictature du pouvoir autocratique d’Ali Bongo Ondimba pour toute la vie et la révolte populaire contre cette tyrannie. Le moment est venu de faire un choix entre la vente aux enchères du Gabon et la révolte populaire. Le temps est venu de choisir entre l’injustice qui est devenue une loi et la révolte populaire. Vous ne pouvez plus accorder votre confiance à un pouvoir criminel. « La poule ne se marie pas avec l’épervier », disait mon grand-père.
Mes chers compatriotes, lorsque le président Ali Bongo Ondimba et ses copains érigent l’injustice comme une loi et un mode de gouvernement, la résistance par une révolte populaire devient un droit et une obligation patriotique. Dès lors, tous les Gabonais qui aiment leur pays ne peuvent pas se dérober à ce devoir civique. Car nous avons suffisamment fait preuve de patience. « Les abeilles les plus méchantes sont celles qui conservent le plus de miel », m’apprenait mon aïeul, grand apiculteur de son époque.
Article publié le 14 Décembre 2015