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TRIBUNE LIBRE : Lettre aux citoyens gabonais

TRIBUNE LIBRE : Lettre aux citoyens gabonais
Jonas Moulenda
Jonas MOULENDA

Par : Jonas MOULENDA

Mes chers compatriotes,

La connaissance que vous avez de l’imposture qui règne dans notre pays n’interdit pas au patriote que je suis d’actualiser, de temps à autre, les profils des politicards qui nous servent de gouvernants. Il est de mon devoir de vous dessiller les yeux, pour que vous ne tombiez pas dans les chausse-trappes du cénacle qui détruit notre pays. « Le singe prévient l’éléphant du danger », disait mon grand-père.

Si je le fais, c’est parce que des principes sacrés de notre République sont foulés aux pieds avec une violence inédite et une absence de scrupule sans précédent. Si je le fais par le moyen de l’écrit, c’est parce que je veux susciter la réflexion et non l’émotion. Depuis un an, je vis éloigné de vous, mais j’ai claire conscience des peines, des souffrances et des inquiétudes qui sont votre lot quotidien ces derniers temps. Mon aïeul disait : « Même si on ne va pas là où les vaches s’abreuvent, on sait qu’il n’y a pas de gobelets. »

Qui aurait pu imaginer que notre si riche pays connaîtrait des difficultés de trésorerie empêchant de nombreux pères et mères de famille d’entrer en possession de leurs salaires à temps ? Des milliers de Gabonais font désormais la queue devant des établissements bancaires sans obtenir le fruit de leur dur labeur. Nombreux sont ceux qui passent les fêtes de fin d’année sans argent alors qu’ils sont salariés. C’est intolérable ! Mon papy me faisait remarquer que « le poisson ne meurt pas de soif ».

J’exhorte tous ceux qui soutiennent le régime en place à cause des privilèges personnels à faire preuve de sursaut patriotique. Qu’ils pensent d’abord au Gabon. Au nom de leur nombrilisme, acceptent-ils de vendre aux enchères notre pays ? Celui-ci est le meilleur héritage que nous ont légué nos parents. On ne peut pas le sacrifier sur l’autel de nos intérêts égoïstes. Car nous n’avons pas de pays de rechange. « Celui qui n’a qu’un cache-sexe craint que la pluie le mouille », observait mon grand-père.

La cupidité des gouvernants a favorisé la précarisation endémique des Gabonais et la paupérisation aiguë de la société. L’élite, la société civile, les serviteurs de Dieu et les opposants sont réduits à la prostitution politique. Les perspectives sombres réduisent ainsi les Gabonais, selon la volonté et les pratiques du pouvoir et de ses sbires, à se soumettre ou à fuir et ne plus revenir dans leur pays. Cela est compréhensible dans une moindre mesure. Mon aïeul disait : « Le moustique n’aime pas les endroits où on bat les mains.»

L’émigration des Gabonais est l’indicateur d’un mal-vivre dans leur pays, à cause de la dictature. Notre pays, aux ressources énormes, avec une faible démographie, dispose d’atouts pour l’ensemble de ses habitants et surtout pour une élite importante fuyant l’humiliation, les intimidations, les arrestations arbitraires frénétiques, la soumission et la prostitution politique qui constituent la seule issue que leur offre le système politique. « Lorsque le palmier prend feu, les tisserins se dispersent », observait mon papy, grand ornithologue de son époque.

Aujourd’hui, toutes les conditions sont réunies pour la perpétuation de la barbarie et des volcans politiques. L’idée qu’Ali Bongo Ondimba se fait de la paix et du pouvoir est celle de la surdomination d’une communauté sur les autres. Il va de soi que cela est incompatible avec la démocratie et une paix durable et véritable. Il nous appartient donc d’établir de nouvelles normes sociétales. N’attendons pas un ordre venant d’autres horizons pour le faire. Mon grand-père aimait à me dire qu’«on ne montre pas le sommeil à l’œil».

Mes chers compatriotes, notre pays aussi a droit à un exercice civilisé du pouvoir, et non à une barbarie comme maintenant. Quarante-deux ans de pouvoir clanique, vénal, opaque et criminel ont déjà, pour longtemps, hypothéqué l’avenir de plusieurs générations de Gabonais. Il est grand temps que nous mettions un terme à cette situation. Ne nous contentons pas des friandises que le pouvoir distribue in extremis pour acheter les consciences. « Les grains de maïs qu’on donne à la poule pour un jour ne la font pas grossir », m’expliquait encore mon aïeul.

Article publié le 28 Décembre 2015

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